Cardinal Pietro Parolin © ZENIT - HSM

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Dignité de la personne et bien commun, phares pour l’activité financière

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Le cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin intervient lors de la remise du Prix 2015 de la fondation Centesimus Annus – Pro Pontefice à M. Pierre de Lauzun.

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« L’activité financière est menée avec des moyens et des instruments extrêmement complexes (…) qui doivent toujours être ancrés dans la dignité de la personne humaine et dans le bien commun », fait observer le cardinal Parolin.

Le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin est intervenu ce mardi 26 mai à la Conférence internationale « Repenser les principales caractéristiques de la vie économique et sociale », organisée par la Fondation Centesimus Annus – Pro Pontifice. La fondation, lancée par Jean-Paul II en 1993 a pour mission de favoriser la diffusion de l’enseignement social de l’Eglise.

La conférence internationale s’est terminée ce mercredi 27 mai avec la participation à l’audience générale ; les travaux se sont déroulés les 25 et 26 mai dans la Salle du synode du Vatican et au Palais de la Chancellerie à Rome où le secrétaire d’État a pris la parole, à l’occasion de la remise du Prix 2015 de la fondation à l’économiste français Pierre de Lauzun, pour son livre : « Finance. Un regard chrétien. De la banque médiévale à la mondialisation financière (Embrasure, 2012).

« Il est très significatif que le prix soit décerné pour un livre qui offre un point de vue chrétien du monde de la finance », a dit le cardinal Parolin : « Cela exige une analyse historique attentive et en profondeur, car dès le Moyen-âge, dans l’Église catholique, une pensée et une recherche originales ont été développées sur les questions monétaires et financières. L’histoire est maîtresse de vie, comme nous le rappelle Cicéron (De Oratore, II, 9,36). Dans ce domaine aussi, notre riche histoire peut sans doute orienter un examen approfondi sur cette question d’une grande importance contemporaine. »

« Nous sommes tous conscients qu’une telle réflexion est aujourd’hui encore plus nécessaire dans un monde globalisé où l’activité financière est menée avec des moyens et des instruments extrêmement complexes, risquant parfois de perdre de vue ses objectifs initiaux, qui doivent toujours être ancrés dans la dignité de la personne humaine et dans le bien commun », a fait observer le Secrétaire d’Etat.

Voici notre traduction intégrale, de l’italien, de l’intervention du secrétaire d’Etat.

Allocution du cardinal Parolin

Éminence,

Chers amis,

Nous sommes maintenant parvenus à la fin de cette conférence internationale très stimulante de la Fondation Centesimus Annus – Pro Pontifice.

Ces deux jours de réunion ont confirmé une fois encore combien votre fondation, en restant fidèle à la responsabilité que lui a confiée saint Jean-Paul II en 1993, peut rendre un service précieux pour une connaissance plus large et meilleure de la doctrine sociale de l’Église. Elle le fait en encourageant l’application de cette doctrine à travers un dialogue vigoureux entre spécialistes, économistes, enseignants universitaires et autres qui apportent leur expérience de vie au monde de l’économie.

Le thème choisi par la Conférence, « Repenser les caractéristiques principales de la vie économique et sociale », est ainsi particulièrement important. Il rappelle le défi lancé par le pape Benoît XVI d’une « réflexion nouvelle et approfondie sur le sens de l’économie et de ses fins, ainsi qu’une révision profonde et clairvoyante du modèle de développement pour en corriger les dysfonctionnements et les déséquilibres » (Caritas in Veritate, 32).

Il est important que la fondation relève ce défi avec dévouement et compétence, à la lumière de l’enseignement social de l’Église. Son principal point de référence doit être la dignité de la personne humaine et la promotion du bien commun. Nous vivons à une époque où, malheureusement, le modèle économique qui prévaut révèle de nombreuses lacunes, des dysfonctionnements et déséquilibres qui pèsent lourd sur l’état de santé de la planète. Ceux-ci affectent les principes éthiques et moraux qui guident de nombreuses formes de comportements au sein de la famille humaine.

Néanmoins, il est important de réaliser qu’il existe des demandes croissantes, de divers secteurs de la société, en faveur d’un examen attentif de la meilleure façon de répondre à ces distorsions. Les principes éthiques qui sous-tendent l’enseignement social de l’Église peuvent servir de schéma de référence et de clé d’interprétation dans cet effort.

Dans ce contexte, la Fondation décerne son second Prix biannuel Économie et Société. Ce faisant, elle permet d’attirer l’attention sur la qualité de projets originaux qui peuvent aider à développer de nouveaux domaines d’application des principes de l’enseignement catholique et à accroître son influence sur les décisions concrètes.

Je remercie chaleureusement le cardinal Marx et l’ensemble du jury, composé de spécialistes de dix pays, pour leur étude minutieuse et leur sélection des textes proposés.

Il est très significatif que le prix soit décerné pour un livre qui offre un point de vue chrétien du monde de la finance. Cela exige une analyse historique attentive et en profondeur, car dès le Moyen-âge, dans l’Église catholique, une pensée et une recherche originales ont été développées sur les questions monétaires et financières. L’histoire est maîtresse de vie, comme nous le rappelle Cicéron (De Oratore, II, 9,36). Dans ce domaine aussi, notre riche histoire peut sans doute orienter un examen approfondi sur cette question d’une grande importance contemporaine.

Nous sommes tous conscients qu’une telle réflexion est aujourd’hui encore plus nécessaire dans un monde globalisé où l’activité financière est menée avec des moyens et des instruments extrêmement complexes, risquant parfois de perdre de vue ses objectifs initiaux, qui doivent toujours être ancrés dans la dignité de la personne humaine et dans le bien commun.

Le jury souhaitait aussi attirer l’attention sur deux thèses doctorales qui montrent la profondeur et le nombre croissant d’études sur la doctrine sociale de l’Église menées dans différentes universités du monde catholique.
Chers amis,

Sa Sainteté le pape François s’est adressé à vous à plusieurs occasions, soulignant que « la crise actuelle n’est pas seulement économique et financière mais elle s’enracine dans une crise éthique et anthropologique » (Discours adressé à la Fondation Centesimus Annus – Pro Pontefice, 25 mai 2013). Dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, il a affirmé qu’au cœur de la crise éthique et anthropologique, il y a, et je cite : « la négation du primat de l’être humain ! Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain. La crise mondiale qui investit la finance et l’économie manifeste ses propres déséquilibres et, par-dessus tout, l’absence grave d’une orientation anthropologique qui réduit l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation » (N. 55). La culture du déchet est symptomatique de cela ; fréquemment dénoncée par le  Saint-Père, c’est une culture qui cache un rejet de l’éthique et fréquemment aussi un rejet de Dieu.

Pendant ces deux jours, vous vous êtes engagés dans une réflexion disciplinée en réponse à ces observations du pape François. Vous avez considéré des questions liées au monde du travail, ainsi que des problèmes économiques et financiers qui peuvent éloigner une telle activité de sa vocation à être au service du développement humain intégral.

Replacer cette vocation dans la vie économique est une des tâches principales d’une fondation c
omme la vôtre, dont les objectifs incluent « la promotion de la connaissance de la doctrine sociale de l’Église et de l’activité du Saint-Siège auprès de personnes qualifiées pour leur engagement professionnel dans le monde de l’entreprise et dans la société  « (Statuts de la Fondation, Art. 3(a), Section 1, 25 juin 2004)

Le pape Benoît XVI affirmait fréquemment que « toute décision économique a des conséquences morales » (Caritas in Veritate, 37). Se réapproprier cette vocation nécessite de revenir à la signification fondamentale de concepts comme ceux d’économie et de développement, en trouvant des moyens adéquats de les appliquer pour le développement intégral de chaque personne et de toute la personne, comme y encourageait le pape Paul VI dans Populorum Progressio (N. 14), non seulement à court terme mais aussi dans le long terme.

Une fois encore, la clé de cela est la formation morale des personnes individuelles nécessaire à tous les niveaux, qui peut les conduire à redécouvrir la signification du travail personnel et collectif au service du développement humain intégral.

Je suis reconnaissant de cette occasion de vous faire partager ces réflexions. Je vous présente mes meilleurs vœux pour la fécondité du travail de la Fondation, qui, je l’espère, sera toujours plus pleinement orienté vers la planification et la structuration de la sphère économique et financières dans un cadre éthique sain et robuste.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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