Dialogue avec le judaïsme: l'engagement de Jean-Paul II, par le card. Koch (IV)

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« Berrie Lecture » à l’Angelicum, sur « Nostra Aetate »

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Traduction d’Hélène Ginabat

ROME, jeudi 24 mai 2012 (ZENIT.org) – « Les efforts passionnés » de Jean-Paul II en faveur du dialogue judéo-chrétien « plongent sûrement leurs racines d’abord dans son histoire personnelle », affirme le card. Kurt Koch, dans cette quatrième partie de sa conférence (cf. Zenit des 15, 17, 21, 22 et 23 mai 2012). Il rappelle « le souvenir indélébile » laissé par la visite du pape polonais à la synagogue de Rome. 

4. Le Pape Jean-Paul II et le dialogue judéo-catholique

Si l’on considère les ramifications du dialogue judéo-chrétien, il devient évident que, pour qu’il reste vivant, ce dialogue doit sans cesse être soutenu par des témoignages personnels concrets et authentiques. Certes, les documents et les dialogues mentionnés précédemment ont été inspirés, préparés et réalisés par des témoins autorisés du dialogue judéo-chrétien. Mais leur objectif a toujours été de traduire ceux-ci dans la réalité concrète grâce à l’engagement personnel d’autres témoins. On se souvient de John M. Oesterreicher qui, en tant que converti, a consacré toute sa vie et son œuvre au dialogue judéo-chrétien et a également participé de manière décisive à la rédaction de « Nostra Aetate ». Il faut aussi mentionner, avec gratitude, les nombreuses initiatives fructueuses qui eurent lieu après le Concile dans diverses Eglises locales, pour promouvoir la discussion judéo-chrétienne. Mais pour l’Eglise catholique romaine, le signal fort, qui émane de la papauté, est et reste d’une importance particulière.

Si le pape Paul VI avait déjà pris des mesures décisives en direction d’un rapprochement avec le judaïsme, l’engagement dans cette question par les responsables de l’Eglise catholique universelle ne fut vraiment perçu par le grand public que sous le pontificat de Jean-Paul II. Ses efforts passionnés pour favoriser le dialogue judéo-chrétien plongent sûrement leurs racines d’abord dans son histoire personnelle. Karol Wojtyla a grandi dans la petite ville polonaise de Wadowice, dont au moins un quart de la population était des Juifs. Dès son enfance, les contacts quotidiens et les amitiés avec les Juifs allaient de soi ; c’est pourquoi, une fois pape, ce fut pour lui un sujet de préoccupation de conserver son amitié avec un camarade d’école juif, et d’intensifier les liens d’amitié avec le judaïsme en général.

Bien plus, Jean-Paul II a été en mesure d’exprimer de manière visible son souci de réconciliation avec le judaïsme au travers de grands gestes publics. Dès la première année de son pontificat, le 7 juin 1979, il a visité l’ancien camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, où, devant la pierre commémorative portant une inscription en hébreu, il a rappelé les victimes de la Shoah d’une manière particulière avec ces paroles émouvantes : « Cette inscription rappelle le souvenir du peuple dont les fils et les filles étaient destinés à l’extermination totale. Ce peuple tire son origine d’Abraham, qui est le Père de notre foi (cf. Rm 4, 12), comme l’a dit Paul de Tarse. Ce peuple, qui a reçu de Dieu ce commandement : « Tu ne tueras pas », a éprouvé en lui-même à un degré spécial ce que signifie tuer. Devant cette pierre, il n’est permis à personne de passer avec indifférence ». Les médias ont accordé encore plus d’attention à la visite du pape Jean-Paul II à la synagogue de Rome le 13 avril 1986, qui revêt une importance particulière parce qu’il y avait une communauté juive à Rome bien avant que la foi chrétienne n’y soit apportée. L’importance historique de cet événement est cependant, avant tout, basée sur le fait que c’était la première fois dans l’histoire que l’évêque de Rome visitait une synagogue, en témoignage de son respect pour le judaïsme devant le monde entier. Le geste de l’étreinte du Grand Rabbin Elio Toaff et du pape Jean-Paul II reste un souvenir indélébile.

Il faut aussi replacer dans le contexte du document « Nous nous souvenons. Une réflexion sur la Shoah », la prière pour le pardon avec laquelle, le 12 mars de l’Année Sainte 2000, dans une liturgie publique, le pape a prié pour le pardon de la faute commise envers le peuple d’Israël : « Nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l’histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils, et, en te demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une fraternité authentique avec le peuple de l’Alliance ». Sous une forme légèrement modifiée, le pape Jean-Paul II a inséré cette prière de demande de pardon, comme une pétition écrite, entre les pierres du Mur des Lamentations à Jérusalem, lors de sa visite en Israël le 26 mars 2000. La visite à l’État d’Israël par le pape ne doit donc pas être considérée simplement comme un événement historique, surtout dans la mesure où la reconnaissance diplomatique de l’Etat d’Israël par le Saint-Siège avait eu lieu en décembre 1993. Au contraire, la visite du pape en Israël, a représenté un stimulant unique pour la promotion du débat judéo-catholique. Lorsque le Pape a visité le Mémorial de l’Holocauste de Yad Vashem, il a fait mémoire des victimes de la Shoah et il a prié pour elles, il a rencontré des survivants de cette terrible tragédie et il est entré en contact pour la première fois avec le Grand Rabbinat de Jérusalem. Plus tard, il a rencontré encore une fois les deux Grands Rabbins, le 16 janvier 2004, au Palais apostolique. En outre, Jean-Paul II a reçu, à plusieurs reprises, des personnalités et des groupes juifs et, au cours de ses nombreux voyages pastoraux, son programme obligatoire incluait toujours une rencontre avec une délégation juive locale, là où il y avait une importante communauté juive.

Si l’on jette un regard rétrospectif sur le grand engagement du pape Jean-Paul II en faveur du dialogue judéo-catholique, on peut sans hésiter affirmer que, pendant son long pontificat, une voie a été tracée pour l’avenir de cette conversation nécessaire et il ne peut y avoir de retour en arrière, après ce qui a été atteint. Il n’est donc pas surprenant qu’à ce jour Jean-Paul II soit tenu en haute estime par les partenaires juifs du dialogue et que soit demeurée intacte l’admiration suscitée par lui et par son œuvre.

(à suivre)

Traduction de l’anglais par ZENIT [Hélène Ginabat]


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ZENIT Staff

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