« Devenir les constructeurs d’un monde différent », par Mgr Vingt-Trois

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Lancement du Forum des Jeunes Adultes chrétiens, à Notre-Dame

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ROME, Lundi 28 mai 2007 (ZENIT.org) – « Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour devenir les constructeurs d’un monde différent, les artisans d’un monde différent ? », interrogeait, samedi dernier, Mgr Vingt-Trois.

Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a participé avec Mgr Benoît Rivière, évêque d’Autun et président du Conseil pour la pastorale des enfants et des jeunes, au lancement du Forum des Jeunes Adultes chrétiens, à Notre-Dame de Paris, samedi 26 mai.

Après un temps de prière et l’accueil de Mgr Rivière, quatre jeunes ont présenté leur expérience : un du groupe des Jeunes Professionnels de Saint-Etienne, groupe qui existe depuis les JMJ de Compostelle et se consacre surtout à la découverte du patrimoine artistique chrétien, une du groupe Sant’Egidio de Paris, un jeune ingénieur membre d’un groupe de Jeunes Professionnels à Saint-Cyr l’Ecole et une jeune femme du groupe des Jeunes Professionnels de Montargis (cf. www.catholique-paris.com, pour le texte intégral de Mgr Vingt-Trois).

Le matin même, des milliers de jeunes étaient partis de Notre-Dame de Paris pour rejoindre Notre-Dame de Chartres. Hier, dimanche de Pentecôte, Mgr Vingt-trois a conféré le sacrement de la confirmation à près de 200 adultes dont 80% ont moins de 40 ans. Ce lundi de Pentecôte, l’archevêque de Paris participe au rassemblement de 12000 collégiens d’Ile de France.

Samedi, Mgr Vingt-trois proposait trois étapes pour une réflexion : « première étape : être dans le monde sans être du monde ; seconde étape : les choix de la liberté ; troisième étape : ce qui est bon dans le monde ».

« Etre dans le monde sans être du monde »
L’archevêque s’appuyait sur un extrait de la « Lettre à Diognète », comme « un écho de la situation de chacun de nous en notre monde : à la fois pleinement participants de notre monde, de notre société, de notre culture, et en même temps, jamais satisfaits ni de notre monde, ni de notre société, ni de notre culture ; aspirant toujours à ce que le message d’amour du christ soit reconnu et toujours confrontés à l’opposition que ce message du Christ suscite ; désireux toujours que notre foi chrétienne fasse de nous des artisans de paix, et supportant toujours aussi que notre foi soit un objet de répulsion ou d’objection ».

« Trop souvent, nous considérons que la méconnaissance ou le rejet du Christ ou l’objection à la foi chrétienne viennent simplement d’une erreur, d’une ignorance ou encore d’une faute morale. Nous oublions simplement que cette fracture entre le modèle chrétien et le modèle ambiant est constitutive de la foi chrétienne. Le Christ Fils unique de Dieu, pleinement Dieu, Dieu très saint, Dieu juste, Dieu miséricorde, Dieu amour, est venu partager l’existence d’une humanité qui n’est rassemblée ni par l’amour, ni par la sainteté, ni par la justice, ni par la perfection », faisait observer l’archevêque qui tirait « six conclusions ».

Première conclusion : « Il n’y a jamais eu d’âge d’or. (…) L’étrangeté du Christ et l’étrangeté de l’Évangile n’ont jamais été absorbées par aucune société, aucune culture ».

Deuxième conséquence : « Il n’y a jamais de coïncidence complète entre la foi chrétienne et aucun système historique, social ou politique. (…) Aucun royaume de ce monde ne peut être le Royaume de Dieu ».

Troisième conséquence » « La foi chrétienne ne peut jamais se réduire à un système philosophique ou idéologique ».

Quatrième conséquence : « Il n’y a pas de terre promise pour les chrétiens en ce monde. Ils sont donc toujours de quelque façon étranges ou étrangers. On ne peut pas imaginer que le chrétien soit purement et simplement superposable avec le citoyen honnête homme. (…) Etre chrétien introduit forcément une différence ».

Cinquième conséquence : « La mission des chrétiens n’est pas de fuir le monde mais d’y pénétrer et d’y annoncer la Bonne Nouvelle. (…) Il n’y a pas d’isolat chrétien dans le monde ».

Sixième conséquence : « Votre situation de chrétiens dans un monde professionnel dominé par les impératifs économiques est inévitablement une situation d’instabilité à surmonter. (…) Le chrétien sait de source sûre que la réussite professionnelle n’est pas le critère du bonheur ».

« Les choix de la liberté »
« Il n’y a pas d’amour ni d’engagement sans liberté. C’est pourquoi la libération de l’homme est au cœur de tout système qui ambitionne de proposer le salut. Or la foi au Christ ambitionne de proposer le salut, le bonheur. Si elle ne propose pas le bonheur, si elle ne propose pas le salut, elle n’a aucun intérêt Nous ne sommes pas là pour apporter des nuances dans les couleurs des murs de la maison, nous sommes là pour proposer une autre architecture », faisait observer Mgr Vingt-Trois avant de poser la question : qu’est-ce que la liberté.

Liberté publique
« Cela désigne des droits à des biens nécessaires à l’exercice de cette liberté : droit à la vie et droit au respect de la vie et droit à la santé ; droit à la formation et droit à l’éducation ; droit au travail et à la subsistance familiale… Énumérer ces droits et d’autres encore suffit à faire mesurer que nous sommes certes libres de cette liberté publique, mais que, comme disait quelqu’un, nous ne sommes pas tous libres également. Car tout le monde n’a pas le même droit à la vie et au respect de la vie, tout le monde n’a pas le même droit à la santé, tout le monde n’a pas le même droit à l’éducation… La conquête de ces droits, non pas leur conquête métaphysique, – car tout le monde sera d’accord pour dire que ce sont des droits fondamentaux -, mais leur conquête pratique, c’est-à-dire leur mise en œuvre effective, demande un labeur incessant », soulignait l’archevêque de Paris.

La liberté de l’intelligence
C’est, expliquait Mgr Vingt-Trois, « la possibilité pour tous d’avoir accès à la vérité », mais comment, alors que la « société de la communication » se trouve « dominée par le formatage de l’information et la construction de la « pensée unique » ? » « On peut vivre un certain temps, disait-il, en cachant ce que l’on croit, mais il vient un moment où l’on finit par ne plus croire ce que l’on cache. Il n’y a de véritable liberté de l’esprit que s’il y a une liberté d’expression, c’est-à-dire une possibilité de dire les choses ».

La liberté morale
C’est, continuait Mgr Vingt-Trois, « la possibilité de choisir nos manières de vivre sans être jugés, sans être condamnés, sans être exclus. (…) A cela on reconnaît une société démocratique : les transformations ne s’y opèrent pas par la force, mais par la conviction. Pour faire progresser une société démocratique, il faut faire progresser la négociation de façon à aboutir à un certain modus vivendi. Si notre société progresse par l’élaboration de consensus négociés, arrive nécessairement un jour où nous ne pouvons plus être dispensés de faire des choix. Car il y a dans la vie des choses qui ne se négocient pas. Lesquelles ? Il serait intéressant qu’au cours de vos discussions, plutôt que de chercher un modus vivendi négocié, vous parveniez à un partage où chacune et chacun d’entre vous exprimerait, selon ce qu’il veut, ce qui pour lui relève du non-négociable, non pas abstraitement mais concrètement ».

Et de lire à l’appui le ch. 30 du Deutéronome qui présente une « option radicale de la vie et de la mort, du bonheur et du malheur, de la bénédiction et de la malédiction », qui est « au cœur de chacune de nos libertés » : « C’est à chacun de nous de
savoir s’il veut être fidèle à la Parole de Dieu ou au contraire suivre d’autres chemins ».

« Ce qui est bon dans le monde »
« On pourrait dire les choses d’une autre façon, faisait observer l’archevêque de Paris, en posant la question : peut-on être chrétien et joyeux ? Le christianisme ne peut-il être qu’un christianisme de la condamnation, un christianisme de la frustration, un christianisme de la tristesse qui ne progresse que dans l’insatisfaction ou le conflit permanent ? »

Il proposait cinq points de réflexion.
« Quelle la racine, quelle est la source de la joie ? Qu’est-ce qui nous rend heureux, qu’est-ce qui nous rend joyeux ? Qu’est ce qui nous rend légers ? L’allégresse, c’est la légèreté de l’être. Est-ce d’éviter tout conflit ? Nous serons alors joyeux, heureux, dans la mesure où nous serons assez clairvoyants pour esquiver les chocs, les confrontations, les discussions, les objections. Est-ce de satisfaire tous les désirs ? », interrogeait Mgr Vingt-Trois.

Il ajoutait : « Dans notre monde, tout n’est pas mauvais. (…) Il y a beaucoup de choses magnifiques en notre monde. Cela veut dire qu’on ne peut pas avoir un jugement simpliste sur l’univers. Même sur l’univers économique, même sur des aspects très discutés et discutables de l’univers et de la production économiques. Il n’y a que dans les westerns que le méchant et le bon portent des étiquettes comme pour ne pas se tromper quand ils tirent. Mais, dans la vie ordinaire, rien n’est jamais aussi simple. Il faut examiner avec discernement, réfléchir, peser, peser, juger, ce qui est bien, ce qui est mal. Ce qui est bon, le retenir ; ce qui est mauvais, l’écarter ».

Mais Mgr Vingt-Trois faisait également remarquer « la force des conformismes » avant de poser la question : « Contre le conformisme, que trouvons-nous ? » Et de répondre : « Ou bien le lobbying qui consiste, quand on est dix, à faire du bruit comme si on était cent, – et quand on est cent mille, à faire croire que l’on est un million. Ou bien la liberté intérieure qui nous permet de définir notre chemin non pas pour imiter les autres mais pour imiter le Christ ».

« Nous sommes dans une société du spectacle, diagnostiquait Mgr Vingt-Trois, où nous nous donnons les uns aux autres le spectacle. Nous sommes dans une société des bons sentiments où chaque journal télévisé participe au concours en tâchant de montrer quelque chose de plus attendrissant ou de plus horrible pour émouvoir nos cœurs. (…) Mais ce qui change le monde, ce ne sont pas les promesses de don, ce sont les personnes qui se donnent réellement. (…) On ne peut pas remplacer le don de soi par un chèque. On ne peut pas s’acheter la liberté de vivre sur nos propres désirs en finançant le dévouement des autres. Nous ne sommes pas appelés à nourrir les bons sentiments, nous sommes appelés à aimer « en acte et en vérité ». »

Et de conclure : « Est-il possible de changer quelque chose en ce monde ? Si je ne croyais pas possible de changer quelque chose, je ne serais pas venu cet après-midi. Car ce qui va changer quelque chose dans le monde, c’est la manière dont nous passons, chacune et chacun d’entre nous, de la bonne intention à la mise en acte ; comment nous passons du sentiment de générosité au partage effectif ; comment nous passons de la générosité sensible, de la compassion du journal télévisé à un agir réel ; comment nous passons de nos états d’âme à des manières de faire ; comment nous passons de l’idée à la réalité, et à quel prix. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour devenir les constructeurs d’un monde différent, les artisans d’un monde différent ? »

« Je souhaite que pendant ce week-end, disait Mgr Vingt-trois, vous ayez la possibilité de vous aider les uns les autres à répondre à ce genre de questions, que vous ayez la possibilité de vous éclairer mutuellement, à partir de vos expériences, sur ce que veut dire être disciples du Christ aujourd’hui, dans la société française du XXIème siècle, en essayant d’être honnêtement des professionnels, d’être momentanément des jeunes et d’être fondamentalement des chrétiens ».

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ZENIT Staff

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