Derniers mots de sr Leonella : « Je pardonne, je pardonne, je pardonne »

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« La population somalienne aime les sœurs »

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ROME, Lundi 18 septembre 2006 (ZENIT.org) – « Je pardonne. Je pardonne, je pardonne, je pardonne… », telles sont les dernières paroles de Sœur Leonella Sgorbati, la religieuse italienne missionnaire en Somalie tuée de sept balles hier à Mogadiscio. Ses consoeurs refusent de montrer du doigts les milieux musulmans et expliquent la situation dramatique de la région. Le gouvernement lui-même a fait l’objet d’une attaque, soulignent-elles : « La population somalienne aime les sœurs ».

La religieuse sera inhumée au Kenya où sa dépouille mortelle a été portée aujourd’hui, selon ses dernières volontés. Elle était venue en Somalie pour mettre en place un hôpital pédiatrique et elle formait les futurs infirmiers.

« Ils étaient cachés entre les voitures garées le long de la route qui sépare l’hôpital pédiatrique du village ‘Sos’, où vivent les sœurs missionnaires de la Consolata de Mogadiscio. Il s’agissait de deux hommes qui sont apparus à l’improviste et ont ouvert le feu simultanément sur Sœur Leonella et le garde qui, comme d’habitude, nous accompagne lorsque nous traversons la route »: c’est avec ces mots que Sœur Marzia Feurra, missionnaire de la Consolata en Somalie depuis la période du régime de l’ex-dictateur Siad Barre, raconte à l’agence missionnaire italienne Misna l’embuscade tendue hier vers 12h (heure locale) à Sœur Leonella, au siècle Rosa Sgorbati.

« J’étais à la maison et nous préparions le déjeuner lorsque nous avons entendu de longues rafales de mitrailleuse en provenance de la rue. Cela nous a étonné car depuis quelques jours nous n’entendions plus de tirs d’armes à feu. Juste au moment où nous parlions de cela, un jeune est entré et nous a annoncé ce qui c’était passé. Nous nous sommes précipitées à l’extérieur tandis qu’ils emportaient Sœur Leonella sur un brancard » ajoute la missionnaire.

Les agresseurs connaissaient bien les habitudes des missionnaires et savaient que le seul moment pour les attaquer est lorsqu’elles traversent la route vu que le village comme l’hôpital sont bien protégés. L’embuscade est survenue seulement à trois mètres du portail de l’école qui, comme celui du village ‘Sos’, est surveillé par deux hommes armés. Selon certaines sources, les gardes auraient répondu au feu des assaillants.

Sœur Leonella était la seule missionnaire de la Consolata qui travaillait le dimanche car sa journée de repos était le vendredi, tout comme ses étudiants musulmans. Comme tous les autres jours, elle s’était levée tôt pour préparer la leçon et à midi avait dit au revoir à ses élèves et devait renter déjeuner à la maison.

« Nous avons suivi le brancard et sommes entrées dans l’hôpital – poursuit Sœur Marzia, en racontant les minutes ayant suivi la fusillade – où Leonella a immédiatement été portée au bloc opératoire. Les infirmiers avaient 4 ou 5 poches de sang mais la quantité de celui qu’ils injectaient équivalait à celui qui s’échappait de son corps. Elle a été atteinte à sept endroits et perdait beaucoup de sang. Lorsque le chirurgien est arrivé, il a dit qu’il n’y avait plus rien à faire ». « Sœur Leonella était encore en vie et avait des sueurs froides. Nos mains unies, nous nous sommes regardées et, avant de s’éteindre comme une bougie, elle m’a dit à trois reprises : je pardonne. Je pardonne, je pardonne, je pardonne… Telles ont été ces dernières paroles » conclut Sœur Marzia.

Des sources de Misna à Nairobi, capitale du Kenya, précisent que les obsèques de la missionnaire auront lieu jeudi à 10h dans l’église de la Consolata. La célébration sera présidée par Mgr Giorgio Bertin, évêque de Djibouti et administrateur apostolique de Mogadiscio. Soeur Leonella sera ensevelie le jour même au cimetière de la Consolata, à l’intérieur de la structure du Nazareth Hospital, dans la banlieue de Nairobi.

« Pour l’amour de Dieu, n’en faisons par une question liée à l’Islam, ce n’est pas comme ça. Nous ne voudrions pas que l’on associe ce qui s’est passé à des choses qui ne sont pas exactes, il s’agit du geste d’extrémistes isolés. La population somalienne aime les sœurs. Le sacrifice de Leonella prouve précisément que l’on peut cohabiter. Pendant deux ans, elle a été l’enseignante de jeunes garçons et jeunes filles de Mogadiscio de confession musulmane, dans le respect réciproque de leurs convictions religieuses. Sœur Leonella continuera de vivre à travers ces jeunes », a déclaré à Misna Soeur Gabriella Bono, supérieure des Missionnaires de la Consolata, contactée dans la maison généralice de Nepi (Viterbe) en Italie.

« Peu avant le départ des autres consoeurs pour Nairobi, on nous a dit – ajoute la supérieure générale des missionnaires de la Consolata – que la maison de Mogadiscio était pleine de personnes, de Somaliens en larmes qui étaient allés témoigner leur douleur et leur soutien ».

Les consoeurs de Leonella – qui gèrent depuis des années l’hôpital ‘Sos’ de Mogadisicio (Sœurs Marzia, Annalisa et Gianna Irene) sont elles aussi arrivées à Nairobi, elles qui n’ont jamais abandonné la capitale somalienne, pas même durant les phases les plus dures du conflit, alors qu’au contraire la communauté internationale s’est retirée de l’ex-colonie italienne, laissant plonger le pays de la Corne d’Afrique dans l’anarchie et le chaos. « Une présence certainement délicate mais pour laquelle nous avons été récompensées avec l’amour inconditionné de la population locale » dit à Misna une missionnaire de la Consolata qui préfère garder l’anonymat.

« Lorsqu’en 1998 Sœur Marzia fut enlevée – se souvient la religieuse – ce furent les femmes de Mogadiscio qui ont contraint les ravisseurs à la libérer en organisant un sit-in pacifique de chants et cris devant l’édifice où elle avait été enfermée ». « Sœur Leonella a été un don précieux de vie; elle continuera de vivre – souligne la supérieure de la Consolata – tout comme les fruits de son travail, ces jeunes qui ont été formés par elle à Mogadisicio et qui, juste ces jours-ci, venaient d’achever leur premier cours d’infirmiers. Le sourire de Sœur Leonella, sa foi dans la vie malgré tout, sa passion pour la vie se poursuivront dans les gestes de tous ces jeunes qui, grâce à sa formation, pourront sauver d’autres vies » ajoute Sœur Gabriella Bono, qui a témoigné dans les journaux télévisés italien de l’amour de la défunte pour le peuple de Somalie et de sa mort marquée par le pardon.

Sœur Leonella n’appartenait pas à la petite communauté de la Consolata de Mogadiscio, mais à celle de Nairobi. Depuis quelques années elle assurait un cours pour infirmiers organisé à l’hôpital ‘Sos’ de la ville somalienne et se déplaçait fréquemment de Nairobi à Mogadiscio, où elle restait environ 6 mois par an. La religieuse était revenue à Mogadiscio depuis quelques jours seulement.

Née à Plaisance (en italien Piacenza, en Émilie-Romagne) en 1940, Leonella était sœur depuis 1963, en mission au Kenya de 1970 à 2002 et depuis 4 ans enseignante à Mogadiscio. « Elle ressentait quelque chose. Elle était consciente du danger et pourtant elle a toujours choisi de mettre sa vie complètement en jeu pour les autres. C’est le message qu’elle a transmis à nous-mêmes et aux Somaliens qu’elle a toujours aimés » conclut Soeur Gabriella Boni, toujours selon la même source.

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ZENIT Staff

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