Cour européenne : le statut de l'embryon humain

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L’embryon n’est pas une « chose » mais un « sujet »

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Dans les prochains mois, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) devra se prononcer sur l’affaire « Parrillo contre l’Italie » (no 46470/11) mettant en cause le statut de l’embryon humain.

Grégor Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice (European Centre for Law and Justice – ECLJ), signe une tribune à ce propos. Il rappelle que l’embryon n’est pas une « chose » mais un « sujet ».

« Cette affaire concerne une femme qui en 2002, alors qu’elle était déjà âgée de 48 ans, a entrepris avec son mari d’avoir des enfants par procréation médicalement assistée (PMA). Cinq embryons ont été conçus « in vitro » à cette fin puis congelés pour une future implantation, la requérante étant atteinte d’endométriose. En 2003, la requérante perd son mari et renonce
alors à poursuivre la procréation médicalement assistée. Depuis, les embryons demeurent congelés. Huit ans plus tard, en 2011, mécontente qu’une loi adoptée en 2004  (loi n° 40/2004) prévoit notamment l’interdiction de la destruction des embryons humains « in vitro », la requérante saisit directement la CEDH au motif qu’elle souhaite donner les embryons à la
recherche, pour qu’ils soient ainsi détruits. Elle allègue la violation de son droit de propriété sur les embryons humains (article 1 du Protocole n°1) et du droit au respect de sa vie privée et familiale (article 8).

Alléguer une violation du droit de propriété implique de dénier aux embryons humains la qualité de « sujets » de droit pour les qualifier de « choses ».

L’ECLJ a été autorisé par la Cour à lui soumettre des observations écrites sur cette affaire. Dans ses observations, l’ECLJ rappelle tout d’abord que la loi n° 40/2004 a été adoptée pour fixer des normes éthiques et pour mettre fin à ce que l’on appelait alors le « far-West reproductif ». Des embryologistes abusaient en effet alors la PMA, notamment afin de répondre à la demande d’enfants formulée par des femmes âgées (parfois au-delà de 60 ans). Cette loi 40/2004 a affecté le secteur économique des biotechnologies en Italie et demeure débattue en raison de la protection qu’elle accorde aux embryons humains.

Sur le fond, l’ECLJ expose que par la loi 40/2004, le législateur italien a reconnu à l’embryon humain « in vitro » la qualité de « sujet », au même titre que les autres « sujets impliqués » dans la PMA, et vise à garantir son droit à la vie. A cette fin, la loi interdit la destruction volontaire des embryons conçus (destruction par diagnostic préimplantatoire ‘DPI’ ou par recherche scientifique) et prescrit la congélation des embryons non (encore) implantés. Le choix du législateur italien est soutenu par de nombreuses normes européennes.

L’ECLJ rappelle ensuite que la Cour laisse à chaque Etat la responsabilité de déterminer quand commence la protection du droit à la vie, et qu’elle accorde la protection de la Convention à l’embryon ou au fœtus à partir du moment où le droit interne leur accorde cette protection. Il en résulte que la Convention s’applique aux embryons « in vitro » dans la mesure où le droit italien leur accorde sa protection, et que la Convention ne peut pas être utilisée pour forcer l’Italie à réduire la protection accordée aux embryons humains.

Les embryons étant des « sujets », ils ne peuvent pas être des « choses », objet de droit réel, et ils ne peuvent pas être détruits volontairement. Le fait que la loi italienne permette l’avortement, et donc la destruction des embryons « in utero » n’a pas d’incidence en l’espèce car cette permission vise uniquement à préserver les droits à la vie et à la santé de la mère.
Or, en aucun cas, la destruction des embryons *in vitro* ne peut se révéler nécessaire pour préserver la vie ou la santé de la mère.

S’agissant du désir de la mère de donner les embryons à la science pour le progrès de la médecine, l’ECLJ rappelle à la Cour que cette intention ne peut justifier la destruction des embryons « in vitro », car le principe juridique de primauté de l’être humain sur l’intérêt de la science et de la société s’y oppose nettement.

Enfin, le fait que la majorité des Etats européens permettent la recherche destructrice sur l’embryon n’est pas déterminant, car cela ne résout pas la question préalable de la nature de l’embryon  et de sa protection, question qui relève du droit interne. Ainsi, l’existence d’un quasi-consensus n’est pas de nature à créer une obligation conventionnelle de légaliser une telle pratique, laquelle obligation ne trouverait de toutes façon pas de fondement dans la Convention elle-même.

Ainsi, dès lors que le législateur italien a entendu reconnaître à l’embryon « in vitro » la qualité de « sujet », et que s’applique le principe de primauté de l’être humain, il est impossible de faire droit aux demandes de la requérante.

Plus généralement, notons qu’à ce jour, le droit est généralement organisé de sorte à ne pas abaisser les embryons humains au rang de choses, sans nécessairement leur reconnaître la qualité de personnes ; ils demeurent dans un entre-deux.

La présente affaire « Parrillo c. Italie » est un exemple de conjonction du libéralisme dans sa double dimension morale et économique. Le libéralisme moral (représenté par le soutien accordé à cette affaire notamment par le parti radical) et le libéralisme économique (représenté par l’industrie biotechnologique) œuvrent conjointement en faveur de la déréglementation et de la suppression de la protection dont bénéficie l’embryon humain au titre de sa  dignité humaine. Ainsi, avec cette affaire *Parrillo*, la Cour est appelée à décider si, également dans le domaine des biotechnologies, la conception libérale doit supplanter la conception ontologique des droits de l’homme fondée sur la dignité inhérente de tout être humain qui a inspirée la rédaction de la Convention.

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Grégor Puppinck

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