Côte d´Ivoire: L´évêque, face à la "logique décevante" des "gens du Nord"

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Par le cardinal Bernard Agré, archevêque d´Abidjan

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CITE DU VATICAN, Mardi 9 octobre 2001 (ZENIT.org) – « Chez les pauvres, l’espérance sera toujours morte, avant qu’elle ne se transforme en aigreur, révolte et puissance imprévisible de destruction massive, comme nous en sommes les témoins privilégiés surpris et inquiets »: dans un tableau sans concession, l´archevêque d´Abidjan, le cardinal Bernard Agré a à la fois déploré la « logique » des « gens du Nord », si « décevante » et la compassion active de l´évêque, « père et mère de son peuple ».

« Dans notre monde marqué par les innombrables blessures de la civilisation de la haine », disait l´archevêque ivoirien, « l’Evêque est souvent sollicité pour dire une parole qui soit lumière et boussole, ouverture et libération. Souvent, à sa porte, les foules se pressent et suivent du regard sa main généreuse. N’est-il pas souvent et le père et la mère de son peuple? »

Mais l´évêque serait-il un simple « manager »? « Inventif désintéressé, efficace au sein de notre monde qui encense volontiers les créatifs, les dynamiques, l’Evêque ne court-il pas le risque de n’apparaître plus qu’un réalisateur, un administrateur charismatique, un projet manager, un homme orchestre, connu comme un directeur d’une O.N.G? », interroge le cardinal Agré.

Il répond: « Si les oeuvres sociales nées de ses initiatives procurent le pain, un toit, un mieux-être à des hommes et femmes nécessiteux, l’Evêque, lieutenant de Jésus-Christ, doit tenir en mémoire que l’homme ne vit pas seulement de pain (Cf. Mt 4, 4). Il lui revient en outre d’équiper cet homme et l’amener à faire l’expérience de Dieu. Sans ce voyage aux sources du salut, sans cette conversion intérieure profonde, les individus ou les clubs de décideurs de tous pays ne peuvent faire de la mondialisation et de la globalisation montantes qu’un nouvel instrument de colonisation et d’exploitation organisée des moins nantis. Chez les pauvres, l’espérance sera toujours morte, avant qu’elle ne se transforme en aigreur, révolte et puissance imprévisible de destruction massive, comme nous en sommes les témoins privilégiés surpris et inquiets ».

L´archevêque décrit les « tentations » ou « tensions » de l’Evêque dans les « pays en voie d’émergence ». « Entre le Nord et le Sud, dit-il, l’écart se creuse; les rapports contrastés persistent. Parce que nous sommes interconnectés, quand le Nord devient nerveux, inquiet, le Sud, lui, tremble et plonge dans la fièvre: tout se grippe à son niveau. Souvent, la logique des gens du Nord est décevante. Au lieu d´aider le voyageur à demi-mort sur la route de Jérusalem à Jéricho (Cf. Lc. 10, 29-37), le Nord refuse et exige que ce malheureux lui-même se lève d’abord pour grimper sur la monture. On appelle cela pudiquement « les nouvelles conditions de l’aide internationale… ». Par contre, si l’économie d’une telle nation du Nord est menacée, on débloque immédiatement les fonds ».

Cette situation est proprement celle du continent africain, dénonce l´archevêque: « L´Afrique, « ce Continent saturé de mauvaises nouvelles, n’intéresse plus personne », sauf ses richesses du sol et du sous-sol que les multinationales pillent avec la collaboration de nationaux peu scrupuleux ».

Que devient alors la tâche de l´évêque? « L’Evêque, dans ce contexte, explique le cardinal Agré auquel nous laissons la parole, sent dans sa chair de pasteur les incohérences de ces pauvretés souvent injustes. Il participe par la parole et les actes au redressement de son peuple.

« Ici, le voici éveilleur de la conscience des grands et des petits; rappelant à temps et à contretemps les exigences de l’équité et de la solidarité. Il participe aux luttes pour sortir ses ouailles de la famine, de la pénurie des infrastructures économiques, sanitaires, éducatives… Là il doit rappeler le droit de la personne humaine, les règles élémentaires de la démocratie, etc. Il s’engage dans la lutte contre la terrible endémie du Sida, du règlement des conflits armés, des tentatives de réconciliation.

« Ovationné par les uns qui le poussent même à prendre des responsabilités politiques, calomnié, détesté par les autres, l’Evêque est écartelé constamment. Mais là, il se doit de tenir la tête hors de l’eau pour respirer et fixer l’essentiel de sa mission, qui est avant tout d’ordre spirituel.

« Sans cesse il contemple le visage du Christ, puise son énergie dans la prière, adossé à trois forces essentielles: la fréquentation quotidienne des Saintes Ecritures, une dévotion à Jésus-Eucharistie, sacrifice, nourriture et présence amicale, un culte filial équilibré à la Vierge Marie.
Profondément incarné avec son peuple, l’Evêque, homme de Dieu, se donne alors toutes les chances d’être espérance de l’homme d’aujourd´hui ».

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ZENIT Staff

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