Corée : Une campagne de publicité fait polémique auprès des chrétiens

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ROME, Vendredi 12 Février 2010 (ZENIT.org) – Le 8 février dernier, le système de transport public de Séoul, en Corée du sud, a fait retirer des flancs de ses bus une publicité parce qu’elle suscitait de nombreuses plaintes de chrétiens. La publicité en question est une affiche présentant une citation d’Albert Einstein où le scientifique exprime ses réticences vis-à-vis des religions ou, à tout le moins, de leurs dogmes : « Je ne peux pas imaginer un Dieu qui récompense et punit l’objet de sa création » (1). Il est indiqué sur l’affiche qu’elle est proposée par le groupe « Anti-Christ », rapporte aujourd’hui « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP).

Le système de transport public de Séoul a justifié le retrait de cette publicité, qui a circulé pendant plusieurs jours sur huit lignes de bus de la capitale, par le fait que ses services avaient reçu un grand nombre d’appels d’usagers se disant outrés par son contenu. « Les Eglises protestantes ont beaucoup appelé pour se plaindre », a précisé un responsable.

Au Conseil chrétien de Corée, structure réunissant 61 dénominations protestantes sud-coréennes, le Rév. Park Seung-chul, en charge des relations publiques, dément qu’« aucune action officielle » ait été engagée pour obtenir le retrait de la publicité litigieuse. « Cette affiche est l’expression d’une certaine haine envers la religion chrétienne. Anti-Christ est coutumier de propos calomnieux et diffamatoires à l’égard du protestantisme. Ils ne tiennent pas un discours critique rationnel. Leur affiche diffère des pubs athées que l’on a pu voir dans certains pays occidentaux, où existe une tradition de penseurs rationalistes », a toutefois précisé le pasteur. En 2009, dans plusieurs villes européennes, notamment à Londres, Barcelone et Gênes, des autobus ont circulé avec des publicités professant l’inexistence de Dieu (2).

Pour Anti-Christ, un mouvement qui revendique 15 000 membres et qui a consacré 2,5 millions de wons (1 550 euros) à cette campagne d’affichage, les pressions exercées sur la compagnie de bus constituent « une atteinte à la liberté d’expression et une entrave aux activités (du mouvement) ». Interrogé le 10 février par l’agence Ucanews (3), son président, Lee Chan-gyeong, a expliqué que la campagne d’affichage visait à mettre en garde les Coréens contre « le travail missionnaire agressif » des Eglises protestantes et l’exclusivisme dont celles-ci font preuve, un phénomène générateur « d’anxiété parmi la population ». « Nous avons imaginé cette campagne pour informer les gens qu’ils peuvent vivre très bien sans la religion chrétienne », a-t-il ajouté, soulignant que nombreux sont les Coréens qui ne se sentent pas à l’aise face au zèle missionnaire dont font preuve les Eglises protestantes. Celles-ci « ne prennent pas en considération la diversité de la société coréenne », a-t-il conclu.

Selon le recensement de 2005, la Corée du Sud compte, avec une population de 47 millions d’habitants, près de 23 % de bouddhistes, 18,3 % de protestants et 10,9 % de catholiques. Environ 40 % des Sud-Coréens se déclarent sans religion. Au-delà des chiffres, on peut constater que les Eglises protestantes de Corée du Sud figurent parmi les plus dynamiques au monde. Sur la scène domestique, leur dynamisme est également très grand et ne va pas sans susciter quelques frictions. L’an dernier, une étude menée par l’Institut de recherche en études bouddhiques indiquait que 81 % des religieux bouddhistes qualifiaient de « préoccupantes » les tensions religieuses en Corée du Sud et 74 % d’entre eux les attribuaient à des difficultés rencontrées avec les protestants (4). Par ailleurs, une partie du clergé bouddhiste estime que la politique menée par le président Lee Muyng-bak, élu en décembre 2007, est discriminatoire envers les bouddhistes. Le président Lee est un protestant convaincu, son appartenance à la religion chrétienne est connue de tous en Corée et, selon des observateurs locaux, l’objectif de la campagne menée par le groupe Anti-Christ, sans être liée au monde bouddhique, est sans doute plus politique que religieux, et viserait la personne du président Lee.

 

(1)           Albert Einstein, The World As I See It (Comment je vois le monde), 1934 (« Je ne peux pas imaginer un Dieu qui récompense et punit l’objet de sa création. Je ne peux pas me figurer un Dieu qui réglerait sa volonté sur l’expérience de la mienne. Je ne veux pas et je ne peux pas concevoir un être qui survivrait à la mort de son corps. Si de pareilles idées se développent en un esprit, je le juge faible, craintif et stupidement égoïste ».)

(2)           Initiée par l’Union des athées et des agnostiques rationalistes (Royaume-Uni), relayée par l’Union des athées et libres-penseurs (Espagne), une campagne d’affichage a été menée en 2009 en Angleterre, en Espagne et en Italie, avec des slogans tels que : « La mauvaise nouvelle est que Dieu n’existe pas. La bonne est qu’on n’en a pas besoin. » ou bien « Dieu n’existe probablement pas. Alors arrêtez de vous faire du souci et profitez de la vie. » La campagne a suscité des réactions chez les chrétiens. A Madrid, les chrétiens ont répliqué aux athées catalans en utilisant les mêmes armes : des bus ont circulé avec une affiche où il était écrit : « Dieu existe, profitez de votre vie avec le Christ. » En Grande-Bretagne, une organisation chrétienne a saisi l’autorité de surveillance de la publicité, au motif que la campagne était en infraction avec le code de la publicité en matière de bien-fondé et de véracité : l’inexistence de Dieu, induite par la phrase « Dieu n’existe probablement pas », n’est pas prouvée ! (Cf. Le Monde, 14 janvier 2009).

(3)           Ucanews, 10 février 2010.

(4)           Voir EDA 516

© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer la source.

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ZENIT Staff

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