Congo-Brazzaville : Homélie du nonce aux funérailles du P .Redaelli, ofm

« La mission franciscaine a gagné un intercesseur très spécial dans le ciel »

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ROME, Jeudi 15 septembre 2005 (ZENIT.org) – « La mission franciscaine au Congo a alors gagné un intercesseur très spécial dans le ciel » : voici le texte intégral de l’homélie du nonce apostolique, Mgr Andrés Carrascosa Coso, lors des funérailles du missionnaires italien le P. Angelo Redaelli, franciscain, en la cathédrale de Brazzaville, le 13 septembre dernier (cf. Misna).

– Homélie –

Excellences, Messeigneurs les Évêques,
Excellences, Messieurs les Ministres et les Ambassadeurs,
Distinguées autorités civiles et militaires,
Chers frères dans le sacerdoce, religieux et religieuses, spécialement les Frères Franciscains et les Sœurs Clarisses,
Frères et sœurs dans le Christ,

Dimanche 4 septembre, la Communauté de l’Ordre des Frères Mineurs qui est au Congo vivait un moment de grande intensité, de joie profonde et d’action de grâces à Dieu pour l’Ordination presbytérale de deux de ses membres, les Frères Pascal et Constant, auxquels j’imposais les mains. Le Père Angelo était très actif à suivre les différentes aspects de la préparation et de la Célébration.

Quelques Frères, avec trois Sœurs de la Communauté des Moniales Clarisses, se sont rendues à Makoua et à Boundji pour les Premières Messes des nouveaux prêtres dans la Paroisse et la Communauté où se trouvent les Franciscains.
On a tous eu l’occasion de connaître les tristes circonstances de l’accident qui a coûté la vie au P. Angelo et ce n’est pas le lieu ni le moment d’y revenir dans les détails.
La chose la plus importante est que Dieu Tout-puissant, le Seigneur de la vie, a accueilli notre Frère, le P. Angelo. Il lui donne la vraie vie, la vie éternelle. Le P. Angelo a donné sa vie pour ce peuple qu’il a tant aimé et qu’il avait un si grand désir de servir.
Aujourd’hui, cette célébration est l’occasion de renouveler notre profession de foi et de redire, comme la Préface de la Messe des défunts : « Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est transformée ; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux ».

Religieux d’une grande simplicité, qui vivait avec joie la vocation franciscaine de suivre « Dame Pauvreté » -comme St François l’appelait-, le P. Angelo était très sensible, il ne supportait pas la violence et était préoccupé d’aider ce peuple congolais à sortir de l’ignorance.
Tout cela rend encore plus paradoxale les desseins de Dieu au moment de sa mort. Son grand cœur l’a amené à vouloir s’arrêter secourir la petite fille qui s’était cognée la tête contre la voiture qu’il conduisait lundi matin et qui était encore vivante. Le Seigneur ne lui a pas épargné la croix de l’épreuve, et il a donné sa vie par amour.

Au-delà des circonstances tragiques, au-delà des commentaires que chacun pourra faire sur l’événement, je vous dis que pour nous, les chrétiens, la chose la plus importante est de découvrir le dessein profond que l’Amour de Dieu veut nous faire comprendre : le Père Angelo, qui avait un sens aigu de sa vocation, avait été appelé à suivre le Christ et il avait accepté de le faire en choisissant de venir au Congo pour servir ses frères de Djiri, les enfants de la rue de la maison de Brazzaville et la communauté de Makoua où il venait d’être affecté.
Par amour de Dieu et des hommes, il avait tout quitté, il était partie de l’Italie, où il avait sans doute une vie beaucoup plus facile du point de vue humain, pour être missionnaire en terre congolaise. C’est aussi par vrai amour qu’il a décidé de s’arrêter pour chercher à secourir l’enfant, par amour il a donné sa vie.

On est tenté de dire que dans des circonstances pareilles il ne faut pas s’arrêter sur la route. On dit que si en Italie le fait de ne pas s’arrêter est considéré un délit de fuite et non assistance à personne en danger, ici la tradition est différente. Mais je suis convaincu qu’on ne doit pas se rendre, que ce peuple congolais est appelé comme tous les autres à faire du chemin pour arriver à considérer qu’un accident est un accident, qu’on ne peut pas réagir de cette manière inhumaine. La mort du P. Angelo, un prêtre, un missionnaire italien, nous a réunis aujourd’hui, mais il faut penser à toutes les fois où cela arrive partout dans le pays et personne n’en parle.
La justice devra faire son chemin et la loi son action éducatrice, mais, en fin de comptes, on a un énorme besoin d’éducation et de formation dans les valeurs humains et spirituels qui découlent de l’évangile.

Plus profondément, comme aux temps de Saint Paul, qui a entendu un Macédonien lui dire : « Viens à notre secours » (Act 16, 9), cette morte tragique semble être un cri qui monte silencieusement de cette population vers nous tous, pour dire : « Nous avons besoin d’être évangélisés ». Dans un message envoyé lundi soir par Mgr Kombo, Évêque d’Owando, qui avait invités les Franciscains il y a presque quinze ans, à venir au Congo, après avoir louée l’action de ces missionnaires dans l’évangélisation des villages, dans le domaine de la santé, dans le service aux enfants de la rue et dans la catéchèse, il écrit : « Une chapelle sera construite dans ce village pour demander pardon à Dieu, aux Franciscains, à l’Italie ». Et je suis très content de cet engagement du Diocèse d’Owando. Mgr Kombo avait écrit encore : « Si vous ne voyez aucun inconvénient, que sa dépouille réponse à Owando ou à Makoua ». Toutefois, la famille du P. Angelo, à laquelle va notre gratitude pour avoir donné leur fils au Congo, a exprimé le désir de l’enterrer en Italie, désir qu’il faut respecter.

Je le dis surtout aux Frères Franciscains mais aussi à toute l’Église qui est au Congo : nous avons une grande mission à accomplir au service du peuple congolais par l’annonce de l’Évangile et de ses valeurs, mais il faudra toujours être prêts à donner sa vie, soit dans le martyr dans des circonstances exceptionnelles, soit dans la donation quotidienne que seul le Cœur de Dieu connaît. Je le rappelais au Frères Pascal et Constant le jour de leur Ordination presbytérale quand je leur disait de « conformer leur vie à la croix de Jésus Christ ».
Les franciscains, mais aussi l’Église entière, ne peuvent oublier que St François n’a pas seulement chanté dans le Cantique des créatures: « Loué sois-tu, Seigneur, pour frère Soleil et pour soeur Lune et les Etoiles », mais il a aussi dit : « Loué sois-tu, Seigneur pour notre sœur la Mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper, malheur à ceux qui meurent en péché mortel, heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté car la seconde mort ne pourra leur nuire ».

Et surtout, dans ces circonstances où on pourrait être tenté de se révolter et d’avoir des pensées de vengeance, il faut se rappeler que St François a continué son Cantique par dire : « Loué sois-tu, Seigneur, pour ceux qui pardonnent par amour pour toi, qui supportent épreuves et maladies, heureux s’ils conservent la paix car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés ».
Comme le Seigneur Jésus au moment de sa mort, le Père Angelo –j’en suis sûr- dit aujourd’hui au Père Éternel : « Père, pardonne-leur : ils ne savent ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Dans l’Évangile qu’on a lu à la Messe de dimanche dernier, le Seigneur insistait sur le besoin d’être toujours ouverts au pardon. Et quand nous prions le Notre Père nous disons : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». J’ai été fier d’écouter dans ces jours des paroles de pardon de la bouche des confrères du P. Angelo. Le pardon est quelque chose de divin, et seulement avec la force qui vie
nt de Dieu on arrive à pardonner.

Aujourd’hui l’Église Catholique célèbre la Fête de la Croix Glorieuse. Le Christ s’est offert sur la croix en sacrifice afin que par lui le monde soit sauvé. La croix est pour le peuple chrétien le signe de l’espérance du Royaume de Dieu. Objet de mépris pour les païens, la croix est devenue « notre fierté ».
Il y a de moments dans la vie où l’on s’interroge : « Pourquoi Dieu permet-il une chose comme ça? Pourquoi Dieu n’arrête-t-il pas un tel mal? » Apparemment, Dieu ne fait rien, comme apparemment Dieu n’intervient pas devant la souffrance, la douleur des innocents. Pourquoi ? La clé de ce mystère est la Croix de Jésus, mystère déconcertant. Nous attendons une victoire divine évidente, claire, triomphante, superbe, au fond des choses, et Dieu nous montre une victoire humble : Dieu permet que le mal s’acharne sur lui, Dieu l’assume pour vaincre le mal et la mort. Vaincre la mort à travers sa propre mort, vaincre la douleur à travers sa propre douleur : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi, tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle » (Jn 3, 15). C’est la logique de Dieu ! Il y a qui pose la question: « Où était Dieu quand le P. Angelo a été tué? » A cet égard, la réponse qu’un célèbre écrivain a placée dans la bouche du Christ, auquel un pauvre voyageur s’était adressé, après être tombé dans la boue, est éloquente: « Où es-tu, ô mon Dieu? » s’était écrié le pèlerin effondré dans la boue. Mais, immédiatement, il entendit une voix mystérieuse qui, d’en haut, lui répondait: « Je suis avec toi, dans la boue! ». Dieu était dans la croix de Jésus, il a expérimenté le même mal, la même souffrance, la même douleur, pour que personne ne puisse dire que Dieu ne comprend pas sa douleur, sa souffrance, pour que personne ne se sente tout seul au moment de l’épreuve.

C’est pour cela que nous fêtons la Croix glorieuse ! La vie est née de la mort de Jésus ! Et notre vie et notre mort, unies à la mort de Jésus, ont un avenir en Dieu ! « Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Donc, dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur » (Rom. 14, 8).
Le Seigneur Jésus nous a dit : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). La mission des franciscains italiens « Notre Dame d’Afrique », qui a commencé en 1991, a donné beaucoup de fruit, soit en œuvres et activités d’évangélisation et de service à la société congolaise, soit en termes de vocations. Il y a déjà trois prêtres et un bon nombre de frères congolais qui se préparent au sacerdoce. Voilà les fruits. On ne peut pas oublier qu’il y a eu du grain de blé tombé en terre qui a accepté de mourir : le P. Francesco Piccinni, du groupe fondateur, et maintenant le P. Angelo Redaelli. On est dans la logique de l’évangile !

Je pense que dans ces circonstances nous ne pouvons pas penser seulement à nous-mêmes et à notre douleur. Il faut penser aussi au P. Angelo et je suis convaincu qu’il est aujourd’hui dans la joie après la rencontre face à face avec le Seigneur à qui il a consacré sa vie et qui lui aura dit au moment de sa mort, trouvée dans un acte d’amour: « C’est à moi que tu l’as fait ! Viens, béni de mon Père, entre dans la joie de ton Seigneur ». La mission franciscaine au Congo a alors gagné un intercesseur très spécial dans le ciel.
***
Qu’il me soit permis ici d’exprimer les remerciements les plus sincères, de la part de toute l’Église catholique qui est au Congo, aux autorités de l’État congolais, du Premier Ministre au Ministre de l’Administration du Territoire, du Secrétaire Général du Ministère des Affaires Étrangères au Chef de la Police pour l’assistance qu’il ont immédiatement offert quand nous les avons appelés. Le même remerciement je voudrais exprimer aux Ambassadeurs d’Italie et de France, avec lesquels j’ai travaillé personnellement en étroite collaboration.
***
Merci de votre attention. Que Dieu vous bénisse ! Amen !

Mgr Andrés Carrascosa Coso
Nonce Apostolique au Congo

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ZENIT Staff

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