Congélation, implantation, adoption d’embryons : réflexions du P. Mattheeuws, sj

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Le respect de la vie humaine, mais comment, concrètement ?

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ROME, Jeudi 23 mars 2006 (ZENIT.org) – « Congélation, implantation, adoption d’embryons » : autant de thèmes qui recouvrent une réalité bouleversante et à propos desquels le Père Alain Mattheeuws, jésuite, docteur en théologie morale et sacramentaire de l’Institut Catholique de Toulouse offre cette contribution à la réflexion, que nous présenterons en quatre volets.

Le P. Mattheeuws est actuellement professeur à l’Institut d’Etudes Théologiques de Bruxelles. Il donne également des cours au « Studium » du diocèse de Paris et dans d’autres facultés. Il aborde un thème délicat de la recherche bioéthique en théologie morale. Il a participé au dernier synode des évêques.

Il répondra entre autres à la question : « Condamner l’adoption des embryons, n’est-ce pas incohérent avec le message de l’Eglise concernant le respect de la vie et son caractère sacré ? »

Q : Est-il normal et acceptable de congeler des embryons humains ?

P. Mattheeuws : C’est pour augmenter l’efficacité des diverses techniques de reproduction médicalement assistée que l’on a commencé à congeler des embryons humains. Cela permet de ne pas « obliger » les femmes à subir des prélèvement répétés d’ovocytes, au cas où la première implantation n’aurait pas réussi ou lorsqu’elles désirent une nouvelle fécondation.

Si l’on ne considère ces cellules embryonnaires que comme un matériau biologique, un embryon potentiel, la congélation ne pose que des problèmes techniques ou juridiques (à qui appartiennent ces embryons confiés à la clinique, abandonnés ou oubliés dans un hôpital ?). Par contre, si l’on considère qu’il faut respecter l’être humain dès sa conception, la congélation d’embryon est inacceptable. Elle est moralement illicite. En effet, de quel droit plonger l’enfant embryonnaire dans une « prison de froid » ? Donum vitae, en 1987, s’exprimait ainsi : « La congélation des embryons, même si elle est réalisée pour garantir une conservation de l’embryon en vie (« cryoconservation ») constitue une offense au respect dû aux êtres humains, car elle les expose à de graves risques de mort ou d’atteinte à leur intégrité ; elle les prive au moins temporairement de l’accueil et de la gestation maternelle, et les place dans une situation susceptible d’offenses et de manipulations ultérieures » (Intro n°6).

Q : Des couples de plus en plus nombreux, affrontés à la stérilité, ont recours aux Procréations médicalement assistées. Quelle est leur responsabilité dans ce domaine ?

P. Mattheeuws : Avant tout, il faut rappeler le caractère illicite (c’est-à-dire immoral) des procréations médicalement assistées. Si les parents posent la question de la valeur de leur acte, gardons-nous de les juger. Mais par contre, il convient d’être vrai et ne pas cacher le caractère illicite de ce qu’ils ont fait, parfois de bonne foi. Eclairer la conscience avec délicatesse et amour, c’est toujours respecter la dignité d’autrui.

Ils ont le droit de connaître les conditions bio-médicales qui ont accompagné leur démarche. Si ces informations ne leur sont pas fournies, ils doivent les demander. En particulier, quelle est leur responsabilité actuelle vis-à-vis des enfants embryonnaires congelés qui sont les leurs ? Qu’ont-ils signé ? Que vont-ils faire de ces enfants embryonnaires congelés ? Les premiers et derniers responsables sur la terre de leurs enfants embryonnaires, ce sont eux.

Il arrive que dans certaines situations familiales, l’Etat défasse juridiquement la responsabilité parentale, mais en a-t-il le droit dans ce cas ? Particulièrement à l’origine de l’enfant ? Serait-il le propriétaire ultime de ces embryons ? Il ne nous semble pas. Les centres de PMA font en général signer certains documents aux parents. Cette signature est un engagement civil : il ne correspond pas toujours à la loi inscrite dans les cœurs. Par exemple, même comme parents, ils ne peuvent pas moralement signer « une décharge totale » des embryons issus de leur corps et de leurs personnes. Les parents ont à la fois un « premier droit », mais pas un droit absolu sur leurs enfants. Ainsi pour les enfants embryonnaires, les parents ne sont pas habilités à les donner comme des « objets » et à s’en décharger. Il est normal et moralement bon que les parents de ces embryons prennent soin d’eux. Un lien les unit. Une décision doit être prise. Elle leur revient. Ils ne peuvent pas se débarrasser de la responsabilité qu’ils ont prise en concevant ces embryons, même avec l’aide de médecins.

Q : Mais que peuvent-ils faire alors ?

P. Mattheeuws : L’existence de leurs enfants embryonnaires est un fait incontournable. S’ils prennent conscience du statut et de la dignité de ces enfants, il est bon qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour les respecter et leur donner la possibilité de continuer à vivre. Ce qui me paraît décisif pour les parents est le fait suivant : qu’ils rendent à leurs enfants embryonnaires la dimension du temps et les sortent de leur état congelé. Il leur revient d’éviter qu’on ajoute un mal à un autre mal : créer des embryons surnuméraires et les congeler est un mal, les maintenir dans cet état en est un autre. Prendre la décision de faire d’eux un matériau pour la science est aussi un mal. Les parents doivent veiller à protéger la dignité de ces enfants embryonnaires congelés. Ce lien entre eux et les enfants embryonnaires ne peut pas être dissous. Mais sont-ils tenus de les implanter tous dans le corps de la maman en vue de les mettre au monde ? Je ne crois pas que ce soit pour eux une « obligation morale ». Qu’ils accomplissent « au mieux » leur responsabilité d’engendrement jusqu’au bout. Qu’ils les confient à la bonté divine après les avoir délivrés de leur prison de froid.

Q : Qui est interpellé par cette problématique ?

P. Mattheeuws : La question prend une dimension mondiale car la production et la conservation cryogène d’embryons humains n’est pas un phénomène localisé. Le nombre d’embryons humains congelés dans le monde n’est pas connu avec précision, mais il augmente chaque jour et se compte en effet par milliers. Aux Etats-Unis, on dénombre 400.000 embryons congelés dont 11.000 surnuméraires ne feraient plus l’objet d’un projet parental. En France, ils seraient 80.000. En Belgique, 24.000. Les questions juridiques, scientifiques et éthiques ne font que s’amplifier. Pour une conscience humaine ouverte au respect des origines, la question n’est pas facile à régler.

Q : Vous parlez du respect des origines. Selon vous, quels sont les points clefs de cette problématique ?

P. Mattheeuws : L’enfant embryonnaire a droit au respect de ce qu’il est et de ce qu’il peut devenir. Dans l’état de congélation, il est en dépendance et en souffrance. Son développement est arrêté. On lui enlève une qualité inhérente à ce qu’il est : son temps, son devenir. Il court un risque réel de « mourir », en demeurant congelé, en étant décongelé également. Il est pour ainsi dire « enlevé » à tout univers relationnel et à tout projet symbolique humain : il pourrait être implanté un jour ; il pourrait être utilisé comme matériau biologique de recherche ; il pourrait être « jeté à la poubelle ». Il est dans l’hypothétique. Son statut par nature « fragile » est fixé dans la fragilité.

Q : Les faits et les chiffres sont là. Que peut-on faire actuellement pour sauver les embryons congelés ?

(à suivre)

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ZENIT Staff

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