Comment se porte l’Eglise en France ?

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Réponse de Jean-Baptiste Maillard, auteur de « Dieu est de retour »

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ROME, Lundi 12 octobre 2009 (ZENIT.org) – « En France, l’Eglise se porte bien quand elle évangélise ». C’est ce qu’a constaté Jean-Baptiste Maillard, auteur de « Dieu est de retour », un ouvrage qu’il a écrit après une véritable enquête sur le terrain, à la découverte de l’Eglise en France, aujourd’hui. Il a répondu aux questions de ZENIT.

ZENIT – Cet ouvrage est le fruit d’une enquête sur le terrain. Vous avez voulu voir de vos propres yeux comment se portait l’Eglise de France. Quelles sont vos impressions ?

J.-B. Maillard – J’ai pu constater qu’en France, l’Eglise se porte bien quand elle évangélise. Que de richesses insoupçonnées ! Imaginez-vous en boîte de nuit en train d’évangéliser : c’est ce que fait toutes les fins de semaines le Père Axel, que j’ai eu la joie d’accompagner, découvrant ainsi la présence de Dieu dans un lieu pour le moins inattendu. Eh oui, Dieu est partout, il est de retour, et nous en sommes les témoins ! Que diriez-vous aussi si vous preniez en autostop un jeune séminariste qui veut vous faire rencontrer Jésus et prie pour vous Notre Dame de l’auto-stop ? Si au cours d’un pèlerinage à Medjugorge avec le Club Medj, un chauffeur de car vous propose une virée en moto pour emmener des non-croyants ? Croiriez-vous ce jeune rabbin récemment converti au catholicisme qui lisait la Bible en cachette dès l’âge de huit ans ? Ou bien cette religieuse du monastère cistercien Notre Dame de Bonneval, où il n’y avait pas eu de vocation depuis trente ans, vous parler d’évangélisation. Et encore, cette nouvelle communauté, la Société des missionnaires de la Miséricorde Divine, attachée à la forme extraordinaire du rite, et dont l’évêque vient d’ordonner deux de leurs dix séminaristes proposant le Christ aux musulmans ? (cf. : www.annuncioblog.com) Ce sont toutes ces personnes que j’ai interrogées dans Dieu est de retour.

Le constat est simple : on peut annoncer le Christ à tout le monde, que ce soit aux SDF, aux couples, aux enfants, à ses collègues de travail, à des passants… et ça marche ! Il y a des conversions, fulgurantes ou discrètes. Cela dit, « la moisson est abondante, et les ouvriers peu nombreux » (Mt 9,37). L’Eglise a besoin d’une dynamique de croissance, pour reprendre l’expression du Père Mario Saint Pierre, docteur en théologie, que j’ai interrogé sur la question de la formation. Cela s’applique à toute notre évangélisation : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître » (Lc 6,40) : si Jésus va rechercher les brebis une par une, nous aussi devons faire de même !

ZENIT – Quel conseil donneriez-vous à un chrétien, à un prêtre ou même un évêque, découragé, qui a le sentiment que l’Eglise est en train de disparaître autour de lui ?

J.-B. Maillard – Je suis bien mal placé pour donner des conseils, mais puisque vous me demandez mon avis, je dirais qu’aujourd’hui tout est donné aux chrétiens pour « changer le monde ». L’Evangile a ce magnifique « pouvoir ». Dieu est de retour dans le cœur de nos contemporains qui l’avaient rejeté, de nombreux signes en témoignent chaque jour. La moisson des âmes est abondante et il ne reste qu’à récolter, c’est-à-dire annoncer. Alors, à un chrétien, je lui rappellerais que seul, il est en danger. Qu’il rejoigne une paroisse, un mouvement, dont l’évangélisation est la première priorité, pour recevoir le soutien de ses frères, être encouragé dans sa vie de prière et son apostolat. A un prêtre, qu’il redouble de prière envers Celui à qui il a donné sa vie, et trouve de nouveaux moyens concrets pour évangéliser avec ses fidèles, là où le Seigneur l’a placé. A un évêque, enfin, j’aurais envie de lui dire que sa mission, comme successeur des apôtres, fait de lui un premier de cordée dans l’évangélisation. L’Esprit Saint aidant, il saura ouvrir de nouveaux chantiers, loin de nos habitudes !

ZENIT – Quels sont les signes les plus positifs de la vitalité de l’Eglise en France, selon vous ?

J.-B. Maillard – Regardez ces enfants qui reçoivent chaque mois leur « colis-mission » : ils évangélisent leur entourage, et même leurs copains de classe ! N’est-ce pas un signe de vitalité ? Il y a partout des « Semeurs d’Espérance » inconnus qui font avancer le Royaume. C’est ce que j’ai voulu montrer avec Dieu est de retour. Une nouvelle génération de catholiques est en train de se lever, comme nous l’explique bien « Glorious », dont la formule paroissiale « Lyon centre » connaît un vif succès. Autre exemple, le Festival « Anuncio », qui, depuis deux ans, propose chaque été à plus de trois cents jeunes une première expérience d’évangélisation de terrain : c’est une initiative très riche de sens. Sans le oublier le Festival Marial international, que l’on peut interpréter comme un « signe » de l’accomplissement de la prophétie de Marthe Robin : elle voyait la France se relever en appelant à l’aide la Sainte Vierge. Mais pour moi, le signe le plus positif est le nombre croissant de lieux d’adoration, parallèlement à une nouvelle prise de conscience de notre mission première : l’annonce du Christ.

ZENIT – Où sont selon vous les difficultés les plus grandes, les principaux obstacles à l’évangélisation ?

J.-B. Maillard – Le principal obstacle de l’évangélisation, comme pour la sainteté, c’est soi-même. Comment va notre relation personnelle avec Jésus ? Profitons-nous vraiment des sacrements qu’Il nous donne à travers ses ministres ? Savons-nous nous laisser regarder par Lui à travers l’adoration ? Dans son encyclique Redemptoris missio sur la mission du Christ rédempteur, très d’actualité avec l’année sacerdotale, Jean-Paul II disait que le plus grand missionnaire, c’est le saint. Il expliquait aussi que la contemplation est le moteur de l’évangélisation. Il faut que la Présence réelle et l’adoration soient au cœur de nos paroisses, de nos dispositifs, de nos rencontres. Chacun – et moi le premier ! – doit se rappeler que la charité, comme nous le dit Benoît XVI, est l’âme de la mission. Aussi devons-nous être plus aimants au seuil et à l’intérieur de l’Eglise, jusque dans nos familles. Enfin, peut-être que la grâce de l’époque que nous traversons est de pouvoir retrouver une meilleure compréhension de la mission que le Christ nous a confiée, comme le dit Sœur Anne-Claire dans mon livre. Nous devons nous « ouvrir » à tout cela.

ZENIT – En Europe en général, les vocations diminuent ainsi que la pratique religieuse. Dans certains pays d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie, la croissance est en revanche étonnante. Pensez-vous que l’Europe puisse en tirer une leçon ? Ces pays évangélisent-ils davantage ?

J.-B. Maillard – Il est certain que ces pays connaissent une « nouvelle jeunesse ». Peut-être est-ce dû à leur récente évangélisation, quand l’Europe est une « ancienne » sur le plan spirituel, ce qui veut dire qu’un enrichissement mutuel est possible. Je connais mal ces pays, mais prenons par exemple le Brésil, où j’ai accompagné un évêque français en 2007 pour y visiter les communautés nouvelles. Bien que toutes très différentes, j’ai été impressionné par leur zèle missionnaire et le nombre de vocations. Dans toutes ces communautés, l’existence de chapelles vivantes, en permanence habitées par la présence priante de leurs membres, m’a beaucoup donné à réfléchir. J’ai visité notamment la chaîne de télévision de la communauté Cançao Nova (« Chant nouveau »), qui bénéficie d’une fréquence sur les ondes nationales, et qui ne vit que de dons, comme Zenit. Elle a été créée dans un objectif d’évangélisation par les mass media, après que son fondateur se soit penché sur
l’exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de Paul VI, consacrée à l’évangélisation dans le monde moderne (Benoît XVI la cite d’ailleurs dans sa dernière encyclique et dans son message pour la Journée mondiale des missions 2009, le 19 octobre prochain). Aujourd’hui, Cançao Nova touche 50 millions de téléspectateurs et 2,5 millions d’internautes par semaine. Quand ils organisent un événement pour les jeunes, ceux-ci viennent depuis tout le Brésil, et ils remplissent leur hall de 70.000 places. Sur cet exemple, nous avons beaucoup de leçons à tirer : bien sûr qu’il faudrait adapter le contenu des émissions brésiliennes au public européen : une inculturation est toujours nécessaire. Mais ce ne doit pas être un prétexte pour nous contenter, avec nos médias actuels, de simplement revigorer la foi des catholiques « existants ». Dans ce domaine, il faudrait au minimum que chaque pays ait une chaîne d’évangélisation sur les ondes nationales, une radio et un site Internet pour évangéliser les masses.

Un autre exemple : fin septembre, à Brasilia, a eu lieu un événement diocésain d’évangélisation des foules, le 14ème « Hallel » (Alléluia), premier rassemblement musical chrétien d’Amérique latine. C’est un séminariste français étudiant là-bas qui nous le raconte sur Anuncioblog : « A grands renforts d’artistes catholiques brésiliens et de nombreux orateurs, ce sont plus de 200.000 personnes qui sont passées sur le site tout au long de la journée, inaugurée par la messe présidée par l’archevêque de Brasilia. Une grande chapelle montée pour l’occasion accueillait le Saint Sacrement exposé durant toute la durée de l’événement. A côté de l’exposition se tenait le lieu dévolu aux confessions, où entre 2000 et 3000 personnes ont pu se réconcilier avec Dieu. Tous les mouvements, pastorales, congrégations religieuses, communautés nouvelles et paroisses du diocèse étaient présents, pour témoigner de leur foi et annoncer l’Evangile au tout-venant. » Ce concept est pourtant venu de France, mais les Brésiliens ont su le développer avec une ardeur nouvelle. D’une manière générale, l’Europe doit apprendre, comme eux, à parler à tous. Et elle doit surtout apprendre à se dégager de son intellectualisme. La France est restée très cartésienne : il faut tout expliquer, y compris les plus grands mystères de Dieu. Or la foi ne s’explique pas ! La foi est un don de Dieu qui répond au oui de chacun. Et voilà ce que nous apprennent ces communautés : il faut se laisser saisir par l’amour de Dieu.

C’est pourquoi, en France comme en Europe, l’évangélisation nécessite un changement de paradigme au niveau des méthodes : il faut une annonce explicite, kérygmatique, de la Bonne Nouvelle du salut, à tous nos contemporains éloignés de Dieu, sans exception. Nous ne pouvons pas rester repliés sur nous-mêmes, sur nos paroisses, nos mouvements, nos associations, et nous devons sans cesse garder à l’esprit toutes les âmes qui attendent, à deux pas – de porte-à-porte ? – de chez nous, qu’on vienne leur parler du Christ. Evangéliser, ce n’est pas une affaire de sensibilité ou même d’émotion. Evangéliser, c’est avant tout aimer. Proposer une rencontre née d’une autre rencontre. Et c’est répondre à l’appel du Christ : « Allez par toutes les nations, faites des disciples, et baptisez-les, au nom du Père, du Fils, et du Saint Esprit » (Mt 28, 19).

Références :

Dieu est de retour, la nouvelle évangélisation de la France, éditions de l’Oeuvre, juin 2009, 280 pages, 20 €. Le blog : http://www.dieuestderetour.com

Propos recueillis par Gisèle Plantec

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ZENIT Staff

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