Comment le pape gouverne l'Eglise : il consulte !

Print Friendly, PDF & Email

Interview menée par le P. Spadaro s.j.

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

« Je veux des consultations réelles, pas formelles », déclare le pape François qui explique sa façon de gouverner, qui a évolué en quarante ans. Il explique que, provincial des jésuites à 36 ans, il a fait des erreurs au départ: « ma manière autoritaire de prendre les décisions a créé des problèmes ».

Une interview du pape François par le père Antonio Spadaro s.j., directeur de la prestigieuse revue des jésuites italiens, La Civiltà Cattolica, a été publié, jeudi 19 septembre, en différentes langues par seize revues des jésuites du monde, et en français par la revue « Etudes« .

Le père Spadaro a rencontré le pape François trois fois, les 19 et 23 et 29 août, à sa résidence, la Maison Sainte-Marthe du Vatican.

Le pape évoque ses goûts artistiques et culturels, la Compagnie de Jésus, le rôle de l’Église d’aujourd’hui, ses priorités pastorales, des questions de société et l’annonce de l’Evangile, l’homosexualité, la situation des divorcés-remariés.

Nous commençons aujourd’hui la publication d’extraits de cet entretien que l’on peut qualifier d’historique. Il a déjà fait le tour du monde, comme le sourire du pape dont parle le P. Spadaro et qui l’a accueilli à Sainte-Marthe.

Aujourd’hui, nous publions aussi deux autres extraits. L’un sur l’autoportrait du pape et l’autre sur la façon d’aborder les questions de l’avortement, de la situation des divorcés remariés, de l’homosexualité, par le pape et dans l’Eglise: pas un changement sur le fond, mais un décentrement pour faire passer en premier l’attention à la « personne », la « rencontre », l' »accueil ».

Anita Bourdin

Comment le pape gouverne l’Eglise

Pensez-vous que votre expérience de gouvernement dans le passé puisse servir votre action actuelle de gouvernement de l’Église universelle ?  »

Le pape François, après un court moment de réflexion, se fait plus sérieux, tout en restant serein.

« À dire vrai, dans mon expérience de supérieur dans la Compagnie je ne me suis pas toujours comporté ainsi. Je n’ai pas toujours fait les consultations nécessaires. Et cela n’a pas été une bonne chose. Au départ, ma manière de gouverner comme jésuite comportait beaucoup de défauts. C’était un temps difficile pour la Compagnie : une génération entière de jésuites avait disparu. C’est ainsi que je me suis retrouvé Provincial très jeune. J’avais 36 ans : une folie (una pazzia) ! Il fallait affronter des situations difficiles et je prenais mes décisions de manière brusque et individuelle. Mais je dois ajouter une chose : quand je confie une tâche à une personne, je me fie totalement à elle ; elle doit vraiment faire une grosse erreur pour que je reprenne ma confiance. Cela étant, les gens se lassent de l’autoritarisme. Ma manière autoritaire et rapide de prendre des décisions m’a conduit à avoir de sérieux problèmes et à être accusé d’ultra-conservatisme. J’ai vécu un temps de profondes crises intérieures quand j’étais à Córdoba.

Voilà, non, je n’ai certes pas été une Bienheureuse Imelda (sans défaut, ndlr), mais je n’ai jamais été conservateur. C’est ma manière autoritaire de prendre les décisions qui a créé des problèmes.

Je partage cette expérience de vie pour faire comprendre quels sont les dangers du gouvernement. Avec le temps, j’ai appris beaucoup de choses. Le Seigneur m’a enseigné à gouverner aussi à travers mes défauts et mes péchés.

C’est ainsi que, comme archevêque de Buenos Aires, je réunissais tous les quinze jours les six évêques auxiliaires et, plusieurs fois par an, le Conseil presbytéral. Les questions étaient posées, un espace de discussion était ouvert. Cela m’a beaucoup aidé à prendre les meilleures décisions. Maintenant j’entends quelques personnes me dire “Ne consultez pas trop, décidez”. Au contraire, je crois que la consultation est essentielle. Les Consistoires, les Synodes sont, par exemple, des lieux importants pour rendre vraie et active cette consultation. Il est cependant nécessaire de les rendre moins rigides dans leur forme. Je veux des consultations réelles, pas formelles. La consulte des huit cardinaux, ce groupe consultatif outsider, n’est pas seulement une décision personnelle, mais le fruit de la volonté des cardinaux, ainsi qu’ils l’ont exprimée dans les Congrégations Générales avant le Conclave. Et je veux que ce soit une consultation réelle, et non pas formelle. »

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel