Cinq ans de pontificat, par le secrétaire particulier de Benoît XVI

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« Un Pape qui surprend »

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ROME, Mardi 5 octobre 2010 (ZENIT.org) – « Cinq ans de pontificat à travers le regard du secrétaire particulier de Benoît XVI. Un Pape qui surprend » c’est le titre donné par l’Osservatore Romano à cette intervention de Mgr Gänswein

Le 27e Prix Capri San Michele pour la Section Images Verités – décerné à l’ouvrage « Benoît XVI urbi et orbi. Avec le Pape à Rome et sur les routes du monde » (Cité du Vatican, Librairie éditrice vaticane, 2010), sous la direction du secrétaire particulier du Souverain Pontife – a été remis dans l’après-midi du 25 septembre 2010 à Mgr Georg Gänswein à Anacapri (Italie). L’Osservatore Romano en français du 5 octobre 2010 publie son intervention à cette occasion.

Le style et le courage d’un homme qui parle de Dieu

Par Mgr Georg Gänswein

Un « lustre », c’est beaucoup ; un « lustre », ce n’est pas beaucoup; un arc de temps de cinq ans, c’est long, un arc de temps de cinq ans, ce n’est pas très long. On peut débattre longuement sur la question et trouver des arguments pour et contre. Le 19 avril dernier, cinq ans s’étaient écoulés depuis que le cardinal Joseph Ratzinger avait été élu Pape sous le nom de Benoît XVI. Le cinquième anniversaire de son élection a représenté l’occasion concrète pour cette publication. Mais la raison la plus profonde se trouve dans l’invitation, à suivre les traces du Saint-Père sur son siège épiscopal à Rome (urbi), dans ses voyages apostoliques en Italie et dans les différents pays et continents de la terre (orbi), et à en trouver le message derrière les discours, les homélies, les lettres, les catéchèses. C’est dans cette optique que le temps terrestre chrònos, peut et doit devenir pour tous un chairòs, un temps de la grâce. La réflexion sur la valeur temporelle du quinquennat s’ouvre alors à une dimension entièrement différente, qui échappe à la logique des calculs mathématiques.

Ceux qui étaient présents sur la place Saint-Pierre ou devant leur télévision, au moment où la fumée blanche de la chapelle Sixtine annonçait au monde le nouveau Pape, n’oublieront jamais l’émotion lorsque le Souverain Pontife, à peine élu, apparut à la Loge des Bénédictions et adressa aux fidèles, en improvisant, les inoubliables paroles: «Chers frères et sours, après le grand Pape Jean Paul II, Messieurs les Cardinaux m’ont élu moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur. Le fait que le Seigneur sache travailler et agir également avec des instruments insuffisants me console et surtout, je me remets à vos prières, dans la joie du Christ ressuscité, confiant en Son aide constante. Nous allons de l’avant, le Seigneur nous aidera et Marie, Sa Très Sainte Mère, est de notre côté. Merci!» (cf. ORLF n. 17 du 26 avril 2005).

Dans tous les lieux de la terre l’eau a toujours été la même: c’est toujours la même composition d’hydrogène et d’oxygène. Et pourtant, l’eau est différente partout. Pourquoi? Parce que l’eau prend à chaque fois des caractéristiques particulières selon le terrain qui la filtre. C’est ce qui se passe pour les Papes. Ils accomplissent la même mission et répondent au même appel de Jésus; mais chacun répond avec sa propre personnalité et avec sa propre sensibilité unique.

Tout cela est merveilleusement beau: c’est un signe de l’unité dans la diversité; c’est un miracle de nouveauté dans la continuité; c’est une manifestation suprême de ce qui se produit dans tout le corps de la sainte Eglise du Christ, où la nouveauté et la continuité coexistent et s’harmonisent sans relâche. Le Pape Benoît XVI n’est pas égal au Pape Jean-Paul II, Deo gratias: Dieu n’aime pas la répétition et les photocopies. Et Jean-Paul II n’était pas égal à Jean-Paul IER, Deo gratias, de même que Jean-Paul IER n’était pas égal à Paul VI, Deo gratias, et Paul VI n’était pas égal à Jean XXIII, Deo gratias. Et pourtant, tous ont aimé le Christ passionnément et ont servi fidèlement son Eglise: Deo gratias quam maximas!

Mais – voilà le fait vraiment singulier et édifiant – le Pape Benoît XVI s’est présenté au monde comme le premier fidèle de son prédécesseur; c’est un acte de grande humilité, qui étonne et suscite une admiration émue. Le 20 avril 2005, en s’adressant aux cardinaux dans la chapelle Sixtine, au lendemain de son élection au suprême pontificat, Benoît XVI s’exprimait ainsi: «En ces heures, deux sentiments contrastants habitent en moi. D’une part, un sentiment d’inadéquation et de trouble humain en raison de la responsabilité […] D’autre part, je ressens en moi une profonde gratitude à l’égard de Dieu, qui n’abandonne pas son troupeau, mais le conduit à travers les temps, sous la direction de ceux qu’Il a lui-même élus vicaires de son Fils et qu’il a constitués ses pasteurs. Très chers amis, cette profonde reconnaissance pour un don de la divine miséricorde prévaut malgré tout dans mon cour. Et je considère ce fait comme une grâce spéciale qui a été obtenue pour moi par mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II. Il me semble sentir sa main forte qui serre la mienne; il me semble voir ses yeux souriants et entendre ses paroles, qui s’adressent de manière particulière à moi en ce moment: «N’aie pas peur!»» (ibid.)

Comme ces paroles sont sincères et, dans le même temps, empreintes d’humilité! Le fait que le Pape attribue à l’intercession de son prédécesseur le premier don de son pontificat est vraiment merveilleux: la paix du cour au milieu de la tempête inattendue des émotions. Le Pape Benoît XVI a donné à l’Eglise et au monde une merveilleuse leçon de style pastoral: celui qui commence un service ecclésial – telle est sa leçon – ne doit pas effacer les traces de celui qui a travaillé auparavant, mais doit placer humblement ses propres pas dans les traces de celui qui a marché et travaillé avant lui. S’il en était toujours ainsi, un grand patrimoine de bien serait sauf, alors qu’il est souvent détruit et dilapidé. Le Pape a recueilli cet héritage et il l’élabore avec son style doux et réservé, avec ses parole modérées et profondes, avec ses gestes mesurés mais incisifs. Benoît XVI, dans son discours d’inauguration du ministère pétrinien, le 24 avril 2005, a utilisé des expressions très claires: «Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées – a dit le Pape -, mais, avec toute l’Eglise, de me mettre à l’écoute de la parole et de la volonté du Seigneur, et de me laisser guider par lui, de manière que ce soit lui-même qui guide l’Eglise en cette heure de notre histoire» (ibid.). Depuis ce jour, cinq ans se sont écoulés. Pour un pontificat, il ne s’agit certainement pas d’une longue période, mais d’un laps de temps suffisant pour tracer un premier bilan. Pour quelle cause Benoît XVI se bat-il? Quel message veut-il apporter aux hommes, à Rome et au monde? Qu’est-ce qui l’anime et qu’a-t-il réussi lui-même à faire bouger?

Il faut tout d’abord souligner à quel point le Pape nous a tous surpris: tout d’abord par la sérénité avec laquelle il a assumé le devoir de son prédécesseur Jean-Paul II, en l’interprétant de manière nouvelle et toutefois dans le même temps pleine de vitalité. Jean-Paul II a été le Pape des grandes images, à la puissance immédiatement évocatrice; Benoît XVI est le Pape de la parole, de la force de la parole: c’est un théologien plus qu’un homme de grands gestes, un homme qui «parle» de Dieu.

Dans le même temps, nous avons été émerveillés que l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avec sa chaleur et sa simplicité si spontanée et vraie, réussisse sans aucun effort à conquérir le cour des hommes. Le courage qui marque clairement le pontificat du Pape allemand est également apparu de manière inattendue. Benoît XVI ne craint pas les comparaisons et l
es débats. Il appelle par leur nom les manquements et les erreurs de l’occident, il critique la violence qui prétend avoir une justification religieuse. Il ne cesse jamais de nous rappeler que l’on tourne le dos à Dieu avec le relativisme et l’hédonisme, tout autant qu’avec l’imposition de la religion à travers la menace et la violence. Au centre de la pensée du Pape se trouve la question du rapport entre foi et raison; entre religion et renonciation à la violence.

De son point de vue, la réévangélisation de l’Europe et du monde entier ne sera possible que lorsque les hommes comprendront que foi et raison ne sont pas en opposition, mais en relation entre elles. Une foi qui ne se mesure pas avec la raison devient elle-même sans raison et privée de sens. Et au contraire, une conception de la raison qui reconnaît uniquement ce qui est mesurable ne suffit pas pour comprendre toute la réalité. La raison doit laisser une place à la foi et la foi doit rendre témoignage à la raison, pour que toutes les deux ne s’affaiblissent pas sur l’horizon étroit de leur propre ontologie. Au fond, le Pape désire réaffirmer le noyau de la foi chrétienne: l’amour de Dieu pour l’homme, qui trouve dans la mort sur la croix de Jésus et dans sa résurrection son expression inégalable. Cet amour est le centre immuable sur lequel se fonde la confiance chrétienne dans le monde, mais également l’engagement à la miséricorde, à la charité, à la renonciation à la violence. Ce n’est pas un hasard si la première encyclique de Benoît XVI s’intitule Deus caritas est, «Dieu est amour». C’est un signe évident; plus encore, une phrase programme de son pontificat. Benoît XVI veut faire resplendir le fascinosum du message chrétien. C’est cela qui, plus que tout autre chose, caractérise le pontificat du Pape théologien. Dans sa perspective se trouvent la force et également la possibilité d’un avenir pour la foi. Le message du Successeur de Pierre est aussi simple que profond: la foi n’est pas un problème à résoudre, c’est un don qui doit être redécouvert à nouveau, jour après jour. La foi apporte la joie et la plénitude.

Mais la foi a un visage humain – Jésus Christ. En lui, le Dieu caché est devenu visible, tangible. Dieu, dans sa grandeur incommensurable, s’offre à nous dans son Fils. Le Saint-Père tient à annoncer le Dieu fait chair, urbi et orbi, aux petits et aux grands, à ceux qui détiennent le pouvoir ou non, à l’intérieur et en dehors de l’Eglise, qu’on l’apprécie ou non. Et même si tous les yeux et les caméras sont tournés vers le Pape, il ne s’agit pas tellement de lui. Le Saint-Père ne se place pas lui-même au centre, il ne s’annonce pas lui-même, mais il annonce Jésus Christ, l’unique rédempteur du monde. Celui qui vit en paix avec Dieu, qui se laisse réconcilier avec lui, trouve également la paix avec lui-même, avec son prochain et avec la création qui l’entoure. La foi aide à vivre, la foi apporte la joie, la foi est un grand don: telle est la conviction la plus profonde du Pape Benoît XVI. C’est pour lui un devoir sacré de laisser des traces qui conduisent à ce don. A travers des paroles et des images, le livre primé en apporte le témoignage: il veut être une preuve de dévotion et d’affection à l’égard du Saint-Père, et un petit instrument – lui aussi humble, partiel mais évocateur grâce à la force des images – d’évangélisation et de documentation d’un témoignage qui s’exprime «dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre» (Ac 1, 6).

© L’Osservatore Romano, 5 octobre 2010

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ZENIT Staff

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