Chine: Condamnations et arrestations de chrétiens protestants

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Un contrôle accru de tout mouvement religieux

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CITE DU VATICAN, Jeudi 17 janvier 2002 (ZENIT.org) – Une série de condamnations et d’arrestations de chrétiens protestants montre que les autorités n’ont pas renoncé à supprimer tout mouvement religieux échappant à leur contrôle, estime la revue des Missions étrangères de Paris, Eglises d´Asie, dans son édition du 15 janvier (cf. EDA, eglasie.org).

En l’espace de quelques semaines, les tribunaux chinois ont prononcé une série de lourdes condamnations à l’encontre de chrétiens protestants appartenant à des Eglises non enregistrées auprès du Mouvement des Trois autonomies – et donc considérées comme illégales.

EDA rappelle que le Mouvement patriotique des Trois autonomies est la structure mise en place en 1950 sous l’égide des autorités chinoises pour assurer le contrôle des Eglises protestantes en Chine. Son équivalent pour l’Eglise catholique est l’Association patriotique des catholiques chinois.

La concomitance de ces condamnations ne semble pas délibérée mais vient rappeler que les autorités chinoises mènent à l’encontre des Eglises protestantes dites « domestiques » une campagne d’éradication au moins aussi sévère que celle engagée contre les mouvements de qigong tel le Falungong. Dans un cas comme dans l’autre, les tribunaux ont recours à la notion fort mal définie de « culte pervers » (xie jiao), mentionnée à l’article 300 du Code pénal chinois, pour condamner ces mouvements. Les condamnations prononcées témoignent de la volonté des autorités du pays de ne pas tolérer l’existence de mouvement religieux échappant à leur contrôle.

Le premier cas concerne Lai Kwong-keung, un hommes d’affaires de Hongkong, et deux membres du groupe protestant de Chine continentale dit des « hurleurs ». Selon le Centre d’information sur les droits de l’homme et la démocratie, organisation basée à Hongkong, Lai et les deux protestants chinois seront jugés avant la fin du mois de janvier à Fuqing, dans la province du Fujian ; ils sont accusés d’« avoir utilisé un culte pervers pour saper l’application de la loi ». Concrètement, Lai Kwong-keung, âgé de 38 ans et membre de l’Eglise de Hongkong, une dénomination protestante de Hongkong, est accusé d’avoir organisé en avril et en mai dernier l’envoi d’un total de 33 000 exemplaires du Nouveau Testament à Fuqing. Selon un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, « les Bibles étaient un prétexte et d’importantes quantités de livrets du culte pervers ont été trouvées avec ».

Le groupe protestant des « hurleurs », ainsi nommé car ses adeptes pratiquent une forme de culte charismatique où les chants et les prières sont criés haut et fort, revendique 500 000 adeptes en Chine populaire et a été placé en 1996 par les autorités sur une liste de mouvements religieux interdits. Déjà en 1983, précise la revue, le groupe protestant des « hurleurs » avait été la cible des autorités. Cette année-là, 2 000 de ses adeptes avaient été arrêtés et condamnés à des peines allant jusqu’à 15 ans de prison. Outre Lai, Yu Zhudi et Lin Xifu, deux membres du groupe protestant, qui avaient commandé les Bibles, ont été arrêtés et seront jugés par la même cour à Fuqing. L’acte d’accusation prononcé contre eux les rend tous trois passibles de la peine de mort.

A Hongkong, la nouvelle n’est pas passée inaperçue. Une partie de la presse ainsi que des organisations religieuses ou de défense des droits de l’homme ont exprimé leur inquiétude. Selon Law Yuk-kai, de l’Observatoire des droits de l’homme à Hongkong, cette affaire « est très inquiétante. Dans très peu d’autres pays de par le monde, une personne peut être incriminée pour un tel acte ». Aux Etats-Unis, le président George W. Bush a fait savoir qu’il suivait ce dossier de près et le démocrate Tom Lantos, membre de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants, connu pour ses critiques envers la Chine sur la question du respect des droits de l’homme, a déclaré à Pékin que la violation des droits de l’homme par la Chine ne pouvait que nuire aux relations entre les Etats-Unis et la Chine. Par la voix de son porte-parole, le ministère chinois des Affaires étrangères a répondu que le cas de M. Lai était une affaire interne à la Chine.

Le deuxième cas concerne un pasteur protestant âgé de 46 ans, le révérend Gong Shengliang, fondateur de l’Eglise de la Chine du Sud, et sa nièce, Li Ying. Le 31 décembre 2001, tous deux ont été condamnés à mort par une cour de justice du Hubei, où la dénomination protestante en question est implantée et revendique 50 000 fidèles. Là encore, le motif de la sentence est l’organisation d’un « culte pervers », expression qui sert également à la justice chinoise pour condamner les membres des mouvements para-religieux tels que le Falungong, durement réprimés par les autorités depuis près de trois ans. Selon le Centre d’information pour les droits de l’homme et la démocratie de Hongkong, la sentence de Li Ying ne sera exécutoire que dans deux ans. Outre le révérend Gong et sa nièce Li, quinze autres membres du groupe ont été condamnés à des peines allant de deux ans à la prison à vie.

Un troisième procès a été instruit contre trois habitants de la province du Fujian. Selon l’édition du 8 janvier 2002 du Quotidien du Fujian, la cour de justice du district de Huli, dans la ville de Xiamen, a condamné à sept ans de prison fermes deux paysans, Huang Aiping et Li Minglong, et un petit entrepreneur, Ji Qingjun, pour avoir eu recours à « un culte pervers afin de saper la loi ». Il est reproché aux trois hommes d’avoir eu de fréquents contacts avec un ressortissant taiwanais, Zuo Kun, fondateur de l’Eglise de la reconstruction et du Saint-Esprit. Après avoir adhéré au groupe en 1998, Huang et Li auraient aidé Zuo, dont le lieu de résidence principal est situé à Taiwan, à recruter 40 fidèles sur le continent et, plus tard, à établir une branche du groupe dans la ville de Xiamen, en favorisant ainsi l’essor. En 1998, Ji Qingjun avait déjà été envoyé en camp de rééducation par le travail pour une durée de trois ans après avoir été accusé de distribuer des livrets du groupe dans sa ville natale de Jinan, dans la province du Shandong. Dès sa libération, il aurait repris contact avec Zuo et c’est à ce titre qu’il a été de nouveau arrêté et condamné cette fois à sept ans d’emprisonnement.

Enfin, un dernier cas est rapporté par l’agence de presse officielle China News Service. Selon une dépêche parue le 11 janvier 2002, Shi Xinlong, Wang Maochen et d’autres membres importants de l’Association des disciples (Mentuhui), un mouvement protestant évangélique, ont été condamnés en décembre 2001 « selon la loi » à une peine de rééducation par le travail. Selon la législation en vigueur aujourd’hui en Chine, rappelle EDA, les peines de rééducation par le travail, prononcées par la police, sont en effet d’une durée maximale de trois ans. Elles ressortent de mesures administratives et non judiciaires.

Il leur a été reproché d’avoir mis sur pied une branche de leur mouvement dans la ville de Lintao, dans la province du Gansu, et d’avoir « perturbé l’ordre social » dans des villages du district de Tingxi. Afin d’« éduquer » la population locale à propos des dangers que représente le groupe protestant, d’importantes manifestations publiques ont été organisées à Lintao et dans le district de Tingxi, précise encore China News Service. L’Association des disciples a été fondée en 1989 dans un district rural de la province du Shaanxi par un certain Ji Sanbao et compterait 500 000 adeptes en Chine.

En Chine populaire, les protestants affiliés au Mouvement des Trois autonomies sont au nombre
de 15 millions. Selon les sources, le nombre des Chinois adeptes d’un mouvement protestant non officiel varie de 10 à 30 millions. « Ces sectes recrutent aisément des fidèles, commente Zhang Jilian, professeur de psychologie à l’Université normale de Pékin, car elles promettent des gratifications spirituelles immédiates à leurs adeptes. » Les grandes religions établies sont trop strictes pour satisfaire une population confrontée à des changements sociaux extrêmement rapides et à la recherche de réponses spirituelles immédiates, analyse encore cette universitaire.

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ZENIT Staff

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