« Celui qui aime est heureux de devoir aimer », par le père Cantalamessa

Print Friendly, PDF & Email

Homélie du dimanche 21 mai

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Vendredi 19 mai 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 15, 9-17

Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie.
Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l’accordera. Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres.

© AELF

Le « devoir » d’aimer

« Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés… Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres ».

L’amour, un commandement ? Peut-on faire de l’amour un commandement, sans le détruire ? Quel rapport peut-il y avoir entre amour et devoir, du moment que l’un représente la spontanéité, l’autre l’obligation ?

Il faut savoir qu’il existe deux types de commandements. Il existe un commandement ou une obligation qui vient de l’extérieur, d’une volonté différente de la volonté propre, et il existe un commandement ou une obligation qui vient de l’intérieur et qui naît de la chose elle-même. La pierre lancée en l’air ou la pomme qui tombe de l’arbre est « obligée » de tomber, elle ne peut pas ne pas tomber ; non parce que quelqu’un le lui impose, mais parce qu’elle possède en elle-même une force interne de gravité qui l’attire vers le centre de la terre.

De la même manière, l’homme peut être conduit à faire ou à ne pas faire une chose déterminée de deux manières différentes : par contrainte ou par attraction. Dans le premier cas, l’action est dictée par la loi et les commandements ordinaires : par la contrainte, avec la menace du châtiment ; dans le deuxième cas, l’action est dictée par l’amour : par l’attraction, par un élan intérieur. Chacun est en effet attiré par ce qu’il aime, sans qu’il subisse une contrainte quelconque de l’extérieur. Montrez un jouet à un enfant et vous le verrez s’élancer pour le prendre. Qui le pousse ? Personne. Il est attiré par l’objet de son désir. Montrez le Bien à une âme assoiffée de vérité et celle-ci s’élancera vers lui. Qui la pousse ? Personne. Elle est attirée par son désir.

Mais s’il en est ainsi – c’est-à-dire si nous sommes attirés spontanément par le bien et la vérité qui est Dieu – quel besoin y avait-il, dira-t-on, de faire de cet amour un commandement et un devoir ? Entourés comme nous le sommes, par d’autres biens, nous risquons en fait de nous tromper de cible, de tendre vers de faux biens et de perdre ainsi le Bien Suprême. Nous devons tendre vers Dieu comme une navette spatiale qui se dirige vers le soleil doit suivre certaines règles pour ne pas tomber dans le champ de gravité d’une planète ou d’un satellite intermédiaire, en s’écartant de sa trajectoire. C’est à cela que servent les commandements, à partir du « premier et plus grand de tous » qui est celui d’aimer Dieu.

Cela a un impact direct sur la vie et sur l’amour, également sur l’amour humain. Les jeunes qui refusent l’institution du mariage et choisissent le fameux amour libre, ou la simple cohabitation, sont toujours plus nombreux. Le mariage est une institution ; une fois contracté, il lie, oblige à être fidèle et à aimer son partenaire pour toute la vie. Maintenant, quel besoin l’amour qui est instinct, spontanéité, élan vital, a-t-il de se transformer en un devoir ?

Le philosophe Kierkegaard donne une réponse convaincante : « L’amour n’est garanti pour toujours contre toute altération que lorsqu’il y a le devoir d’aimer ; éternellement libéré dans une indépendance bienheureuse ; assuré dans une éternelle béatitude contre tout désespoir ». Cela signifie : l’homme qui aime vraiment, veut aimer pour toujours. L’amour a besoin d’avoir l’éternité comme horizon. Dans le cas contraire, ce n’est qu’un jeu, un « doux malentendu » ou un « dangereux passe-temps ». Pour cette raison, plus on aime de manière intense, plus l’on perçoit avec angoisse le danger que court cet amour, un danger qui ne vient de personne d’autre que lui-même. Il sait bien qu’il a tendance à beaucoup parler et que demain, il pourrait hélas se lasser et ne plus aimer. Puisque maintenant qu’il est dans l’amour il voit clairement quelle perte irréparable cela comporterait, il se prémunit en « s’engageant » à aimer pour toujours. Le devoir soustrait l’amour à la parole facile et l’ancre dans l’éternité. Celui qui aime est heureux de « devoir » aimer ; cela lui semble le commandement le plus beau et le plus libérateur au monde.

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel