"Ce n’est pas "ringard" d’être chrétien en 2003", par le card. Poupard

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Entretien avec « France Catholique »

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CITE DU VATICAN, Mercredi 26 mars 2003 (ZENIT.org) – « Ce n’est pas « ringard » d’être chrétien en 2003″, la preuve, « la force des témoins » évoqués dans les conférences de carême à Notre Dame de Paris, dont parle le prédicateur, le cardinal Paul Poupard, « ministre » de la culture de Jean-Paul II dans cet entretien qui paraîtra le 28 mars dans l’hebdomadaire français « France catholique » (www.france-catholique.fr).

« La force des témoins »

Robert Schuman, « père de l’Europe », Mère Teresa, la « bienheureuse » des XXV ans de pontificat, le philosophe d’Aix-en-Provence, Maurice Blondel, l’ancienne esclave soudanaise, sainte Bakhita, l’alpiniste au grand cœur, Pier Giorgio Frassati, le « Bon pape », Jean XXIII: autant de figures de sainteté, autant de portraits brossés par l’art consommé du cardinal Poupard.

A l’origine des Conférences de Carême, il y a l’ambition d’organiser des conférences « anti-poison ». Que reste-t-il de ce style offensif ?

Il en reste l’histoire. Aujourd’hui, le propos des Conférences est de s’adresser à l’intelligence et au cœur de tous les auditeurs. Ma thèse de doctorat portait sur l’abbé Louis Bautain et le sentiment fidéiste, un intellectuel de haute volée dont le leitmotiv était la réconciliation entre la science et la foi. Les étudiants catholiques, dont Ozanam, sont venus en 1834 demander à l’archevêque de Paris des prédications sortant du « ronron » habituel. C’est donc d’abord Lacordaire puis l’abbé Bautain qui, en 1848, va assurer les Conférences de Carême à Notre-Dame de Paris sur le thème « religion et liberté ». Audacieux de sa part au moment du printemps des peuples, de Lamennais et de Montalembert!

La sainteté, n’est-ce pas un thème un peu « sulpicien » ?

J’ai voulu répondre à l’appel du Saint-Père. Il nous a demandé d’avancer au large – Duc in altum ! – et nous a fixé comme horizon pastoral la sainteté. En prêchant à Notre-Dame, j’ai voulu prendre des figures en chair et en os qui montrent que la sainteté n’est pas l’affaire d’un état de vie. J’ai commencé par le plus difficile, c’est-à-dire par la politique : « Robert Schuman, une âme pour l’Europe ».

Ces personnalités parlent-elles aux catholiques français ?

Bien sûr, les unes et les autres ! Mère Teresa, l’apôtre des caniveaux, a vécu la nuit obscure tout comme la petite Thérèse dont elle avait voulu prendre le nom. Son procès de béatification a révélé des textes inédits, notamment sa correspondance avec ses confesseurs. Ces lettres sont bouleversantes. Qui aurait pu croire que ce petit bout de femme deviendrait aussi célèbre que Gandhi ? Toute l’Inde ne lui a-t-elle pas rendu hommage ? Parce que Mère Teresa a accompli le miracle de la bonté. Avec Maurice Blondel, j’aborde le problème de l’intelligence de la foi. En 1893, c’est la publication de L’Action. Ce philosophe a perçu le problème de l’incroyance. Je me souviens de mon émotion en lisant ses carnets intimes transmis par sa fille Elisabeth. Blondel pose les questions fondamentales. « La vie a-t-elle un sens ? » De nos jours, aussi bien Luc Ferry que Comte-Sponville continuent à s’interroger sur le sens de l’existence.

Quelle leçon tirez-vous de toutes ces trajectoires individuelles ?

Le message de leur vie est simple : rien n’est impossible à la grâce de Dieu. Tous partagent un même esprit, au point que je pourrais intervertir certaines signatures. Ils aiment les pauvres. Pier Giorgio Frassati se trouve devant le journal de son père – La Stampa – quand un clochard puant l’alcool vient frapper à la porte. Le manant est expulsé. Pier Giorgio proteste : « Si c’était Jésus ! ». Ces figures s’inscrivent à rebours du défaitisme actuel. Ils nous enseignent l’audace chrétienne. Quand Schuman a formé le projet de réconcilier les deux peuples cela paraissait un rêve fou. Mais son action démontre qu’un homme peut changer le cours de l’histoire. Je retrouve la même audace chez Jean XXIII quand il décide de recevoir une délégation de Juifs. Le Pape s’avance à leur rencontre : « Je suis Joseph, votre frère ! ».

Quel est votre principal message aux Parisiens ?

Ce n’est pas « ringard » d’être chrétien en 2003. Je suis certain que les hommes de bonne volonté sont capables d’adhérer au message chrétien. La culture dominante semble ne pas me donner raison dans l’immédiat. Nos penseurs manquent terriblement d’espérance. Charge aux chrétiens d’être assez audacieux, comme le demandait déjà saint Pierre : « Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous, avec douceur et respect ! ».

Propos recueillis par Marguerite SAULNIER

© France Catholique

Cardinal Poupard, « La Sainteté au défi de l’histoire. Portraits de six témoins pour le IIIe millénaire », Presses de la Renaissance, 250 p., 16 e.

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ZENIT Staff

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