Sacerdoce, carême, béatification de Jean-Paul II, par le P. Menvielle

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Publication d’un vade-mecum sur le sacrement de la réconciliation

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ROME, Jeudi 17 mars 2011 (ZENIT.org) – Le carême, et surtout le triduum pascal, sont des temps d’engagement intense pour les chrétiens et spécialement aussi les prêtres. Le P. Louis Menvielle, official de la Congrégation pour le Clergé, a accepté de relire en clef sacerdotale le Message de carême de Benoît XVI et la prochaine béatification de Jean-Paul II. Il annonce la publication, en mars, d’un « Vade-mecum » sur le sacrement de la pénitence et de la réconciliation et la direction spirituelle.

Zenit – Père Menvielle, qu’est-ce que la Congrégation pour le Clergé – en particulier sur son site en ligne clerus.org – met à la disposition des prêtres pour les aider dans leur ministère ?

P. Louis Menvielle – La Congrégation veut aider les prêtres et les diacres autant qu’elle le peut, en particulier dans le domaine de la formation permanente qui est indispensable pour maintenir une ardeur spirituelle et pastorale ; elle permet d’aller toujours plus profondément dans la compréhension du mystère de la foi (cf. Pastores dabo vobis, nn. 70-81 ; Directoire général des prêtres, nn. 69-97.). Le Dicastère a créé dans ce but le site clerus.org qui met de nombreux documents à la disposition de tous.

Par exemple, la bibliothèque de clerus.org comprend environ 20 000 pages françaises de documents de toutes sortes. Il s’agit d’une bibliothèque virtuelle, accessible à tous, en particulier ceux qui n’ont pas la possibilité de consulter des livres. De nombreux documents existent aussi en allemand, anglais, espagnol, italien et portugais.

Dans la rubrique « suggestions pour homélies », des éléments sont proposés chaque semaine pour aider à la préparation de l’homélie dominicale. Ils sont envoyés systématiquement à tous ceux qui sont inscrits sur la liste du courrier électronique de la Congrégation.

Le programme Biblia Clerus veut aider à lire la Parole de Dieu avec l’Eglise. Chaque verset de l’Ecriture renvoie aux commentaires du Magistère, des Pères et Docteurs de l’Eglise, des Saints, etc. Les prêtres et les diacres peuvent ainsi approfondir leur connaissance de la Parole de Dieu et renouveler l’exposition qu’ils sont appelés à en faire dans leurs homélies. Le programme est téléchargeable à partir du site. Il est aussi disponible en CD que la Congrégation diffuse gratuitement.

Quelle lecture « sacerdotale » peut-on faire du message de Benoît XVI pour le carême ?

Le message du Saint Père pour le carême 2011 est intitulé : « Ensevelis avec le Christ lors du baptême, vous en êtes aussi ressuscité avec lui (cf. Col 2, 12) ». Il est donc centré sur le baptême. Il est bon de rappeler que le prêtre est d’abord un baptisé et, de ce point de vue, la sainteté du prêtre trouve son fondement dans son baptême. Il est appelé à marcher vers la plénitude de la foi, de l’espérance, de la charité, sous la motion de l’Esprit Saint. Mais le prêtre a reçu en plus l’ordination sacerdotale qui le distingue essentiellement des laïcs, comme le dit Lumen gentium au n. 10. De ce point de vue, il marche vers la sainteté avec sa spécificité sacerdotale, en premier lieu dans le ministère pastoral qui lui est confié.

Le Conseil Pontifical Cor Unum, qui est chargé de publier et d’expliquer ce message, vient d’en offrir une clé de lecture en trois points :

1. Le message présente l’Evangile lu en chacun des cinq dimanches de carême. L’annonce de la Parole étant la première mission des prêtres, le Saint Père les invite à prendre du temps pour recevoir, méditer, commenter ces cinq passages évangéliques. Surtout, dit-il, ils sont l’occasion d’une rencontre personnelle avec le Christ. C’est précisément l’un des buts du carême. Dès son introduction, Benoît XVI souhaite que cette montée vers Pâques soit en particulier un temps de « prière assidue ». Cor Unum suggère que cela se concrétise par des moments de méditation et de prière personnelle. On sait que le ministère peut se vider de sa substance s’il n’est pas profondément enraciné dans la prière. Pour que l’Eucharistie soit le temps fort de la journée du prêtre, il faut que ce dernier ait pris l’habitude d’une rencontre personnelle avec le Christ, par le bréviaire et par ces longs moments de silence et d’intercession où il se met en attitude de contemplation et de dialogue avec le Seigneur. « Le connaître, Lui ! », invite Benoît XVI à la suite de saint Paul. Avec son sens spirituel, le peuple de Dieu reconnaît vite un prêtre qui prie. Dans sa lettre adressée aux prêtres pour le Carême 2011, le Cardinal Piacenza, Préfet de la Congrégation pour le Clergé rappelle que les fidèles regardent leurs Pasteurs comme des modèles et attendent d’eux un témoignage lumineux et toujours nouveau.

2. Le deuxième point est la concrétisation de la charité qui purifie l’égoïsme et se porte vers le prochain dans le besoin. Il y a en premier l’aide matérielle, et le message encourage les campagnes de carême. Pierre a rappelé à Paul que le souci des pauvres est une priorité de la mission (Gal 2, 10). Une « lecture sacerdotale » du message invite aussi à un engagement renouvelé dans la charité pastorale envers ceux qui ont besoin de découvrir le Christ. Seule l’eau vive qu’Il donne « peut assouvir notre soif de bien, de vérité et de beauté (…), peut irriguer les déserts de l’âme inquiète et insatisfaite ‘tant qu’elle ne repose en Dieu’ ». C’est une véritable charité, de la part du prêtre, que de se lever et sortir de soi, de ses habitudes, pour entraîner toute la paroisse dans une pastorale de la nouvelle évangélisation, telle que la désire Benoît XVI. L’expérience montre que les évangélisateurs sont les premiers bénéficiaires de la grâce de Dieu. Ils expérimentent comment la foi grandit quand on la proclame et que l’Eglise n’est vivante que si elle est missionnaire. C’est ce qu’a voulu répéter la Congrégation pour le Clergé dans sa dernière Lettre circulaire sur l’identité missionnaire du prêtre dans l’Eglise, comme dimension intrinsèque de l’exercice des tria munera (29 juin 2010).

3. Enfin le message invite à un chemin de conversion et de croissance. Il nous encourage à vivre le combat spirituel qui nous fait prendre toujours plus conscience de notre fragilité et qui nous ouvre à la grâce purifiante et fortifiante du Christ. Benoît XVI rappelle les moyens proposés par Jésus : le jeûne, la prière, et l’aumône. Il souligne aussi l’importance de l’Eucharistie et de la réconciliation. Une expérience personnelle de ces deux sacrements aide chaque prêtre à vivre pleinement de son sacerdoce et à devenir lui-même « eucharistie » et « miséricorde » au service de ceux qui lui sont confiés. Le carême peut nous encourager à recevoir régulièrement et fréquemment le sacrement du pardon. La Congrégation pour le Clergé publie en ce mois de mars un vade-mecum pour les prêtres sur la confession et la direction spirituelle. On ne peut qu’espérer qu’il les aide à pénétrer eux-mêmes plus profondément dans le combat spirituel et à exercer toujours mieux ce grand ministère de la Miséricorde et de l’accompagnement sur le chemin de la Sequela Christi.

Avec la parution de l’annuaire pontifical 2011, on constate quelques données positives à propos des vocations dans le monde. Cela contredit le pessimisme « habituel » ?

On note en effet que le nombre des prêtres augmente dans la monde. En dix ans, on est passé de 405 000 à 410 500 prêtres. Les prêtres diocésains surtout attirent les vocations. Pour la seule année 2009, ils ont augmenté de 0,56 %. La vie religieuse connaît plus de difficultés. Les candidats au sacerdoce ont aussi légèrement augmenté : ils étaient 118 000 en 2009. On constate également une légère diminution du nombre de ceux qui quittent le ministère. En France, par exemple, ce nombre est assez
faible. On a calculé qu’en dix ans, 2,7% des jeunes prêtres n’ont pas persévéré. C’est un faible pourcentage, surtout si on le compare au nombre des divorces dans les dix premières années de mariage. Cela montre que la formation des prêtres est assez solide et qu’ils sont en général bien soutenus dans leurs premières années de ministère.

La question des vocations reste une grande préoccupation, surtout pour les Eglises d’ancienne tradition chrétienne. On peut noter en passant le lien qui existe entre les vocations et la solidité de la famille. On constate en effet que les vocations sont plus rares là où il y a peu de foyers chrétiens et que certains abandons de prêtres ne sont pas sans lien avec les difficultés familiales qu’ils ont connues dans leur jeunesse. Les vocations naissent plus facilement dans un milieu familial profondément chrétien et uni. La question centrale reste la foi.

<p>Par ailleurs, il faut nous rappeler l’invitation du Seigneur : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » (Lc 9, 37). On assiste aujourd’hui à une floraison d’initiatives de prière pour les vocations : adoration eucharistique, même perpétuelle, chapelets, pèlerinages, etc. La prière en famille est tellement féconde, elle aussi. On ne s’engagera jamais assez dans cette voie et on ne peut que souhaiter que dans chaque diocèse, il y ait un centre d’adoration eucharistique spécialement consacré à la prière pour les vocations sacerdotales et consacrées. Les paroisses, les mouvements, les congrégations, les familles sont appelées à relayer ce mouvement. La Congrégation pour le Clergé a publié le fascicule « Priez le Maître de la moisson – Guide d’adoration eucharistique pour les vocations » (Ed. Téqui).

Il est bon aussi de prendre conscience que les vocations sont un appel de l’Esprit. Nous sommes les collaborateurs de l’Esprit lorsque nous prions pour les vocations et lorsque nous invitons explicitement chacun à se demander si le Seigneur l’appelle à devenir prêtre ou consacré. Des sondages ont montré qu’un nombre important de jeunes des mouvements – scout, mej, charismatiques ou autres -, se posent la question de la vocation. Cela peut éclairer notre propre pastorale. Ces jeunes ont besoin de rencontrer des prêtres qui les interpellent en leur manifestant concrètement combien ils sont eux-mêmes heureux de leur propre réponse et confiants dans l’action de l’Esprit qui appelle toujours.

Benoît XVI a voulu que la béatification de Jean-Paul II soit en concomitance avec la fête de la Miséricorde divine: quel message pour le sacerdoce ?

Jean Paul II a confié que le message de la Miséricorde lui « a toujours été cher et familier », son « soutien particulier et une source inépuisable d’espérance ». C’est cette « expérience personnelle [qu’il a] apportée depuis Cracovie sur le Siège de Pierre et qui, en un sens, dessine l’image de [son] pontificat » (7 juin 1997). Il faut lire et recevoir son encyclique Dives in Misericordia (1980) comme l’expression, en quelque sorte, de sa propre vie spirituelle. Il a présenté au monde deux hérauts de la Miséricorde : sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qu’il a proclamée Docteur de l’Eglise et sœur Faustine Kowalska qu’il a béatifiée et canonisée. Thérèse regarde davantage la Miséricorde du côté de Dieu qui cherche des pauvres et des petits prêts à se livrer à Lui pour qu’il puisse déverser en eux les flots infinis de sa tendresse. Faustine regarde plus du côté des pauvres pécheurs que nous sommes, et elle nous presse à trouver notre salut dans la Miséricorde. Les deux regards sont complémentaires, ils constituent les deux couplets d’une même hymne à la gratuité de l’amour divin qui veut avoir la joie de nous combler. A la demande de Sr Faustine qui s’est faite l’interprète de Jésus, Jean-Paul II a institué la fête de la Miséricorde en l’octave de Pâques qui est, elle-même, la grande solennité de l’amour miséricordieux, manifesté en Jésus ressuscité, victorieux du mal, du péché et de la mort. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique l’a admirablement exprimé en commentant le grand cri que Jésus poussa avant de mourir en croix :

« Toutes les détresses de l’humanité de tous les temps, esclave du péché et de la mort, toutes les demandes et les intercessions de l’histoire du salut sont recueillies dans ce Cri du Verbe incarné. Voici que le Père les accueille et, au-delà de toute espérance, les exauce en ressuscitant son Fils. […] C’est dans l’Aujourd’hui de la Résurrection que le Père dit: « Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui je t’ai engendré. Demande, et je te donne les nations pour héritage, pour domaine les extrémités de la terre! » (Ps 2, 7-8). » (n. 2606).

Quel est donc le message de cette béatification de Jean-Paul II au jour de la Fête de la Miséricorde qu’il a instituée ? C’est d’abord une confirmation que Miséricorde et sainteté sont inséparablement unies, non seulement en Jean-Paul II, mais dans l’Eglise et donc en chaque prêtre, car c’est l’être même de Dieu. Le Curé d’Ars disait déjà que « le sacerdoce, c’est l’amour du cœur de Jésus ». Le prêtre est une personne que l’Evêque, par l’imposition des mains, a consacrée une fois pour toutes afin qu’il soit le représentant du Christ pour son Eglise, son icône pour ainsi dire. De même que le Christ est saint et miséricordieux comme le Père est saint et miséricordieux (Lv 19,2 ; Mt 5,48 ; Lc 6,36), de même le prêtre doit marcher vers la sainteté afin que la charité pastorale informe tout son être. Dans sa pauvreté et sa faiblesse, le prêtre fait l’expérience de la miséricorde, comme Pierre et Paul l’ont faite au moment même de leur appel définitif, l’un au bord du lac (Jn 21, 15-17), l’autre sur le chemin de Damas (1 Tim 1, 15-16). Comme eux, fort de cette expérience, il ne peut être qu’en être le héraut. Et c’est d’autant plus urgent que la Nouvelle Evangélisation passera par l’annonce merveilleuse et libératrice de la tendresse de Dieu à un monde déboussolé et blessé qui a soif d’être aimé et relevé gratuitement.

Au lendemain de la consécration de la basilique de la Miséricorde, en Pologne, Jean-Paul II a lancé cet appel pressant : « Il faut faire retentir le message de l’amour miséricordieux avec une vigueur renouvelée. Le monde a besoin de cet amour. L’heure est venue de faire parvenir le message du Christ à tous:  en particulier à ceux dont l’humanité et la dignité semblent se perdre dans le mystère de l’iniquité. L’heure est venue où le message de la Divine Miséricorde doit répandre l’espérance dans les cœurs et devenir l’étincelle d’une nouvelle civilisation:  la civilisation de l’amour » (18 août 2002).

Avec la béatification de Jean-Paul II le deuxième dimanche de Pâques, les prêtres sont de nouveau appelés à bâtir la civilisation de l’amour par la prédication du Royaume et par le témoignage lumineux de leur cœur devenu bonté ; ils invitent tout homme à recevoir le baptême qui purifie et confère la dignité de fils adoptif ; ils se rendent inlassablement disponibles pour le sacrement de la réconciliation qui relève et redonne vie ; ils rassemblent le peuple de Dieu dans une unité fondée sur la miséricorde reçue et partagée ; ils conduisent l’Eglise au cœur de sa foi, c’est-à-dire dans l’Eucharistie qui est par excellence le sacrement de la Miséricorde.

Propos recueillis par Anita Bourdin

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ZENIT Staff

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