Caritas demande instamment le soutien international pour l’Afghanistan

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ROME, Dimanche 8 juin 2008 (ZENIT.org) – Le 12 juin, la France accueillera la Conférence pour le soutien international à l’Afghanistan qui sera coprésidée par le président Sarkozy, le président Karzai et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon. La Conférence entend confirmer le soutien politique international au gouvernement de la République islamique d’Afghanistan et au peuple afghan, et présenter en même temps la nouvelle stratégie pour le développement de l’Afghanistan, un plan quinquennal global pour améliorer la gouvernance, la sécurité, la croissance économique et la réduction de la pauvreté.

En attendant cet événement important, Caritas Internationalis demande instamment à toutes les parties prenantes de confirmer le soulagement de la pauvreté et la justice sociale comme des objectifs prioritaires des actions de développement, précise un communiqué de l’organisation, que nous reprenons ci-dessous.

L’Afghanistan aujourd’hui

Au cours des six dernières années, depuis que l’Accord de Bonn a mis en place un premier gouvernement transitionnel, l’Afghanistan a connu des changements importants, notamment l’établissement d’un gouvernement national, un président et un parlement élus démocratiquement, des améliorations sans précédents en termes de services de santé et d’éducation, et des années de croissance économique à deux chiffres.

Le redressement d’une économie et d’un Etat demande toutefois des décennies, et l’Afghanistan reste l’un des pays les plus pauvres d’Asie. L’Afghanistan a l’un des indices de développement les plus bas au monde (il est à la 174ème place sur 178 pays dans l’Indice de développement humain (IDH) du PNUD 2007), et d’après la NRVA (évaluation du risque et de la vulnérabilité nationale) afghane 2007, 45 pour cent de la population aurait des difficultés à pourvoir à ses besoins alimentaires quotidiens, et un autre 20 pour cent vit dans des conditions qui ne sont que légèrement meilleures et reste vulnérable aux chocs.

En 2008, la pénurie alimentaire dans le monde est particulièrement ressentie en Afghanistan au pont qu’elle pourrait mener à une crise humanitaire. L’Afghanistan est tributaire de l’importation de denrées alimentaire, or, les deux principales sources de blé, le Pakistan et l’Iran, ont fortement réduit leurs exportations de ce produit. Le prix dans la capitale, Kaboul, a plus que doublé depuis l’année dernière, et le PAM a placé un appel de fonds de 80m$ en janvier de cette année qui s’épuisera en juin. Outre miner les stratégies de survie de millions de personnes, la hausse des prix a déjà suscité des manifestations et des grèves dans toutes les zones du pays.

La réduction de la pauvreté et la justice sociale

Le développement, c’est le processus visant à renforcer les capacités économiques et sociales aux niveaux de la communauté et des familles afin de réduire la pauvreté et la vulnérabilité, et de promouvoir la justice sociale. La justice sociale, c’est la présence de systèmes sociaux, politiques et économiques justes.

Les causes de la pauvreté et sa perpétuation en Afghanistan ont plusieurs facettes. La pauvreté est le résultat de décennies marquées par le conflit violent et sa menace constante, par des infrastructures et des marchés limités, par des structures gouvernementales décentralisées et naissantes, par le déplacement massif, par la fragmentation sociale et la discrimination, par les coups réguliers aux moyens de subsistance communautaires, notamment sécheresses, inondations et maladies, par une terre cultivable limitée, par la dégradation de l’environnement et par d’autres facteurs encore. L’importance et la persistance de ces facteurs varient d’une région à l’autre, d’une communauté à l’autre. De plus, le retour forcé de millions de citoyens afghans du Pakistan et de l’Iran est une menace constante.

Dans un tel contexte, la réduction durable de la pauvreté et la justice sociale ne sont pas des tâches simples impliquant des projets discrets et une aide à court terme. Pour vraiment faire face à la pauvreté et réellement promouvoir la justice sociale en Afghanistan, il est nécessaire que les efforts soient fondés sur les forces et les possibilités actuelles de la communauté. Pour que les programmes de développement soient efficaces et durables, il est nécessaire de s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et de l’injustice et assurer un soutien consistant, bien coordonné et à long terme.

L’efficacité de l’aide au développement et sa perception publique

Les efforts de développement en Afghanistan se heurtent à de grands défis, notamment la sécurité qui se détériore, les économies illicites, une participation internationale nombreuse et diverse avec militaires et civils, les institutions étatiques naissantes et leurs capacités limitées mais en croissance, et la complexité du contexte humanitaire et de développement. Ces défis ont non seulement ralenti le développement, ils ont aussi rendu l’aide au développement moins efficace et moins efficiente.

L’efficacité de la distribution de l’aide en Afghanistan a été très critiquée. Une grande partie de l’aide qui passe par le gouvernement est bloquée à Kaboul et il a été signalé que des montants importants de financement international iraient aux profits des entreprises ou aux consultants étrangers très bien rémunérés. Cela est dû en partie à ‘l’aide liée‘, c’est-à-dire les donateurs lient leur financement à des accords stipulant que des pourcentages du fonds vont à la main-d’œuvre et au matériel importés, le plus souvent venant de leurs propres pays. En 2006, un rapport donnant suite à la Déclaration de Paris  sur l’efficacité de l’aide, indiquait qu’une moitié de toute l’aide en Afghanistan est liée. Le résultat final de ces accords en faveur des profits des entreprises et des consultants, est que les communautés afghanes reçoivent moins d’argent pour l’aide.

De plus, l’aide au développement continue d’être perçue, par de nombreux acteurs internationaux et afghans, comme étant ciblée vers des objectifs autres que la réduction de la pauvreté : principalement pour lutter contre l’insurrection et la culture d’opium. Ce préjugé contre l’aide au développement est renforcé par l’énorme montant d’argent déjà dépensé pour les efforts militaires (d’après un rapport récent de l’ACBAR, les dépenses militaires des Etats-Unis par jour en Afghanistan sont 14 fois plus importantes que le montant moyen de toutes les dépenses pour le développement par jour depuis 2001). Des montants importants de l’aide sont aussi alignés sur les présences militaires internationales dans les équipes provinciales de reconstruction (EPR) spécifiques. Des rapports récents appuient ces préoccupations quant au fait que les différences dans les dépenses de l’aide ne seraient pas en corrélation avec les besoins, mais plutôt avec l’insurrection.

En raison de ces différents objectifs et des sites précaires, l’accent est mis sur des projets ayant un impact visible et rapide. Les projets visent à gagner le soutien public, mais souvent ils le perdent parce qu’ils ne soutiennent que les détenteurs des pouvoirs locaux. Comme ces efforts n’ont pas de suite à long terme, des programmes plus nuancés peuvent réellement accroître la perception de marginalisation aux niveaux local et national.

Pour les communautés afghanes, l’aide et les promesses annoncées à grand renfort de publicité ont créé des attentes et de la confusion. Le fait de ne pas avoir su répondre à ces attentes, ainsi que la perception de la corruption et du fait que les stratégies de développement sont centrées sur les programmes politiques, a suscité de la frustration et du ressentiment dans les communautés de l’Afghanistan. 

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En raison de l’urgence et de la complexité de la pauvreté en Afghanistan, Caritas Internationalis exhorte les acteurs nationaux et internationaux à se concentrer à nouveau sur le soulagement de la pauvreté et la justice sociale. De façon plus spécifique, nous demandons:

Une attention plus directe à la réduction de la pauvreté et à la justice sociale en tenant compte des besoins et des possibilités. Une plus grande coordination de l’aide au développement et de l’aide humanitaire à travers des actions concertées visant à harmoniser la distribution de l’aide au développement et à donner la priorité à l’aide humanitaire.Un financement consistant, sur plusieurs années pour les programmes de développement à grande échelle, qui permette à la communauté d’avoir des dirigeants et de regagner la confiance,Une plus grande transparence et une supervision accrue de l’aide, notamment l’évaluation du processus de développement et de reconstruction, y compris des mécanismes de financement et des organismes exécutifs, par rapport aux objectifs établis, notamment la réduction de la pauvreté et la justice sociale,Une plus grande coordination et définition des priorités de l’aide humanitaire en Afghanistan.

Caritas Internationalis est une confédération de 162 organisations catholiques de secours, de développement et de service social qui œuvre pour construire un monde meilleur dans plus de 200 pays et territoires. Caritas travaille sans distinction de religion, de race, de sexe ou d’ethnie, et c’est l’un des réseaux humanitaires les plus grands du monde.

Caritas combat la pauvreté, l’exclusion, l’intolérance et la discrimination et, ce qui est le plus important, travaille pour donner aux personnes les moyens de participer pleinement à toutes les questions qui concernent leur vie, et les défend aux forums nationaux et internationaux. Caritas travaille avec les communautés afghanes à l’étranger et en Afghanistan depuis des décennies.

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ZENIT Staff

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