Bolivie : le pape passe plus d'une heure en prison

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Au centre pénitencier auto-géré de Palmasola, où règne la violence, il encourage la foule des détenus à s’entraider en refusant le « jeu du diable »: la division, les factions.

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« Aidez-vous les uns les autres! N’ayez pas peur de vous entraider. Le diable cherche la dispute, la rivalité, la division, les factions. N’entrez pas dans son jeu. Luttez pour aller de l’avant » : c’est l’exhortation du pape aux détenus de Palmasola. C’est là qu’il a passé plus d’une heure  ce 10 juillet 2015, se présentant comme pécheur parmi les pécheurs.

Au dernier jour de sa visite dans le pays, le pape François a pris congé de la résidence de l’archevêque émérite de Santa Cruz de la Sierra et il a rejoint en voiture le Centre de rééducation Santa Cruz-Palmasola, tristement connu pour le surpeuplement et la violence qui y règnent. Quatre détenus sur cinq y sont en attente de jugement.

Mais à Palmasola, des modalités de vie commune entre reclus et familles sont aussi pratiquées avec un certain succès : le secteur PC-4, visité par le pape, est ouvert aux visites et compte quelque 2.800 prisonniers – et des enfants jusqu’à l’âge de 6 ans, qui vivent avec leur mère – avec lesquels les familles (1.500 personnes par jour) peuvent cohabiter dans une sorte de village protégé et géré par les détenus eux-mêmes, guidés par le personnel.

Arrivé sous haute protection au grand complexe, où l’attendait une foule euphorique qui, sans l’intervention des forces de sécurité, se serait ruée sur la voiture, le pape a franchi à 9h30 (15h30 à Rome) la porte blindée pour pénétrer dans l’enceinte.

Accueilli par le directeur de la prison, l’aumônier et l’évêque responsable de la pastorale des prisons, Mgr Jesús Juárez Párraga, SDB, archevêque de Sucre, il a rencontré un par un les membres d’une délégation de plusieurs dizaines de détenus et leurs enfants.

Puis troquant sa voiture contre une voiturette électrique, il a rejoint le terrain de sport du secteur des hommes PC-4 pour retrouver une foule touffue qui s’est levée à son arrivée, l’acclamant par un chant de bienvenue en agitant des ballons de baudruche.

Portées à bout de bras, des lettres géantes ondulaient au-dessus des têtes pour former la phrase « Bienvenu, pape François à Palmasola ». Le podium était installé sous un auvent tout simple, orné de part et d’autre de bouquets de fleurs jaunes et blanches, les couleurs du Vatican. Sur les marches, deux enfants joyeuses, en tee-shirts blancs, devant le siège du pape, babillaient à ses pieds.

Après les salutations de Mgr Juárez et les témoignages de trois détenus – deux hommes et une femme qui a versé des larmes émues en déclarant : « Pape François, nous vous aimons » – le pape les a remerciés pour leur accueil : « Je ne pouvais pas quitter la Bolivie sans venir vous rencontrer, sans partager la foi et l’espérance qui naissent de l’amour offert sur la croix. »

Il s’est présenté en ces termes : « Celui qui est devant vous est un homme pardonné. Un homme qui a été et qui est sauvé de ses nombreux péchés. Et c’est ainsi que je me présente. Je n’ai pas grand chose de plus à vous donner ou à vous offrir, mais ce que j’ai et ce que j’aime, oui, je veux vous le donner, oui, je veux vous le partager : Jésus Christ, la miséricorde du Père. »

Pour les soutenir dans leur épreuve, le pape a recommandé la prière personnelle et communautaire : « Deux mouvements, deux actions qui ensemble forment un réseau qui soutient la vie et l’espérance. Ce réseau nous soutient dans le désespoir et nous stimule à continuer à marcher. Un réseau qui soutient la vie, la vôtre et celle de vos proches. »

« Et si à certains moments nous nous sentons tristes, mal, abattus, je vous invite à regarder le visage de Jésus crucifié. Dans son regard, nous pouvons tous trouver place. Nous pouvons tous lui confier nos blessures, nos douleurs ainsi que nos erreurs, nos péchés (…). Dans ses plaies, nos plaies trouvent place (…) pour être soignées, lavées, transformées, ressuscitées. »

Évoquant les problèmes actuels – surpeuplement, lenteur de la justice, manque de thérapies d’occupation et de politiques de réhabilitation, violence – il a souligné la responsabilité des prisonniers eux-mêmes : « la cohabitation dépend en partie de vous… Aidez-vous les uns les autres. N’ayez pas peur de vous entraider. Le diable cherche la rivalité, la division, les factions. N’entrez pas dans son jeu. Luttez pour aller de l’avant. »

Le pape a souhaité aussi que le personnel des prisons accomplisse la mission « de relever et non d’abaisser ; de donner la dignité et non d’humilier ; d’encourager et non de causer de la peine ». « S’il vous plaît, je vous demande de continuer à prier pour moi, parce que j’ai moi aussi mes erreurs et je dois faire pénitence », a-t-il conclu.

Au son d’un chant final proclamant solennellement « Liberté, liberté », le pape a quitté le centre pénitencier aux environs de 10h45 (16h45 à Rome) pour son rendez-vous avec les évêques de Bolivie dans l’église paroissiale de La Santa Cruz. Ce sera sa dernière étape en Bolivie : le pape est attendu au Paraguay, dernier pays de ce voyage en Amérique latine, en fin de journée.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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