Benoît XVI répond aux questions des prêtres (V)

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Rencontre avec le clergé de Rome, le 7 février

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ROME, Jeudi 21 février 2008 (ZENIT.org) – Le 7 février dernier le pape Benoît XVI a reçu les curés et le clergé du diocèse de Rome pour la rencontre traditionnelle du début de carême. La rencontre s’est déroulée sous forme de questions-réponses. Nous publions ci-dessous la sixième question.

Repenser les célébrations de masse

Père Alberto Orlando, vicaire paroissial de « Santa Maria Madre della Provvidenza » Je suis le Père Alberto Orlando, vicaire de la paroisse de « Santa Maria Madre della Provvidenza ». Je voudrais vous soumettre une difficulté que j’ai vécue à Lorette avec les jeunes l’an dernier. A Lorette nous avons passé une journée magnifique, mais parmi toutes ces belles choses, nous avons noté une certaine distance entre Vous-même et les jeunes. Nous sommes arrivés l’après-midi. Nous ne sommes parvenus ni à nous installer, ni à voir, ni à entendre. Puis, quand le soir est arrivé, vous êtes parti et nous nous sommes retrouvés livrés à la télévision, qui dans un certain sens nous a été imposée. Mais les jeunes ont besoin de chaleur. Une jeune fille par exemple m’a dit : « Normalement le pape nous appelle « chers jeunes », en revanche aujourd’hui il nous a appelés « mes jeunes amis » ». Et elle en était très contente. Pourquoi ne pas souligner ce détail, cette proximité ? La liaison télévisée avec Lorette était également très froide, très lointaine ; le moment de la prière aussi a créé des difficultés parce qu’il était lié à des sources de lumière qui sont restées éteintes très tard, au moins jusqu’à ce que le spectacle télévisé soit terminé. La deuxième chose qui nous a créé des difficultés a été la liturgie du lendemain, un peu pesante notamment du point de vue des chants et de la musique. Au moment de l’Alleluia, pour vous donner un exemple, une jeune fille a noté que, malgré la chaleur, les chants et la musique se prolongeaient très longuement, comme si personne ne s’était préoccupé des désagréments de ceux qui se retrouvaient à l’étroit dans une foule très dense. Et il s’agissait de jeunes qui vont à la messe tous les dimanches. J’aurais deux questions : pourquoi cette distance entre eux et vous ; et comment concilier le trésor de la liturgie dans toute sa solennité avec le sentiment, l’affection et l’émotivité qui nourrissent les jeunes et dont ils ont tant besoin ? Je voudrais également un conseil : comment pouvons-nous régler la mesure entre solennité et émotivité. Notamment aussi parce nous-mêmes, nous nous demandons souvent en tant que prêtres dans quelle mesure nous sommes capables de vivre avec simplicité l’émotion et le sentiment. Puisque nous sommes les ministres du sacrement, nous voudrions être en mesure d’orienter le sentiment et l’émotivité vers le juste équilibre.

Benoît XVI – Le premier point que vous me soumettez est lié à l’organisation : je l’ai trouvée ainsi, et je ne sais pas s’il était éventuellement possible de mieux organiser. Vu que plusieurs milliers de personnes étaient présentes, il était impossible, me semble-t-il, de faire que tous soient aussi proches. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous suivi un parcours en voiture, pour avoir un peu de proximité avec chacun. Mais nous prendrons cela en compte et nous verrons si à l’avenir, lors d’autres rencontres avec des milliers et des milliers de personnes, il sera possible de faire quelque chose de différent. Il me semble toutefois important que grandisse le sentiment d’une proximité intérieure, qui sache trouver le pont qui unit même lorsque l’on est distant dans l’espace.

En revanche, un grand problème se pose pour les liturgies auxquelles participent des foules de personnes. Je me souviens de 1960, au cours du grand congrès eucharistique international de Munich, qui tentait de donner une nouvelle physionomie aux congrès eucharistiques, qui jusqu’alors étaient seulement des actes d’adoration. On souhaitait placer la célébration de l’Eucharistie au centre comme acte de la présence du mystère célébré. Mais comment faire ? On peut adorer à distance ; mais pour célébrer, la communauté doit être limitée, pour pouvoir interagir avec le mystère. Il fallait donc une communauté qui constitue une assemblée autour de la célébration du mystère. Beaucoup étaient contraires à la célébration en public avec cent mille personnes. Ils disaient que cela n’était pas possible en raison de la structure même de l’Eucharistie, qui exige la communauté pour la communion. Il y avait également de grandes personnalités, très respectables, qui étaient contraires à cette solution. Puis le Professeur Jungmann, un grand liturgiste, l’un des grands architectes de la réforme liturgique, a créé le concept de statio orbis, c’est-à-dire qu’il est revenu à la statio Romae où, précisément à l’époque du Carême, les fidèles se réunissent à un endroit, la statio : ils sont donc en statio comme les soldats pour le Christ, puis ils se rendent ensemble à l’Eucharistie. Si cela, a-t-il dit, était la statio de la ville de Rome, où la ville de Rome se réunit, alors il s’agit d’une statio orbis. Et depuis lors nous avons des célébrations eucharistiques avec la participation des foules. Selon moi, je dois dire, un problème demeure, parce que la communion concrète dans la célébration est fondamentale et donc je ne pense pas qu’une réponse définitive ait été trouvée. J’ai également soulevé cette question lors du dernier Synode, qui n’a toutefois pas trouvé de réponse. J’ai fait poser une autre question, sur la concélébration en masse : parce que si, par exemple, mille prêtres concélèbrent, on ne sait pas si la structure voulue par le Seigneur subsiste encore. Mais dans tous les cas, ce sont des questions. Et ainsi s’est présentée à vous la difficulté de participer à une célébration de masse au cours de laquelle il n’est pas possible que tous soient également impliqués. Il faut par conséquent choisir un certain style, pour conserver la dignité qui est toujours nécessaire à l’Eucharistie. La communauté n’est donc pas uniforme et l’expérience de la participation à l’événement est différente ; pour certains, elle est assurément insuffisante. Mais cela ne dépendait pas de moi, mais plutôt de ceux qui se sont chargés de la préparation.

Il faut bien réfléchir sur ce qu’il faut faire dans ces situations, comment répondre aux défis de cette situation. Si je ne me trompe pas, c’était un orchestre de handicapés qui assurait la musique et sans doute l’idée était-elle précisément de faire comprendre que les handicapés peuvent être les animateurs de la sainte célébration, qu’ils ne doivent absolument pas être exclus mais qu’ils doivent en être les premiers agents. Et ainsi, puisqu’on les aimait, ils ne se sont pas sentis exclus mais au contraire impliqués. Cela me semble une réflexion tout à fait respectable et je la partage. Mais naturellement, le problème fondamental demeure. Ici aussi, toutefois, me semble-t-il, en sachant ce qu’est l’Eucharistie, même si l’on n’a pas la possibilité d’une activité extérieure comme on le désirerait pour ressentir une participation, l’on y entre avec le cœur, comme dit l’antique impératif de l’Eglise, créé peut-être précisément pour ceux qui étaient derrière la basilique : « Elevons notre cœur ! A présent nous sortons tous de nous mêmes, ainsi, nous sommes tous avec le Seigneur et nous sommes ensemble». Comme je l’ai dit, je ne nie pas le problème, mais si nous suivons réellement cette parole « Elevons notre cœur » nous trouverons tous, même dans des situations difficiles et parfois discutables, la vraie participation active.

© Copyright du texte original en italien : Libreria editrice vaticana

Traduit de l’italien par Zenit

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ZENIT Staff

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