Benoît XVI répond aux questions des prêtres (III)

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Rencontre avec le clergé de Rome, le 7 février

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ROME, Mardi 19 février 2008 (ZENIT.org) – Le 7 février dernier le pape Benoît XVI a reçu les curés et le clergé du diocèse de Rome pour la rencontre traditionnelle du début de carême. La rencontre s’est déroulée sous forme de questions-réponses. Nous publions ci-dessous la quatrième question.

4ème question : Le silence pour voir et toucher Dieu dans le monde

Don Massimo Tellan, curé de Sant’Enrico – Mon nom est Massimo Tellan. Je suis prêtre depuis quinze ans, curé à Casal Monastero, secteur nord, depuis six ans. Je crois que nous nous rendons tous compte que nous vivons toujours plus plongés dans un monde culturellement submergé de paroles, souvent privées de signification, qui désorientent le cœur humain à un tel point qu’elles le rendent sourd à la parole de vérité. Cette Parole éternelle qui s’est faite chair et qui a pris un visage en Jésus de Nazareth devient ainsi pour beaucoup de personnes évanescente et, en particulier pour les nouvelles générations, inconsistante et lointaine. Dans tous les cas, elle est confuse dans la jungle d’images ambiguës et éphémères dont nous sommes quotidiennement bombardés. Quelle place laisser alors à l’éducation à la foi, à ce binôme de paroles à accueillir et d’images à contempler ? Où se trouve l’art de raconter la foi et d’introduire au mystère, comme cela se produisait par le passé avec la biblia pauperum ? Dans la société actuelle des images comment pouvons-nous retrouver la force débordante de la vue qui accompagne le mystère de l’incarnation et de la rencontre avec Jésus, comme cela eut lieu pour Jean et André sur les rives du Jourdain, invités à aller et voir où habitait le maître ? En d’autres termes : comment éduquer à la recherche et à la contemplation de cette véritable beauté qui, comme l’écrivait Dostoïevski, sauvera le monde? Votre Sainteté, merci de votre attention et, si vous me le permettez, également avec le consentement de mes confrères, et pas seulement en tant de curé de cette paroisse mais aussi en artiste amateur, je voudrais accompagner ce que j’ai dit en vous offrant une icône du Christ à la colonne, image de l’humanité souffrante et humiliée que le Verbe a voulu assumer non seulement jusqu’à l’Ecce homo, mais jusqu’à la mort sur la Croix, et, dans le même temps, image actuelle de l’Eglise Corps mystique du Christ souvent blessée par l’arrogance du mal, mais appelée avec son Seigneur à embrasser le péché du monde pour le racheter par son sacrifice avec Jésus. Merci, Très Saint-Père, et merci également à mes confrères. Ces derniers sont tous engagés, chaque jour plus que moi et mieux que moi, à montrer au monde à travers le témoignage de leur vie le visage actuel du Maître. S’il est vrai, comme cela l’est, que celui qui a vu le Fils a vu le Père, puisse celui qui nous voit, qui voit son Eglise, voir le Christ.

Benoît XVI – Merci pour ce très beau cadeau. Je suis reconnaissant que nous n’ayons pas que des mots, mais également des images. Nous voyons que de la méditation chrétienne naissent aujourd’hui aussi de nouvelles images, nous voyons que la culture chrétienne, que l’iconographie chrétienne renaît. Oui, nous vivons dans l’inflation des paroles, des images. Il est donc difficile de laisser de la place à la parole et à l’image. Il me semble que précisément dans la situation de notre monde, que nous connaissons tous, qui est également une souffrance pour nous, la souffrance de chacun, le temps de Carême acquiert une nouvelle signification. Le jeûne physique, qui pendant un certain temps n’était plus considéré à la mode, apparaît aujourd’hui à tous comme nécessaire. Il n’est pas difficile de comprendre que nous devons jeûner. Nous nous trouvons aussi parfois face à certaines exagérations dues à un idéal de beauté erroné. Mais le jeûne physique est cependant une chose importante, car nous sommes corps et âme et la discipline du corps, la discipline également matérielle, est importante pour la vie spirituelle qui est toujours une vie incarnée dans une personne qui est corps et âme.

Cela est une dimension. Aujourd’hui se développent et se manifestent d’autres dimensions. Il me semble que le temps de Carême pourrait précisément aussi être un temps de jeûne des paroles et des images. Nous avons besoin d’un peu de silence, nous avons besoin d’un espace sans le bombardement permanent des images. C’est pourquoi il est très important aujourd’hui de rendre accessible et compréhensible la signification de quarante jours de discipline extérieure et intérieure, pour nous aider à comprendre qu’une dimension du Carême, de cette discipline physique et spirituelle, est celle de se créer des espaces de silence et aussi des espaces sans images, pour ouvrir à nouveau notre cœur à la véritable image et à la véritable parole. Il me semble prometteur de constater aujourd’hui qu’il y a une renaissance de l’art chrétien, aussi bien d’une musique pour la méditation – comme par exemple celle qui est née à Taizé – que d’un art chrétien, pour revenir à l’art de l’icône, qui reste attaché d’une certaine manière aux grandes normes de l’art de l’iconologie du passé, mais en s’ouvrant aux expériences et aux visions d’aujourd’hui. Là où il y a une méditation approfondie de la Parole, où nous entrons réellement dans la contemplation de cette visibilité de Dieu dans le monde, de cette tangibilité de Dieu dans le monde, naissent également de nouvelles images, de nouvelles possibilités de rendre visibles les événements du salut. Telle est précisément la conséquence de l’événement de l’incarnation. L’Ancien Testament interdisait toute image et il devait l’interdire dans un monde plein de divinités. Il vivait justement dans le grand vide qui était également représenté par l’intérieur du temple, où, contrairement aux autres temples, il n’y avait aucune image, mais seulement le trône vide de la Parole, la présence mystérieuse du Dieu invisible, non défini par nos images.

Mais l’étape suivante est que ce Dieu mystérieux nous libère d’une inflation des images, également d’une époque remplie d’images de divinités, et nous donne la liberté de la vision de l’essentiel. Il apparaît avec un visage, avec un corps, avec une histoire humaine qui, en même temps, est une histoire divine. Une histoire qui se poursuit dans l’histoire des saints, des martyrs, des saints de la charité, de la parole, qui sont toujours explication, continuation dans le Corps du Christ de cette vie divine et humaine, et qui nous donne les images fondamentales dans lesquelles – au-delà des images superficielles qui cachent la réalité – nous pouvons ouvrir le regard vers la Vérité elle-même. C’est pourquoi la période iconoclaste de l’après Concile me semble excessive. Elle avait cependant un sens, car peut-être était-il nécessaire de se libérer de la superficialité des images trop nombreuses.

Revenons à présent à la connaissance du Dieu qui s’est fait homme. Comme le dit la lettre aux Ephésiens, Il est la véritable image. Et dans cette véritable image nous voyons – outre les apparences qui cachent la vérité – la Vérité elle-même : « Celui qui me voit, voit le Père ». Je dirais, avec beaucoup de respect et de révérence, que c’est dans ce sens que nous pouvons retrouver un art chrétien et aussi retrouver les grandes représentations essentielles du mystère de Dieu dans la tradition iconographique de l’Eglise. Ainsi nous pourrons redécouvrir l’image véritable, cachée par les apparences. C’est un travail d’éducation chrétienne vraiment important : la libération de la Parole derrière la parole, qui exige toujours à nouveau des espaces de silence, de méditation, d’approfondissement, d’abstinence, de discipline. C’est aussi l’éducation à la vraie image, c’est-à-dire à la redécouverte des grandes icônes créées au cours de l’histoire de la chrétien
té : avec l’humilité, on se libère des images superficielles. Ce type d’iconoclasme est toujours nécessaire pour redécouvrir l’Image, c’est-à-dire les images fondamentales qui expriment la présence de Dieu dans la chair.

Il s’agit d’une dimension fondamentale de l’éducation à la foi, au véritable humanisme, que nous recherchons en cette période à Rome. Nous avons recommencé à découvrir l’icône avec ses règles très sévères, sans la beauté de la renaissance. Et nous pouvons ainsi reprendre nous aussi un chemin de redécouverte humble des grandes images, vers une libération toujours nouvelle des paroles trop nombreuses, des images trop nombreuses, pour redécouvrir les images essentielles qui nous sont nécessaires. Dieu lui-même nous a montré son image et nous pouvons retrouver cette image à travers une profonde méditation de la Parole qui fait renaître les images.

Alors, prions le Seigneur qu’il nous aide sur ce chemin de vraie éducation, de rééducation à la foi, qui est toujours non seulement une façon d’écouter mais aussi de voir.

© Copyright du texte original en italien : Libreria editrice vaticana

Traduit de l’italien par Zenit

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ZENIT Staff

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