Benoît XVI rencontre les membres du clergé de Bolzano-Bressanone (II)

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ROME, Vendredi 22 août 2008 (ZENIT.org) – Le 6 août dernier, dans le cadre de ses vacances dans le Sud-Tyrol, le pape Benoît XVI a rencontré le clergé du diocèse de Bolzano-Bressanone, dans la cathédrale de Bressanone. Il a répondu aux questions posées par quelques prêtres et séminaristes.

Dans cette deuxième question le pape explique que la raison et la réflexion sur la vérité et la beauté, vont de pair. Les beautés créées par la foi sont « la preuve vivante de la foi », dit-il.

P. Willibald Hopfgartner, o.f.m. – Très Saint-Père, je m’appelle Willibald Hopfgartner, je suis franciscain et je travaille dans une l’école et dans divers contextes du gouvernement de l’Ordre. Dans votre discours de Ratisbonne vous avez souligné le lien substantiel entre l’Esprit divin et la raison humaine. D’autre part, vous avez également souligné l’importance de l’art et de la beauté, de l’esthétique. Alors, à côté du dialogue conceptuel sur Dieu (en théologie) ne faudrait-il pas toujours réaffirmer l’expérience esthétique de la foi dans le cadre de l’Eglise, pour l’annonce et la liturgie ?

Benoît XVI – Merci. Oui, je pense que les deux choses vont de pair la raison, la précision, l’honnêteté de la réflexion sur la vérité et la beauté. Une raison qui en quelque sorte voudrait se dévêtir de la beauté, serait diminuée, ce serait une raison aveuglée. Seules deux choses unies forment un ensemble, et pour la foi cette union est importante. La foi doit continuellement affronter les défis de la pensée de cette époque, afin qu’elle ne semble pas une sorte de légende irrationnelle que nous maintiendrions en vie, mais qu’elle soit véritablement une réponse aux grandes questions : afin qu’elle ne soit pas seulement habitude mais vérité – comme le déclara une fois Tertullien. Saint Pierre dans sa première Lettre, avait écrit cette phrase que les théologiens du Moyen Age avaient prise pour une légitimation, presque une commande pour leur travail théologique : « Soyez prêts à tout moment à rendre compte du sens de l’espérance qui est en vous » – apologie du logos de l’espérance, c’est-à-dire qui transforme le logos, la raison, en apologie, en réponse aux hommes. Bien sûr, il était convaincu du fait que la foi était logos, qu’elle était une raison, une lumière qui provient de la Raison créatrice, et non un beau mélange fruit de notre pensée. Voilà pourquoi elle est universelle, c’est pour cela qu’elle peut être communiquée à tous.

Mais ce logos créateur n’est pas seulement un logos technique – nous reviendrons sur cet aspect dans une autre réponse – il est ample, c’est un logos qui est amour et donc capable de s’exprimer dans la beauté et dans le bien. Et, en réalité, j’ai dit un jour que selon moi l’art et les saints sont la plus grande apologie de notre foi. Les arguments portés par la raison sont absolument importants et on ne peut y renoncer, mais il reste toujours quelque part un désaccord. En revanche, si nous regardons les saints, cette grande trace lumineuse par laquelle Dieu a traversé l’histoire, nous voyons que là se trouve véritablement une force de bien qui résiste aux millénaires, il y a véritablement la lumière de la lumière. Et de la même manière, si nous contemplons les beautés créées par la foi, elles sont simplement, dirais-je, la preuve vivante de la foi. Si je regarde cette belle cathédrale : c’est une annonce vivante ! Elle-même nous parle, et partant de la beauté de la cathédrale nous parvenons à annoncer visuellement Dieu, le Christ et tous ses mystères : ici ils ont pris forme et ils nous regardent. Toutes les grandes oeuvres d’art, les cathédrales – les cathédrales gothiques et les splendides églises baroques – sont toutes un signe lumineux de Dieu et donc véritablement une manifestation, une épiphanie de Dieu. Et dans le christianisme il s’agit précisément de cette épiphanie : Dieu est devenu une Epiphanie voilée – il apparaît et il resplendit. Nous venons d’écouter l’orgue dans toute sa splendeur et je pense que la grande musique née dans l’Eglise est une manière de rendre audible et perceptible la vérité de notre foi : du chant grégorien à la musique des cathédrales jusqu’à Palestrina et son époque, jusqu’à Bach puis Mozart, Bruckner et ainsi de suite… En écoutant toutes ces oeuvres – les Passions de Bach, sa Messe en si bémol et les grandes compositions spirituelles de la polyphonie du XVI siècle, de l’école viennoise, de toute la musique même celles des compositeurs mineurs – soudainement nous ressentons : c’est vrai ! Là où naissent des choses de ce genre, il y a la vérité. Sans une intuition qui découvre le vrai centre créateur du monde, une telle beauté ne peut naître. C’est pourquoi je pense que nous devrions toujours faire en sorte que les deux choses aillent ensemble, les porter ensemble. Lorsqu’à notre époque, nous discutons du caractère raisonnable de la foi, nous discutons précisément du fait que la raison ne finit pas où finissent les découvertes expérimentales, elle ne finit pas dans le positivisme ; la théorie de l’évolution voit la vérité, mais n’en voit que la moitié : elle ne voit pas que derrière il y a l’Esprit de la création. Nous luttons pour l’élargissement de la raison et donc pour une raison qui justement soit ouverte aussi au beau et ne doive pas le laisser de côté comme quelque chose de totalement différent et irrationnel. L’art chrétien est un art rationnel – pensons à l’art du gothique et à la grande musique ou même, justement à notre art baroque – mais c’est une expression artistique d’une raison très élargie, dans laquelle le coeur et la raison se rencontrent. Ainsi en est-il. Ceci est, je pense, d’une certaine manière la vérité du christianisme : coeur et raison se rencontrent, beauté et vérité se touchent. Et plus nous-mêmes réussissons à vivre dans la beauté de la vérité, plus la foi pourra redevenir créatrice même à notre époque et s’exprimer sous une forme artistique convaincante.

Alors, cher père Hopfgartner, merci de cette question ; essayons de faire en sorte que les deux catégories, celle de l’esthétique et celle de la noéthique, soient unies et que dans ce vaste cadre se manifeste la totalité et la profondeur de notre foi.

© Copyright : Librairie Editrice du Vatican

Traduction française : L’Osservatore Romano

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ZENIT Staff

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