« Benoît XVI fera de l’Eucharistie un point essentiel du projet œcuménique »

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Entretien avec Scott Hahn, pasteur presbytérien converti au catholicisme

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ROME, Dimanche 3 juillet 2005 (ZENIT.org) – Le pontificat de Benoît XVI ne vise pas à restaurer la liturgie mais plutôt à se réapproprier le mystère de l’Eucharistie.

C’est ce que déclare l’Américain Scott Hahn, directeur du Centre Saint Paul de théologie biblique, ancien pasteur presbytérien converti au catholicisme. Scott Hahn enseigne également la théologie et les écritures à l’Université franciscaine de Steubenville.

Zenit lui a demandé comment selon lui les enseignements de Benoît XVI pourront aider les fidèles à mieux comprendre et mieux vivre l’Eucharistie.

Zenit : Qu’est-ce qui distinguait en son temps l’approche de l’Eucharistie du cardinal Ratzinger ?

Scott Hahn : Je crois qu’aucun théologien depuis Matthias Scheeben au 19e siècle nous avait montré l’interrelation profonde existant entre tous les mystères du christianisme. Pour le cardinal Ratzinger, on ne peut pas étudier ou présenter correctement la doctrine de l’Eucharistie en dehors de la doctrine de la Trinité, la doctrine de l’Incarnation et la doctrine de l’Eglise.

L’Eucharistie elle-même est un mystère trinitaire ; on ne peut pas recevoir le Fils sans recevoir le Père qui l’envoya dans la chair et l’esprit à travers lesquels il est venu. La Trinité vient à nous dans l’Eucharistie. Et lorsque la Trinité vient à nous, nous sommes élevés à la présence même de la gloire divine.

Ce mystère est lié à l’Incarnation car il ne s’agit pas d’un simple événement du passé, mais d’un événement qui continue à se produire – un mystère surnaturel – au milieu de nous. Tout se tient.

L’ecclésiologie du cardinal Ratzinger – sa théologie de l’Eglise – est liée à l’Eucharistie, l’Incarnation et la Trinité. Dans le même temps, sa théologie eucharistique est liée à l’Eglise, l’Incarnation et la Trinité.

Zenit : Le cardinal Ratzinger a souvent décrit l’Eucharistie comme le « coeur de la vie ». Qu’est-ce qu’il veut dire par là ?

Scott Hahn : L’Eucharistie est notre rencontre et notre communion avec la Bienheureuse Trinité. C’est le cœur de la vie. C’est la source de la vie. C’est le sommet de la vie. La communion avec la Bienheureuse Trinité est la vraie définition du ciel. On ne peut rien avoir de mieux. Le plus étonnant est que nous avons le ciel dans chaque messe.

C’est un thème sur lequel le cardinal Ratzinger est revenu dans plusieurs de ses livres. La venue de Jésus Christ – ce que le Nouveau Testament grec appelle sa « parousie » – n’est pas un simple événement lointain. C’est sa présence dans l’Eucharistie.

Les fondamentalistes réduisent la signification de « parousie » au retour du Christ à la fin des temps ; mais pour ceux qui parlaient grec, au premier siècle, ce mot signifiait « présence ». La théologie catholique conserve ce sens original.

Dans son livre « Eschatologie », le cardinal Ratzinger écrit : « La parousie est la plus haute intensification et le plus grand accomplissement de la liturgie. Et la liturgie est parousie… Toute Eucharistie est parousie, la venue du Seigneur, et pourtant l’Eucharistie est même encore plus authentiquement l’ardent désir qu’Il révèle sa gloire cachée ».

Zenit : Comment les enseignements de Benoît XVI peuvent-ils aider les fidèles à mieux comprendre et mieux vivre l’Eucharistie en cette année de l’Eucharistie ?

Scott Hahn : De nombreux médias ont déjà qualifié Benoît XVI de « restaurateur » souhaitant un retour à la liturgie d’avant le Concile. Mais ils se trompent. Il n’est pas ici question de restauration de la liturgie mais de réappropriation, d’une réappropriation du mystère de l’Eucharistie, qui est à la fois divine et humaine.

Après le Concile Vatican II, certains théologiens ont tenté de démocratiser l’Eglise et de séculariser la liturgie en réduisant le mystère à des débats entre soi-disant conservateurs et libéraux.

Le cardinal Ratzinger a préféré retourner aux sources classiques : les Ecritures – à la fois l’Ancien et le Nouveau Testament – et la Tradition, ainsi que les meilleurs théologiens modernes. L’aggiornamento ne peut fonctionner réellement qu’à travers un « ressourcement » comme celui-là.

Je crois que Benoît XVI va « dépolitiser » l’Eucharistie. Il détournera notre attention des questions « chaudes » qui sont en réalité des questions de second ordre, comme les polémiques à propos du langage liturgique et la décoration.

Cela ne veut pas dire qu’il n’ait pas d’opinion sur ces questions. Il a des opinions et les a exprimées de manière claire. Mais il tire toujours ses opinions des profondeurs de l’étude théologique et historique, et des profondeurs de sa prière personnelle.

Je crois qu’il va nous demander de scruter ces mêmes profondeurs, en particulier les catholiques qui parlent, enseignent, écrivent et en guident d’autres dans les domaines de la théologie, de la liturgie, etc. Des profondeurs de notre étude et de notre prière, il va nous guider vers une vraie re-sacralisation de la liturgie.

Zenit : Si ces questions sont de second ordre, où est l’essentiel ?

Scott Hahn : L’essentiel est que l’Eucharistie crée un lien de chair et de sang – un lien familial – entre Dieu et nous. Ceci est un autre des thèmes récurrents dans ses livres. C’est le fil rouge de « L’unique alliance de Dieu et le pluralisme des religions » et de « Frères dans le Christ ».

Le Christ a assumé notre chair humaine afin de donner cette chair pour nous, et de nous donner cette chair. La liturgie eucharistique est un repas d’alliance sacrificiel. Il renouvelle une alliance, et toute alliance scelle un lien familial. De même que le Fils de Dieu est devenu homme, nous devenons divins – « fils dans le Fils » pour reprendre l’expression favorite des Pères de l’Eglise.

Zenit : Qui donc est membre de la famille ?

Scott Hahn : Je crois que ce sera un élément clé du pontificat de Benoît XVI. Il a déjà montré son ardent désir de faire avancer le dialogue œcuménique. S’il ne fait que poursuivre le travail qu’il a commencé en tant que cardinal, il articulera la doctrine de l’Eucharistie en termes bibliques forts, qui seront extrêmement persuasifs pour les protestants.

La liturgie céleste est la clé pour comprendre les livres bibliques des Hébreux et de l’Apocalypse. Et l’expérience de la liturgie est une clé pour comprendre une grande partie de la Bible – aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament.

La Lettre aux Hébreux et l’Apocalypse sont pour le Nouveau Testament ce que le Lévitique et le Deutéronome étaient pour l’Ancien Testament. Sans la connaissance et l’expérience de la liturgie, une grande partie du contenu de ces livres nous est inaccessible.

Le pape Benoît XVI est lui-même un grand théologien biblique, imprégné des Pères et des Docteurs de l’Eglise, spécialement saint Augustin et saint Bonaventure, ainsi que des traditions juive et rabbinique. Je ne crois pas qu’il y ait eu un pape depuis saint Pierre ayant autant étudié les anciens rabbins.

Je crois qu’il fera de la compréhension de l’Eucharistie un point essentiel du projet oecuménique, et qu’il conduira le dialogue en termes d’alliance. Ceci permettra d’impliquer dans le dialogue non seulement les protestants mais aussi les juifs qui partagent les racines concernant l’alliance de la religion d’Abraham.

Zenit : Dans sa première homélie, le pape Benoît XVI a déclaré : « L’Eucharistie, le cœur de la vie chrétienne et la source de la mission évangélisatrice de l’Eglise ne peut être que le centre permanent et la so
urce du service pétrinien qui m’a été confié ». Quelle influence aura selon vous le fait de placer l’Eucharistie au centre de sa mission ?

Scott Hahn : L’Eucharistie est le lieu où l’Eglise est elle-même de la manière la plus parfaite.

Lorsque nous avons compris la liturgie comme liturgie céleste, comme l’a fait Benoît XVI, nous sommes devenus des citoyens à part entière, des citoyens conscients et actifs du Royaume. La liturgie céleste devient la norme qui codifie les autres normes. C’est notre critère, notre pierre de touche, notre nourriture, notre soutien, notre lumière, comme je l’ai dit auparavant, notre source et notre sommet.

Nous verrons très bientôt comment cela se manifeste dans son pontificat. Le synode d’octobre proposera au terme de l’Année de l’Eucharistie une réflexion de toute l’Eglise sur l’Eucharistie. Soyez attentifs aux thèmes que j’ai soulignés : la liturgie céleste, la dépolitisation de la liturgie, et la re-sacralisation de la liturgie.

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ZENIT Staff

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