Benoît XVI et les prêtres : Comment transmettre la foi ? (1)

Print Friendly, PDF & Email

Rencontre avec le clergé de Rome (Jeudi 26 février)

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Lundi 2 mars 2009 (ZENIT.org) – Le 26 février, le pape Benoît XVI a rencontré les curés et les prêtres du diocèse de Rome, comme il le fait chaque année en début du carême. Les prêtres ont posé huit questions, sur différents thèmes, au pape.

Nous publions ci-dessous une synthèse de la première question, et la réponse de Benoît XVI.

Question 1

Face « au monde réel », « aux personnes blessées par la vie », les prêtres de paroisse « se sentent souvent mal préparés ou de manière inadaptée ». S’adressant à Benoît XVI, le père Gianpiero Palmieri, curé de la paroisse « San Frumenzio ai Prati Fiscali », s’est interrogé sur la manière d’aider ces personnes à rencontrer le Christ sans tomber dans des raisonnements « trop schématiques ».

Benoît XVI – Merci ! Chers confrères, je voudrais avant tout exprimer ma grande joie d’être parmi vous, prêtres de Rome : mes prêtres, nous sommes en famille. Le cardinal vicaire nous a bien dit que c’est un moment de repos spirituel. En ce sens, je suis aussi reconnaissant de pouvoir commencer le Carême par un moment de repos spirituel, de respiration spirituelle, en contact avec vous. Et il a aussi ajouté : nous sommes ensemble pour que vous puissiez me raconter vos expériences, vos souffrances, comme vos succès et vos joies. Je ne dirais donc pas que celui qui parle ici, auquel vous vous adressez, est un oracle. Nous sommes au contraire dans un échange familial, où il est aussi pour moi très important, à travers vous, de connaître la vie des paroisses, vos expériences avec la Parole de Dieu dans le contexte de notre monde d’aujourd’hui. Et je voudrais apprendre moi aussi, m’approcher de la réalité dont celui qui habite le Palais Apostolique est un peu trop éloigné. Et c’est aussi la limite de mes réponses. Vous vivez en contact direct, jour après jour, avec le monde d’aujourd’hui ; je vis avec des contacts divers, qui sont très utiles. Par exemple, je viens de recevoir la visite « ad limina » des évêques du Nigeria. Et j’ai pu voir ainsi, à travers ces personnes, la vie de l’Eglise dans un pays important d’Afrique, le plus grand, avec 140 millions d’habitants, un grand nombre de catholiques, et entrevoir la joie et aussi les souffrances de l’Eglise. Mais pour moi, ceci est évidemment un repos spirituel, parce que c’est une Eglise comme nous la voyons dans les Actes des Apôtres. Une Eglise où il y a une joie toute nouvelle d’avoir trouvé le Christ, d’avoir trouvé le Messie de Dieu. Une Eglise qui vit et grandit chaque jour. La population est heureuse d’avoir trouvé le Christ. Ils ont des vocations et peuvent ainsi donner, dans plusieurs pays du monde, des prêtres fidei donum. Et c’est bien sûr un rafraîchissement spirituel de voir que l’Eglise n’est pas seulement fatiguée, comme souvent en Europe, mais qu’il existe une Eglise jeune, pleine de la joie de l’Esprit Saint. Mais il est aussi important pour moi, avec toutes ces expériences universelles, de voir mon diocèse, les problèmes et toutes les réalités vécus dans ce diocèse.

En ce sens et en substance, je suis d’accord avec vous : ce n’est pas suffisant de prêcher ou de faire de la pastorale avec le bagage précieux acquis durant les études de théologie. Cela est important et fondamental, mais doit être personnalisé : (il faut passer) d’une connaissance académique que nous avons apprise et sur laquelle nous avons réfléchie, à une vision personnelle de notre propre vie pour arriver aux autres. En ce sens, je voudrais dire qu’il est essentiel, d’une part, de concrétiser les mots importants de la foi, par notre expérience personnelle de la foi, dans la rencontre avec nos paroissiens, mais aussi de ne pas perdre la simplicité (de la foi). Naturellement, des mots importants de la tradition – comme sacrifice d’expiation, rédemption du sacrifice du Christ, péché originel – sont aujourd’hui incompréhensibles comme tels. Nous ne pouvons pas travailler simplement avec de grandes formules, vraies, mais qui ne trouvent plus leur contexte dans le monde d’aujourd’hui. Nous devons, par l’étude et ce que nous disent les maîtres de la théologie et notre expérience personnelle de Dieu, concrétiser, traduire ces mots importants, afin qu’ils puissent entrer dans l’annonce de Dieu aux hommes d’aujourd’hui.

Et je dirais, d’autre part, qu’il ne faut pas recouvrir la simplicité de la Parole de Dieu par des jugements trop lourds d’approches humaines. Je me souviens d’un ami qui, après avoir écouté des prédications avec de longues réflexions anthropologiques pour en arriver à l’Evangile disait : mais ces approches ne m’intéressent pas, je voudrais comprendre ce que dit l’Evangile ! Et il me semble souvent qu’au lieu de longs chemins d’approche, il serait mieux – je l’ai fait quand j’étais encore dans ma vie normale – de dire que cet Evangile ne nous plaît pas, que nous sommes contre ce que dit le Seigneur ! Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Si je dis sincèrement que je ne suis pas d’accord à première vue, j’attire déjà l’attention : on voit que je voudrais, en tant qu’homme d’aujourd’hui, comprendre ce que dit le Seigneur. Nous pouvons ainsi, sans emprunter de longs chemins, entrer dans le vif de la Parole. Et nous devons aussi tenir compte, sans faire de fausses simplifications, du fait que les douze apôtres étaient des pêcheurs, des artisans, de cette province de Galilée, sans préparation particulière, sans connaissance du grand monde grec et latin. Et pourtant, ils sont allés dans tout l’Empire et même en dehors, jusqu’en Inde, et ils ont annoncé le Christ avec simplicité et avec la force de la simplicité de ce qui est vrai. Et il me semble que cela aussi est important : ne perdons pas la simplicité de la vérité. Dieu existe, et Dieu n’est pas un être hypothétique, lointain, mais il est proche, il a parlé avec nous, il a parlé avec moi. Et ainsi, nous affirmons simplement ce qui est et comment on peut, (comment) il faut naturellement expliquer et développer. Mais ne perdons pas de vue que nous ne proposons pas des réflexions, que nous ne proposons pas une philosophie, mais que nous proposons l’annonce simple de ce Dieu qui a agi. Qui a aussi agi avec moi.

Et puis pour le contexte culturel, romain – qui est absolument nécessaire – je dirais que la première aide est notre expérience personnelle. Nous ne vivons pas sur la lune. Je suis un homme de ce temps et si je vis sincèrement ma foi dans la culture d’aujourd’hui, comme une personne qui vit avec les médias d’aujourd’hui, avec les échanges, avec les réalités de l’économie, avec tout cela, si je prends au sérieux cette expérience et que je cherche à personnaliser en moi cette réalité. C’est ainsi que nous sommes sur le chemin pour nous faire comprendre des autres. Saint Bernard de Clairvaux a dit à son disciple le pape Eugène, dans son livre de considérations : considère que tu bois à ta propre source, c’est-à-dire à ta propre humanité. Si tu es sincère avec toi-même et que tu commences à voir à partir de toi ce qu’est la foi, par ton expérience humaine, buvant à ton propre puits, comme dit saint Bernard, tu peux aussi dire aux autres ce qu’il faut dire. Et en ce sens, il me semble important d’être réellement attentifs au monde d’aujourd’hui, et d’être aussi attentifs au Seigneur en nous : être un homme de ce temps et en même temps un homme qui croit au Christ, qui transforme le message éternel en message actuel.

Qui connaît mieux les hommes d’aujourd’hui que le prêtre ? Le presbytère n’est pas dans le monde, il est au contraire dans la paroisse. Et ici, les hommes viennent souvent, normalement, voir le prêtre, sans masque. Ils ne viennent pas avec des prétextes mais dans des situations de souffrance, de maladie, de mort, avec des questions familiales. Ils viennent au confessionnal sans masque, avec leur personnalité. Aucune autre profession, me semble-t-il, ne don
ne cette possibilité de connaître l’homme comme il est dans son humanité et non pas dans le rôle qu’il joue dans la société. En ce sens, nous pouvons réellement étudier comment il est dans sa profondeur, quand il ne joue pas un rôle, et apprendre nous aussi qui est l’être humain, l’être humain à l’école du Christ. En ce sens, je dirais qu’il est absolument important d’apprendre qui est l’homme, l’homme d’aujourd’hui, en nous et avec les autres, mais toujours dans l’écoute attentive au Seigneur et en acceptant en nous la semence de la Parole, parce qu’en nous elle se transforme en fruit et devient communicable aux autres.

© Copyright du texte original en italien : Librairie Editrice du Vatican
Traduction : Zenit

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel