Benoît XVI dialogue avec des familles, le 2 juin 2012

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Et salue les victimes du séisme

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ROME, mardi 5 juin 2012 (ZENIT.org) – Lors de la veillée de Bresso, au nord de Milan,  le pape Benoît XVI a répondu d’abondance de coeur, aux préoccupations de plusieurs familles : une petite fille du Vietnam accompagnée de ses parents, une famille de Madagascar, du Brésil, des Etats-Unis et de Grèce.

Les échanges ont eu lieu au Parc nord de Milan-Aéroport  durant la fête des témoignages, samedi dernier, 2 juin.

En liaison directe avec le village de tentes de San Felice sul Panaro, Benoît XVI a également envoyé de chaleureuses salutations aux victimes des tremblements de terre survenus en Emilie-Romagne.

Dialogue entre le pape et les familles:

1. CAT TIEN (fillette du Vietnam):

Ciao, Papa. Je suis Cat Tien, je viens du Vietnam.

J’ai sept ans et je veux te présenter ma famille. Lui c’est mon papa, Dan, et ma maman s’appelle Tao, et lui c’est mon petit frère Binh.

J’aimerais beaucoup savoir quelque chose de ta famille et de quand tu étais petit comme moi …

Benoît XVI – Merci, ma chère enfant, et merci à tes parents : merci de grand cœur. Alors, tu me demandes des souvenirs de ma famille : il y aurait beaucoup à raconter ! Mais je voudrais te dire quelques petites choses. Pour ma famille, le dimanche était toujours un élément essentiel et il commençait déjà le samedi après-midi. Notre père nous lisait les lectures du dimanche, d’un livre très répandu à cette époque en Allemagne, où l’on expliquait les textes. Le dimanche commençait de la façon suivante : nous entrions déjà dans la liturgie, dans un climat de joie. Le lendemain nous allions à la messe. J’habitais près de Salzbourg, donc nous avions beaucoup de musique – Mozart, Schubert, Haydn – et quand le Kyrie commençait c’était comme si le ciel s’ouvrait. Et puis, à la maison, naturellement, il y avait le grand déjeuner ensemble, qui était important. Et puis nous chantions beaucoup : mon frère est un grand musicien, tout jeune il composait déjà des musiques pour nous tous, ainsi toute la famille chantait. Mon père jouait de la cithare et il chantait; ce sont des moments inoubliables. Et puis, naturellement, nous avons fait des voyages ensemble, des marches ; nous vivions près d’un bois, et marcher dans les bois était donc une très belle chose : aventures, jeux etc. Bref, nous formions un cœur et une seule âme, avec tant d’expériences communes, même à l’époque où tout était difficile, car il y a eu la guerre, d’abord la dictature puis la pauvreté. Mais cet amour réciproque qu’il y avait entre nous, cette joie aussi pour les choses simples, était forts et on pouvait donc surmonter et supporter toutes ces choses. Je pense que cela fut très important: que les petites choses aussi ont été sources de joie, car ainsi s’exprimait le cœur de l’autre. Nous avons donc grandi avec cette certitude qu’il est bon d’être un homme, car nous voyions que la bonté de Dieu se réfléchissait en nos parents et en nos frères. Et pour dire la vérité, si je cherche à imaginer un peu comment ça sera au Paradis, je m’imagine que cela serait comme à l’époque de ma jeunesse, de mon enfance. Que cela serait comme ça, dans un cadre de confiance, de joie et d’amour. Nous étions heureux et je pense qu’au Paradis cela pourrait être comme lorsque j’étais jeune. C’est dans cette optique que j’espère aller « à la maison », aller vers « l’autre partie du monde ».

2. SERGE RAZAFINBONY ET FARA ANDRIANOMBONANA (fiancés de Madagascar):

SERGE – Sainteté, nous sommes Fara et Serge, et venons de Madagascar.

On s’est connus à Florence où nous faisions nos études, moi d’ingénieur et elle d’économie. Nous sommes fiancés depuis quatre ans et rêvons, dès que nous aurons obtenu nos diplômes, de repartir dans notre pays pour aider nos gens, en mettant aussi nos professions à leur service.

FARA – Les modèles familiaux qui prévalent en Occident ne nous convainquent pas, mais nous sommes conscients aussi que de nombreux traditionalismes de notre Afrique sont, en quelque sorte, à dépasser. Nous sentons que nous sommes faits l’un pour l’autre ; c’est pourquoi nous voulons nous marier et bâtir un avenir ensemble. Nous voulons aussi que chaque aspect de notre vie soit porté par des valeurs de l’Evangile.

Mais à propos de mariage, Sainteté, il y a un mot qui, plus que n’importe quel autre, nous attire mais en même temps nous fait peur: le «pour toujours »…

Benoît XVI – Chers amis, merci pour ce témoignage. Ma prière vous accompagne dans ce processus de fiançailles et j’espère que vous saurez créer, avec les valeurs de l’Evangile, une famille «pour toujours».  Vous avez fait allusion aux divers types de mariage : nous connaissons le «mariage coutumier » de l’Afrique et le mariage occidental. A dire la vérité, en Europe aussi, jusqu’au XIXème siècle, il y avait un autre modèle de mariage dominant, comme maintenant : en fait le mariage était souvent un contrat entre clans, pour préserver le clan, dans l’espoir qu’ils seraient assortis. C’était en partie comme cela aussi dans nos pays. Je me souviens que dans la petite ville où j’allais à l’école, c’était encore largement ainsi. Mais depuis le XIXème siècle, l’individu s’est émancipé, la personne est devenue libre et le mariage ne repose plus sur la volonté des autres, mais sur son propre choix; on tombe amoureux puis on se fiance pour enfin se marier. Aujourd’hui tous sont convaincus que cela est l’unique modèle juste et que l’amour en soi garantit le « toujours », car l’amour est absolu, veut tout et donc aussi la totalité du temps: il est «pour toujours ». Hélas, il n’en est pas ainsi : on voit que tomber amoureux est beau, mais peut-être pas pour toujours, tout comme  le sentiment; il ne dure pas éternellement. On voit donc que le passage entre le moment où «l’on tombe amoureux», et ceux où l’on se fiance et l’on se marie exige plusieurs décisions, des expériences intérieures. Comme je disais, ce sentiment de l’amour est beau, mais il doit être purifié, il doit suivre un processus de discernement, c’est-à-dire que la raison et la volonté doivent entrer en ligne de jeu ; que la raison, le sentiment, la volonté doivent s’unir. Dans le rite du mariage, l’Église ne dit pas: «Es-tu amoureux ? », mais « veux-tu », «es-tu décidé ». Autrement dit : le fait « d’être amoureux » doit se transformer en « aimer vraiment », entrainant ainsi la volonté et la raison dans un cheminement, qui est celui des fiançailles, de la purification, d’une plus grande profondeur, de manière à ce que l’homme tout entier, concrètement, avec toutes ses capacités, avec le discernement de la raison, la force de sa volonté, dise: « Oui, c’est ma vie ».

Je pense souvent aux noces de Cana. Le premier vin est très beau : c’est quand on tombe amoureux. Mais il ne dure pas jusqu’à la fin: il faut un deuxième vin, que le premier vin fermente, évolue et mûrisse. Un amour définitif qui devienne un vrai « second vin », plus beau, meilleur que le premier. C’est celui-là que nous devons rechercher. Et là, il est important aussi que le « moi » ne soit pas isolé, le « moi » et le « toi », mais qu’il y ait une implication aussi de la communauté, de la paroisse, de l’Église, des amis. Tout ceci est important –  la juste personnalisation, la communion de vie avec les autres, avec les familles qui se soutiennent mutuellement – car ce n’est qu’avec l’aide et le soutien de la communauté d’amis, de l’Eglise, de la foi, de Dieu lui-même, que ce vin qui durera à l’infini peut se développer. Meilleurs vœux à vous !

3. FAMILLE PALEOLOGOS (famille grecque)

NIKOS – Bonjour (Kalispera)!  Nous sommes la famille Paleologos. Nous venons d’Athènes. Je m’appelle Nikos et voici mon épouse Pania. Et nos deux enfants, Pavlos et Lydia.

Il y a quelques années avec d’autres associés, nous avons investi tout ce que nous avions et avons ouvert une petite société d’informatique. Puis la crise actuelle, très dure,  est arrivée. Les clients ont alors diminué drastiquement et ceux qui sont restés espacent de plus en plus leurs paiements. Nous payons les salaires de nos deux employés avec beaucoup de mal et pour nous, les associés, il reste très peu de choses. Notre situation est celle de millions d’autres personnes. En ville, les gens marchent la tête basse ; personne n’a plus confiance en personne, on a perdu espoir.

PANIA – Nous aussi, bien que nous continuions à croire en la providence, nous avons du mal à imaginer un meilleur avenir pour nos enfants.

Il y a des jours et des nuits, Saint-Père, où il nous arrive de nous demander comment faire pour ne pas perdre espoir. Que peut dire l’Eglise à toutes ces personnes, ces familles, sans perspectives ?

Benoît XVI – Chers amis, merci pour ce témoignage qui a touché mon cœur et celui de nous tous. Que pouvons-nous répondre ? Les paroles ne suffisent pas. Nous devrions faire quelque chose de concret et tous nous souffrons du fait que nous sommes incapables de faire quelque chose de concret. Parlons d’abord de la politique : Je pense que le sens des responsabilités devrait grandir dans tous les partis, que ces derniers ne promettent pas des choses qu’ils ne peuvent réaliser, qu’ils ne cherchent pas que des votes pour eux, mais soient responsables pour le bien de tous et qu’ils comprennent que la politique est toujours une responsabilité humaine, morale devant Dieu et devant les hommes. Puis, naturellement, les individus souffrent et doivent accepter, souvent sans possibilité de se défendre, la situation comme elle est. Toutefois, nous pouvons dire ici aussi : faisons en sorte que chacun fasse son possible, pense à soi, à sa famille, aux autres, avec un grand sens des responsabilités, sachant que les sacrifices sont nécessaires pour avancer. Troisième point : que pouvons-nous faire ? C’est ma question en ce moment. Je pense que des jumelages entre villes, entre paroisses, pourraient aider. Nous avons aujourd’hui en Europe, un réseau de jumelages, mais ce sont des échanges culturels, certes, très bons et très utiles, mais il faudrait des jumelages d’une autre sorte : qu’une famille d’Occident, d’Italie, d’Allemagne, de France … assume la responsabilité d’aider une autre famille. Et ainsi que les paroisses, les villes, assument réellement des responsabilités, aident de manière concrète. Et soyez certains: tant de personnes et moi-même prions pour vous, et prier n’est pas seulement dire des paroles, la prière ouvre le cœur à Dieu, aide à être créatifs et à trouver des solutions. Espérons que le Seigneur nous aide, que le Seigneur vous aide toujours! Merci.

4. FAMILLE RERRIE (famille des Etats-Unis)

JAY – Nous vivons près de New York.

Je m’appelle Jay, je suis d’origine jamaïcaine et suis expert comptable.

Voici mon épouse Anna qui est une enseignante auxiliaire, et mes six enfants qui ont entre 2 et 12 ans. Vous pouvez imaginer, sainteté, que notre vie est faite de courses contre la montre, d’essoufflements, d’un emploi du temps très difficile …

Chez nous aussi, aux Etats-Unis, une des priorités absolues est de conserver son emploi, si bien qu’il n’y a plus d’horaires qui tiennent, et les relations familiales en paient souvent les frais.

ANNA – Certes cela n’est pas toujours facile… L’impression, Sainteté, c’est que les institutions et les entreprises ne facilitent pas la conciliation entre le temps de travail et celui que l’on passe en famille. 

Sainteté, nous imaginons que pour vous aussi il n’est pas facile de concilier l’infinité d’engagements que vous avez et les temps de repos.

Avez-vous quelque conseil pour nous aider à retrouver cette harmonie nécessaire? Dans le tourbillon de tous ces stimulants que nous impose la société contemporaine, comment aider les familles à vivre la fête selon le cœur de Dieu ?

Benoît XVI – Grande question, et je pense qu’il y a dilemme entre deux priorités : la priorité de l’emploi qui est fondamentale et la priorité de la famille. Et comment réconcilier ces deux priorités. Je ne peux qu’essayer de donner quelques conseils. Premier point : il y a des entreprises qui permettent quelques extra pour les familles – le jour d’un anniversaire, etc – et voient qu’accorder un peu de liberté fait aussi du bien à l’entreprise, car cela renforce l’amour pour le travail, pour son emploi. Je voudrais donc, ici, inviter les employeurs à penser à la famille, à penser aussi à favoriser cette conciliation entre les deux priorités. Second point: il me semble que l’on doive naturellement rechercher une certaine créativité, ce qui n’est pas toujours facile. Mais au moins, apporter chaque jour quelque élément de joie dans la famille, d’attention, quelque renoncement à sa propre volonté pour être avec sa famille, et d’accepter de surmonter les nuits, les ténèbres, dont on a parlé auparavant, et de penser à ce grand bien qu’est la famille et ainsi, dans ce grand empressement de donner quelque chose de bon chaque jour, trouver une réconciliation des deux priorités. Et puis il y a le dimanche, la fête: j’espère que ce jour, le dimanche, est observé en Amérique. Le dimanche est un jour très important, c’est le jour du Seigneur et donc « jour de l’homme », car nous sommes libres. Ceci était, dans le récit de la création, l’intention originelle du Créateur: que nous soyons tous libres une journée. Dans cette liberté de l’un pour l’autre, pour soi-même, il y a celle pour Dieu. Je pense donc que nous défendons la liberté de l’homme, en protégeant le dimanche et les jours de fête comme jours de Dieu et jours pour l’homme. Tous mes vœux à tous! Merci.

5. FAMILLE ARAUJO (famille brésilienne de Porto Alegre)

MARIA MARTA – Sainteté, comme dans le reste du monde, au Brésil aussi les échecs matrimoniaux ne cessent d’augmenter.

Je m’appelle Maria Marta, lui Manoël Angelo. Nous sommes mariés depuis 34 ans et sommes déjà grands-parents. En notre qualité de médecin et psychothérapeute familial nous rencontrons tant de familles, et observons chez les couples qui se disputent une plus grande difficulté à pardonner et à accepter le pardon, mais dans plusieurs cas nous avons perçu le désir et la volonté de bâtir une nouvelle union, quelque chose de durable, voire pour les enfants qui naissent de cette nouvelle union.

MANOEL ANGELO – Certains de ces couples de remariés voudraient se rapprocher de l’Eglise, mais quand ils se voient refuser les sacrements, leur déception est grande. Ils se sentent exclus, marqués au fer par une sentence sans appel.

Ces grandes souffrances sont une blessure profonde pour les personnes concernées ; des blessures qui sont aussi celles d’une partie du monde, qui sont aussi les nôtres, celles de l’humanité entière.

Saint-Père, nous savons que l’Eglise a beaucoup à cœur ces situations et ces personnes : quelles paroles et quels gestes d’espérance pouvons-nous leur donner?

Benoît XVI : Chers amis, merci pour votre travail de psychothérapeutes familiaux, absolument nécessaire. Merci pour tout ce que vous faites pour aider ces personnes en souffrance. En réalité, ce problème des divorcés remariés est une des grandes souffrances de l’É
glise aujourd’hui. Et nous n’avons pas de recettes simples. La souffrance est grande et nous ne pouvons qu’aider les paroisses, les individus à aider ces personnes à supporter la souffrance de ce divorce. Je dirais que la prévention est naturellement très importante, c’est-à-dire qu’il faut que le couple, dès qu’il tombe amoureux, sonde ses sentiments pour que leur décision soit profonde, mûre; par ailleurs, il faut un accompagnement durant le mariage, afin que les familles ne soient jamais seules, mais accompagnées, concrètement, dans leur marche. Et puis, à propos de ces personnes, nous devons dire – comme vous avez dit – que l’Eglise les aime, mais ces personnes doivent voir et sentir cet amour. Une grande tâche qui revient à la paroisse, à la communauté catholique, laquelle doit faire réellement son possible pour que ces personnes se sentent aimées, acceptées, qu’elles ne sont pas « exclues », même si elles ne peuvent recevoir l’absolution et l’Eucharistie: ces personnes doivent voir que comme ça aussi elles vivent pleinement dans l’Eglise. Bien que l’absolution dans la Confession ne soit pas possible, le contact permanent avec un prêtre, avec un guide de l’âme, est très important pour qu’elles puissent se sentir accompagnées, guidées. Mais il est aussi très important qu’elles sentent que l’Eucharistie est vraie et partagée si elles entrent réellement en communion avec le Corps du Christ. Même sans réception « physique » du sacrement, nous pouvons être unis au Christ dans son Corps. Et faire comprendre cela est important. Que ces personnes trouvent réellement la possibilité de vivre une vie de foi, avec la Parole de Dieu, avec la communion de l’Eglise et puissent voir que leur souffrance est un don pour l’Eglise, qu’elles peuvent servir à tous pour défendre aussi la stabilité de l’amour, du mariage; et que cette souffrance n’est pas seulement un tourment physique et psychique, mais aussi une souffrance au sein de la communauté ecclésiale pour les grandes valeurs de notre foi. Je pense que si elle est intérieurement acceptée, leur souffrance est un don pour l’Eglise. Elles doivent savoir que de cette manière là elles servent l’Eglise, elles sont dans le cœur de l’Eglise. Merci pour vos engagements.

Salutation du pape aux populations frappées par le séisme en Emilie-Romagne:

Chers amis, vous savez que nous sentons profondément votre douleur, votre souffrance ; mais surtout, je prie chaque jour que ce tremblement de terre finisse vraiment. Nous voulons tous collaborer pour vous aider – la Caritas, toutes les organisations de l’Eglise, l’Etat, les différentes communautés – chacun de nous veut vous aider, tant spirituellement, par la prière, par la proximité du cœur, que matériellement et je prie pour vous avec insistance. Que Dieu vous aide, qu’Il nous aide tous! Tous mes vœux, que le Seigneur vous bénisse!

© Libreria Editrice Vaticana

Traduction de Zenit [Océane Le Gall]

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ZENIT Staff

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