Béatification de Mère Marie-Alphonsine : Homélie de S.B. Fouad Twal

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Dimanche 22 novembre, à Nazareth

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ROME, Lundi 23 novembre 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie prononcée par Sa Béatitude Fouad Twal, patriarche de Jérusalem des Latins, pour la béatification de Mère Marie-Alphonsine, dimanche 22 novembre à Nazareth.

Excellence Mgr Angelo Amato, Préfet de la Congrégation pour la cause des Saints et Délégué du Saint-Père,
Chers frères Evêques et Prêtres,
Chère Mère Iness Al-Yacoub, Supérieure de la Congrégation du Rosaire, et chères sœurs du Rosaire, 
Chers frères et sœurs religieux et religieuses,
Fils bien-aimés dans le Christ, citoyens de Nazareth,
Chers invités d’ici ou d’ailleurs,

Je vous salue dans le Christ Jésus et sa Mère, la Vierge bénie de Nazareth, toute emplie des échos de l’histoire et du parfum de la Révélation qui eut lieu dans cet endroit même, lieu de l’Incarnation du Christ. Avec vous et en votre nom à tous, nous faisons monter vers le Seigneur notre action de grâce pour cet événement unique dans l’histoire de l’Eglise de Jérusalem, mère de toutes les Eglises. Cet événement est la béatification de Mère Marie-Alphonsine, fille de notre terre, fondatrice de la Congrégation du Rosaire chère au cœur de la Vierge et à nos cœurs. Cette fondatrice, qui a été l’amante de la vierge et la confidente du Ciel, nous la voyons aujourd’hui élevée au rang des Bienheureux. Nous espérons que cette journée marquera un tournant dans l’histoire de notre pays et que cette Terre Sainte demeurera, comme au début de l’Eglise, une pépinière de saints et d’intercesseurs.

Nous remercions Son Excellence Mgr Angelo Amato pour sa présence parmi nous en tant que Délégué du Saint-Père, et pour la lecture qu’il vient de faire du décret de béatification, en cette église de l’Annonciation qui commémore un si grand événement de l’histoire de l’humanité. Ce décret de béatification est à sa manière un évangile, une bonne nouvelle pour nous tous. Nous remercions Sa Sainteté le pape qui, en béatifiant Mère Marie-Alphonsine, revivifie nos esprits, réjouit nos cœurs, insuffle un esprit nouveau, renouvelle notre Eglise et  nous invite à l’heureuse espérance que nous pouvons, nous aussi, être saints comme elle.

Une Eglise qui ne suscite pas de saints et de saintes parmi son clergé, ses laïcs et ses religieux est une mère stérile. En effet, ce qui importe le plus n’est pas de construire des grands bâtiments et d’échafauder de grands projets. Ce dont l’Eglise à le plus besoin, c’est du témoignage des saints. La sainteté est un signe de crédibilité de l’Eglise, elle constitue ses lettres de créance. L’interprétation la plus vraie de l’Evangile du Christ, ce sont les saints. L’Evangile se donne à comprendre de différentes manières, par différentes approches ; mais l’illustration la plus évidente, la plus simple, la plus limpide et la plus importante de l’Evangile nous est offerte par la vie des saints.
Mère Marie-Alphonsine est une illustration profonde, une illustration arabe et hiérosolymitaine, une illustration splendide de l’Evangile du Christ.

Mère Sultaneh Ghattas est née au sein d’une famille pieuse et laborieuse de Jérusalem, une famille où l’on travaillait et priait ensemble. Dès sa prime jeunesse, Sultaneh a senti que Dieu l’appelait à se dépasser et à embrasser la vie religieuses. A peine a-t-elle eu le désir ce cette vocation qu’elle s’en est ouverte à ses parents ; mais ceux-ci ont refusé. La jeune fille a beaucoup souffert, surtout de son père qui avait opposé un veto absolu à son entrée dans la vie religieuse. En effet, ce dernier ne voulait pas que sa fille bien-aimée l’abandonne et parte étudier en Occident – l’unique façon à ce moment-là de devenir religieuse.

Mais par son amour, sa foi et sa patience, Sultaneh finit par obtenir l’approbation de son père et entra dans la congrégation des Sœurs de Saint Joseph de l’Apparition. Après ses premiers vœux, sa supérieure lui confia la mission d’enseigner le catéchisme à l’école des sœurs à Bethléem. Sœur Marie-Alphonsine était une catéchiste hors pair, une éducatrice humble et un apôtre infatigable. Au cours de cette période, elle fonda à Bethléem la Confraternité de l’Immaculée Conception et l’Association des mères chrétiennes.

Le Seigneur est admirable en ses saints. Ils obtiennent grâce à ses yeux à la mesure de leur attente et de leur amour. Pendant qu’elle était sœur de Saint Joseph, Marie-Alphonsine fut gratifiée de visions répétées de Notre-Dame, lui demandant de fonder pour les filles de son pays une congrégation qui prendrait le nom de « sœurs du Rosaire ». Elle lui indiqua même son directeur spirituel, le Père Joseph Tannous, alors Chancelier du Patriarcat latin, pour l’aider à réaliser ce projet si crucial pour l’Eglise de Jérusalem. Sœur Marie-Alphonsine annonça au bon Père tout ce qu’elle avait vu et entendu de la Vierge. En 1880, le Père Joseph Tannous posa les premières pierres de la fondation, immédiatement accompagnée d’un grand succès. Comment pouvait-il ne pas réussir quand derrière ce projet se trouvait la Sainte Vierge, dont les merveilles remplissent l’univers? Tout ce que veut la Sainte Vierge veut, Dieu le veut. Trois années après la fondation, Mère Marie-Alphonsine obtint de Rome la permission de rejoindre la nouvelle congrégation.

Depuis la rencontre spirituelle entre le Père Joseph Tannous et Mère Marie-Alphonsine, la Congrégation du Rosaire est organiquement liée au Patriarcat latin. Ce lien demeurera. Il constitue une des qualités fondamentales de la Congrégation du Rosaire qui a été, est et sera toujours le bras droit du Patriarcat latin dans ses écoles, paroisses et institutions. Ensemble, génération après génération, les prêtres du Patriarcat et les sœurs du Rosaire témoignent de l’Evangile dans le diocèse et dans d’autres pays arabes.

Mère Marie-Alphonsine a pratiqué l’héroïcité des vertus. Ces vertus, elle les a d’abord héritées de ses parents. En effet, c’est d’abord la famille qui sème les vertus humaines et chrétiennes dans le cœur des enfants. Les membres de la famille Ghattas se réunissaient chaque soir autour de la statue de la Vierge et priaient le rosaire. Après quoi, ils écoutaient une méditation de leur père sur la vie du Christ ou de la Vierge. A cette source limpide, Marie-Alphonsine s’est abreuvée. Elle en a retiré une piété profonde, une grande foi dans la Providence et une confiance entière et filiale dans la Vierge. Mais elle s’est surtout distinguée par deux vertus spéciales : l’amour du silence et de la vie cachée d’une part, l’amour de la croix et du sacrifice d’autre part.

L’amour du silence et de la vie cachée. Le silence est le contraire de la parole. La vie cachée offre le terreau favorable à la germination et à la croissance des vertus. Le Seigneur n’a-t-il pas dit dans l’Evangile : « Que ton aumône se fasse dans le secret », et « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite »? En effet, malgré toutes les grâces reçues, malgré toutes les visions dont elle a été gratifiée, malgré toutes les instructions qu’elle a reçues de la Vierge pour la fondation de la congrégation, la Bienheureuse est restée silencieuse. Elle n’a informé personne, ni les sœurs de Saint Joseph, ni plus tard les sœurs du Rosaire; seuls son directeur spirituel et le Patriarche, sur la recommandation de la Vierge, ont été avertis. Personne d’autre n’a entendu parler de ses colloques avec la Mère de Dieu. Elle a gardé son secret au profond de son cœur. Sa vie est une parfaite illustration du fameux proverbe : « La parole est d’argent, mais le silence est d’or. » Chez Marie-Alphonsine, le silence était l’expression de sa sainteté profonde et de son étonnante humilité.

L’amour de la croix et du sacrifice. Une vie consacrée sans croix ni souffrance est une utopie. Mère Marie-Alphonsine a non seulement accepté mais aimé la cro
ix et la souffrance. Elle a écrit dans son journal : « J’étais assoiffée de supporter les épreuves. Je trouvais délicieux tout ce qui était amer et pénible. La solitude était le paradis de mon cœur et l’obéissance était le ciel de mon esprit. Je trouvais les ordres des Supérieures faciles à suivre. » Elle se mit à pratiquer l’ascèse et le renoncement. Elle passait de longues heures au Calvaire, apprenant de son Maître comment aimer le sacrifice et participer à sa passion. « J’étais convaincue que la souffrance et même la mort par amour pour le bon Dieu étaient la meilleur preuve de l’amour. Jésus a dit : – Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Pendant la période du noviciat dans la Congrégation du Rosaire, Mère Marie-Alphonsine a bu le calice de la souffrance dans le silence et la vie cachée ; elle a vraiment été la victime du Rosaire. Pour réussir en effet, tous les projets divins ont besoin de la croix et du sacrifice.

Elle ouvrit une fois son coeur à son directeur, lui exprimant combien elle avait souffert de personnes en qui elle aurait dû trouver un appui. Heureusement que le Seigneur lui-même l’appuyait et la soutenait. « Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? »

Le Christ nous a invité à prendre notre croix quotidienne et le poids de nos soucis et à marcher derrière Lui. Si nous faisons ainsi, cette croix perd de sa lourdeur. Un certain nombre parmi nous portent leur croix mais ne suivent pas le Christ. Ou bien ils portent leur croix mais se plaignent. Mère Marie-Alphonsine, elle, a porté sa croix avec amour ; elle a porté sa croix en silence, sans murmurer, sans se plaindre. Son silence était plus grand que sa souffrance, sa patience plus grande que sa croix, et sa dignité, ineffable. Avec ses souffrances portées en silence, Mère Marie-Alphonsine est devenue un exemple pour toutes les sœurs du Rosaire. Elle est comme un arbre devenu très haut, aux branches touffues et aux fruits splendides. Sous son ombre, toutes les sœurs du Rosaire, tout le diocèse doivent chercher refuge.

O Bienheureuse et bénie, amante de la Vierge et confidente du Ciel!

Toi qui as reçu la révélation du monde invisible et as dit oui sans hésiter, toi qui as fondé la Congrégation du Rosaire en vue du don et du sacrifice, toi qui a offert une image splendide et rayonnante de la Vierge chaste, pure, aimante, tendre, silencieuse, offerte et patiente!

Nous t’en prions, jette un regard sur le clergé, le peuple, les religieux et les religieuses de ce diocèse! Bénis celles qui t’ont suivi dans le chemin du Rosaire et toutes celles qui se sont données avec amour, esprit d’offrande et générosité!

Fais que la Congrégation du Rosaire soit un phare qui indique le chemin du bien et de la sainteté!

Enseigne nous à aimer le silence et la vie cachée et à trouver nos délices dans le don de nous-mêmes!

Mets en nos cœurs un amour enthousiaste pour l’Evangile du Christ et le Christ de l’Evangile.

Rappelle-toi de nous auprès du Christ maintenant et pour toujours.

Amen.

+ Fouad Twal, Patriarche

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ZENIT Staff

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