« Au Pakistan l’extrémisme nuit aux chrétiens et aux musulmans »

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Affirmations de Mgr Joseph Coutts, évêque de Faisalabad

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ROME, dimanche 24 juin 2007 (ZENIT.org) – « Au Pakistan l’extrémisme nuit aux chrétiens et aux musulmans modérés », affirme Mgr Joseph Coutts, évêque de Faisalabad, la deuxième ville du Punjab après Lahore, la capitale de la région.

Dans une entrevue accordée au quotidien italien « L’Occidentale », Mgr Coutts, qui est aussi le président de Caritas Pakistan, explique que « la constitution pakistanaise garantit les droits religieux de tout citoyen », et que « le Pakistan est une république islamique uniquement dans sa dénomination officielle ».

« Les lois sont en effet vieilles de plusieurs siècles, même si celles qui ont été introduites en faveur de l’islam, sous le régime militaire de Zia-ul-Haq, dans les années 70 et 80, sont toujours en vigueur », a-t-il ajouté.

« Juridiquement, l’Eglise catholique, au même titre que les autres confessions, peut officier librement dans les lieux de culte, a-t-il affirmé. Il est interdit de faire œuvre d’évangélisation directe ou de prêcher l’Evangile, auprès des musulmans, mais il n’existe aucune restriction quant aux œuvres éducatives, sociales et caritatives que l’Eglise dispense à tous ».

« Ainsi, les dangers que courent les chrétiens ne viennent pas de l’Etat mais de l’extrémisme musulman. Après le 11 septembre, l’intolérance à notre égard n’a fait que croître, a-t-il expliqué. Mais jusqu’ici, aucune église n’avait subi d’attaques de la part de groupes fondamentalistes ».

L’évêque, qui a reconnu avoir été plusieurs fois menacé de mort, raconte qu’il y a quelques semaines, « un groupe islamique fondamentaliste, dans la province au nord ouest du pays, à la frontière avec l’Afghanistan, a intimé aux chrétiens sur place de se convertir à l’islam ».

Les communautés chrétiennes sont exposées à des discriminations qui menacent leur vie, malgré le rôle de premier plan que l’Eglise assume dans la société, grâce à ses activités dans le domaine de l’instruction (le taux d’analphabétisme dans le pays est voisin de 60%).

Le Pakistan compte 165 millions d’habitants, dont 97% sont musulmans (la plupart sunnite contre 20% de chiites), tandis que les chrétiens représentent une toute petite minorité, soit 2,5% de la population totale (les catholiques sont 1,2 million).

La situation du Pakistan est décrite dans le récent rapport de la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde (USCIRF – U.S. Commission on International Religious Freedom), publiée le 2 mai dernier et désignant des pays où les autorités civiles seraient impliquées dans des actes de violation systématique concernant la liberté religieuse. Dans ce rapport, le Pakistan figure parmi les « pays suscitant une préoccupation particulière » (CPC – countries of particular concern).

Mgr Coutts affirme que la police fait cependant tout son possible pour protéger les fidèles chrétiens : « Chaque église est gardée par un homme en uniforme et la sécurité augmente quand sont prévues de grandes célébrations, à l’occasion par exemple des festivités ».

« La radicalisation de l’islam est apparue au moment de l’arrivée au pouvoir du général Zia-ul-Haq au milieu des années 70, a-t-il poursuivi. Zia-ul-Haq, soutenu financièrement par l’Arabie Saoudite, favorisa, dans les médersas, l’enseignement d’un islam fondamentaliste, fanatique et violent, semblable à celui des wahhabites, pour avoir un soutien idéologique à ses plans expansionnistes dans la région ».

« Ce sont les médersas pakistanaises qui ont formé les moudjahidines à combattre, déclenchant une guerre sainte en Afghanistan durant la période soviétique, avec le soutien des Etats-Unis, a-t-il poursuivi. C’est donc à cause du président Zia-ul-Haq que l’enseignement et l’éducation au Pakistan sont tombés entre les mains des extrémistes ».

L’évêque pakistanais a par ailleurs expliqué que c’est « sur incitation du clergé islamique le plus radical que le général Zia-ul-Haq, en 1976, modifia l’article 295 du code pénal pakistanais, hérité des anglais, qui avait pour objet de prévenir et de circonscrire toute violence religieuse, en sanctionnant toute offense religieuse à l’encontre de tout groupe religieux ».

« Zia-ul-Haq avait ajouté à cet article deux alinéas qui sont toujours en vigueur : l’alinéa B, en vertu duquel le fait de salir le coran est considéré comme un délit pénal, et l’alinéa C qui prévoit la peine capitale pour toute personne reconnue coupable de diffamation directe ou indirecte contre le nom du Prophète Mahomet », a-t-il poursuivi.

En 2004, le parlement a approuvé des ordonnances visant à réduire la portée de cette « loi sur le blasphème », mais les effets de cette loi sont restés pratiquement les mêmes. Les abus se sont en effet poursuivis, les fondamentalistes musulmans créant des foyers de délation, de vengeances personnelles, d’actes de rétorsion contre les opposants politiques.

« Quiconque est accusé d’outrage à la personne de Mahomet a le droit de se défendre au tribunal, bénéficiant d’un procès en bonne et due forme. De ce point de vue-là, cette loi est « une garantie », a commenté Mgr Joseph Coutt.

Toutefois, « il n’est par rare que l’accusé n’ait pas le temps de prouver son innocence, victime de la main assassine d’un quelconque fanatique avant de se rendre à la cour ».

L’évêque a expliqué que le Président Pervez Musharraf n’avait pu abroger les deux alinéas de l’article 295 du code pénal pakistanais, en raison de « la forte pression des extrémistes » et parce qu’il « n’arrive pas à trouver un soutien suffisamment fort parmi les modérés ».

« Le président Musharraf s’efforce de promouvoir la dite ‘Enlighten Moderation’, autrement dit l’islam modéré, a-t-il ajouté. Mais son action manque de ressort, freinée par l’extrême résistance des groupes extrémistes qui s’opposent à la modernisation du pays et veulent introduire la sharia ».

Toujours à propos de l’application de la « loi sur le blasphème », Mgr Coutt a fait remarquer « que parmi les 23 personnes tuées en 1997, 18 sont des musulmans et les cinq autres ‘seulement’ des chrétiens ».

« Le fanatisme religieux constitue donc un problème aussi pour le gouvernement pakistanais et pour tous les musulmans modérés, pas seulement pour les minorités », a-t-il estimé.

« Les musulmans modérés sentent comme nous le poids du fondamentalisme », a-t-il affirmé.

Toutefois, a-t-il ajouté, il existe des lueurs d’espoir en matière de dialogue interreligieux : « Dans notre diocèse, par exemple, nous avons créé, avec les ulémas locaux, les pasteurs protestants et les représentants des autres religions, un Comité pour la Paix où il est possible de se réunir pour discuter de problèmes communs et pour célébrer nos cérémonies et festivités respectives ».

« Nos écoles sont, en outre, également ouvertes aux enfants musulmans. Pour eux nous employons des ulémas chargés de leur enseigner le Coran ; pour le reste, enfants chrétiens et musulmans vivent ensemble et suivent les mêmes disciplines, des mathématiques à la géographie, de l’anglais à l’ourdou, de l’histoire à la littérature », a-t-il conclu.

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ZENIT Staff

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