"Assise" dit "non" aux guerres de religion et à tout acte violent ou terroriste

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« Sur la route d´Assise », par le cardinal Arinze

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CITE DU VATICAN, Mardi 15 janvier 2002 (ZENIT.org) – La rencontre d´Assise, le 24 janvier 2002, dit « non » aux guerres de religion et à tous les actes violents ou terroristes spécialement lorsqu´ils sont perpétrés au nom de la religion », affirme le cardinal Arinze à la Une de L´Osservatore Romano. Le cardinal nigérian espère que « les croyants du monde trouvent les façons de s´unir spirituellement à cet événement ».

Sous le titre « Sur la route d´Assise », le cardinal Arinze présente dans L´Osservatore Romano en italien (éd. du 13 janvier), le sens de la réunion des religions pour la paix à Assise le jeudi 24 janvier. Nous en proposons une traduction, rapide, de travail. Le cardinal Francis Arinze, rappelons-le, est le président du conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, c´est-à-dire, précisément, la personne la plus directement au fait du dialogue et de la rencontre entre les religions au Vatican.

Le cardinal souligne d´abord « l´harmonie de la pluralité religieuse et culturelle » (1), puis que « la religion enseigne l´amour, non la violence » (2), il trace « la route de la paix » (3), affirme que « le christianisme est porteur d´un message universel » (4) avant de conclure sur le sens et la force de « l´humble prière » (5).

– Analyse du cardinal Arinze –

Le 24 janvier 2002 verra les représentants des religions du monde en marche vers Assise. Ils viennent à l´invitation du Saint-Père. Ils viennent prier. Ils sont conscients des tensions de la scène internationale. Des événements apportent le trouble. Des préoccupations. Les choses pourraient aller mieux. Mais elles pourraient aussi empirer. L´humanité a besoin de paix. Saint François d´Assise attire les personnes de nombreuses religions parce qu´il a été le frère de chacun, parce qu´il a aimé chacun, parce qu´il a eu un coeur ouvert à tous. Les représentants de différentes religions sont en pèlerinage vers Assise pour demander à Dieu dans la prière le don de la paix.

1. Harmonie de la pluralité religieuse et culturelle

La société humaine dans le monde devient de plus en plus pluraliste, du point de vue culturel et religieux. La relative facilité des moyens modernes de communication et de transport en a été un facteur. C´est la réalité de la croissante interdépendance des peuples dans le domaine économique, culturel, social et éducatif.

Cette pluralité est un fait. Les gens doivent apprendre à l´accepter. Ils doivent poursuivre les efforts positifs pour promouvoir une meilleure compréhension réciproque et une plus grande collaboration entre les peuples de différents horizons religieux et culturels. Les cultures et les religions peuvent se rencontrer. Mais il n´est pas nécessaire qu´elles s´affrontent. Un tel affrontement doit être évité. Par conséquent, l´humanité doit aller plus loin de façon à éviter l´affrontement et à promouvoir harmonie et collaboration.

De nombreux défis et de nombreux devoirs requièrent la collaboration de personnes de différents horizons. Comme, par exemple, une plus grande justice dans la société, la réduction du fossé entre riches et pauvres, la promotion de la paix, la prévention de la guerre, l´usage des biens de la terre, et les problèmes écologiques.

Le pape Jean-Paul II invite les représentants des différentes religions à Assise, convaincu de la nécessité d´une collaboration. Il l´avait déjà affirmé en 1991: « Je suis convaincu que les différentes religions, maintenant et à l´avenir, ont un rôle permanent dans le maintien de la paix, et dans la construction d´une société digne de l´homme (Centesimus Annus, 60). Dix ans après, il répète la même conviction lors de la clôture des célébrations du Grand Jubilé: « Dans un contexte de pluralisme culturel et religieux plus marqué, tel qu´il est prévisible dans la société du nouveau millénaire, un tel dialogue est important pour assurer aussi les conditions de la paix et éloigner le spectre épouvantable des guerres de religion qui ont ensanglanté tant de périodes de l´histoire humaine » (NMI, 55).

2. La religion enseigne l´amour, non la violence

Toute religion digne de ce nom enseigne l´amour du prochain. Il est vrai que la dimension première de la religion est verticale: attention à Dieu, le Créateur, qui doit être adoré, loué, et remercié. Mais la dimension horizontale de la religion vient tout de suite après: accepter et respecter les autres.

L´amour du prochain que professe le christianisme comme la Règle d´or de la conduite morale (Cf. Mt 7, 12: « Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le vous aussi à eux: c´est là la Loi et les Prophètes »), fait aussi partie du patrimoine doctrinal d´autres grandes religions dans le monde. Je cite ici les maximes de six d´entre elles:
-Hindhouisme: « Telle est la somme du devoir: ne pas faire aux autres ce qui te fait souffrir lorsqu´on te le fait » (Mahabharata, 5.15.17).
-Bouddhisme: « Ne pas blesser les autres de façon à ne pas te retrouver toi aussi blessé » (Udanavarga, 5, 18).
-Confucianisme: « Tel est le sommet de la bienveillance aimable (jin): Ne pas faire aux autres ce que tu ne voudrais pas qu´ils te fassent » Analects – (Rongo) 15, 23.
-Judaïsme: « ce qui t´es odieux, ne le fais pas à ton compagnon. C´est là la Loi tout entière, le reste est un commentaire » (Talmud, Shabbat 31a).
Islam: « Aucun de vous n´est un croyant tant qu´il n´aime pas son frère comme il s´aime lui-même » (Les 42 traditions de An-Nawawi).
Religion traditionnelle africaine: « Ce que tu donnes (ou fais) aux autres, cela te sera donné (ou fait) » (Proverbe rwandais).

Dieu est le Dieu de l´amour et non de la haine; le Dieu de la vie et non de la mort; le Dieu de la paix et non de la guerre. « Le nom du Dieu unique doit devenir toujours plus ce qu´il est, un nom de paix et un impératif de paix », dit Jean-Paul II (NMI, 55). Ceux qui suscitent conflits, haine, violence et terrorisme doivent savoir que dans la mesure même où ils le font, dans cette même mesure ils ne sont de bons membres d´aucune religion. La violence au nom de Dieu ou de la religion est une contradiction, comme le Saint-Père l´a également dit lors de la VIe Assemblée générale de la Conférence mondiale sur la religion et la paix, le 3 novembre 1994 (Enseignements de Jean-Paul II, XVII, 2 (1994) pp. 597-601). La rencontre d´Assise, le 24 janvier 2002, dit « non » aux guerres de religion et à tous les actes violents ou terroristes spécialement lorsqu´ils sont perpétrés au nom de la religion. En même temps, des personnes de nombreuses religions défendent implicitement le respect du droit humain fondamental à la liberté religieuse et (réclament) que cessent toutes les persécutions et les discriminations contre les personnes en raison de leur appartenance religieuse.

3. La route de la paix

La route d´Assise est aussi un chemin de paix. Il est meilleur pour l´humanité que les disciples des différentes religions soient convaincus que c´est nécessaire pour leur voyage ensemble sur cette route qui conduira à la paix.

Cette route est marquée par l´acceptation de la réalité de l´interdépendance entre les peuples. Lorsqu´elle accueillie et vécue généreusement, alors naît la vertu morale de la solidarité. Les personnes apprennent à s´accepter les unes les autres, non comme des ennemis ou des menaces, mais comme des compagnons de pèlerinage, dans le voyage de la vie.

La solidarité implique l´attention aux situations d´injustice, d´oppression ou de répression. Elle implique aussi un engagement réaliste pour le développement des peuples. « Le développement, a dit le pape Paul VI, est le nouveau nom de la paix » (Populorum Progressio, 76-80). Lorsque des personnes sont affamées, sans maison, ignorantes, sans assistance sanitaire, et sont privées de leurs droits politiques, alors nous
sommes encore loin du chemin de la paix.

4. Le christianisme est porteur d´un message universel

Le message d´amour et de sacrifice de soi que Jésus Christ, le Fils de Dieu fait homme, apporte au monde, a un sens pour tout peuple, toute langue, toute culture et toute religion. Le Christ a choisi de naître en Palestine, en Asie Mineure, ou en Asie occidentale, ou au Moyen Orient, comme certains diraient aujourd´hui en Occident. Il est venu pour « rassembler les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52).

Saint Paul, l´un des premiers missionnaires, a immédiatement apporté le christianisme en Europe (Cf. Actes 16, 9-10)). Si l´on suit le développement de l´histoire, le christianisme a assumé des éléments de la culture gréco-romaine. De nombreux missionnaires, jusqu´au siècle dernier, venaient d´Europe.

Mais l´équation est en train de changer. Le christianisme est parvenu en Amérique il y a cinq cents ans. A partir de l´Afrique du Nord, qui a été christianisée dès les premiers siècles, l´Afrique subsaharienne a fait de grands progrès dans la foi chrétienne au cours des 150 dernières années.

La congrégation pour l´Evangélisation des peuples, qui a envoyé des missionnaires en Asie (en Extrême Orient), leur a donné de claires instructions en 1659 pour le respect des cultures des nouveaux peuples qui devaient accueillir l´Evangile, indiquant de ne changer que ce qui était incompatible avec l´Evangile (Cf. instr. de 16659, Collectanea SCPF 1, n. 135, p. 42).

L´Eglise, spécialement à notre époque, souligne la nécessité et l´urgence de l´inculturation. A ce sujet, même si tous les missionnaires n´arrivent pas à la stature du P. Matteo Ricci (sj, missionnaire en Chine, ndlr), et si l´on reconnaît que certains missionnaires ont fait de véritables erreurs, il n´y a pourtant aucun doute sur l´enseignement de l´Eglise.

Il n´est pas correct par conséquent d´identifier le christianisme avec l´Occident ou d´attribuer au christianisme les éléments négatifs de la culture occidentale comme le libéralisme, la permissivité et la tendance « séculariste » à vivre comme si Dieu n´existait pas.

5. L´humble prière

Les personnes religieuses reconnaissent le besoin humain de Dieu. La prière jaillit du coeur humain vers Dieu, le Créateur, si la créature humaine accepte sa dépendance totale de Dieu.

Lorsque tout a été dit et fait pour la paix, celle-ci demeure un don de Dieu. Même si l´humanité a besoin de gouvernements, de l´Organisation des Nations unies, et des différentes associations nationales et internationales pour la paix, toute l´humanité reçoit le don de la paix surtout de Dieu comme le résultat d´une humble prière. Et lorsque la prière est accompagnée du jeûne et de la solidarité avec le pauvre, sa demande a plus de force devant Dieu.

La reconnaissance de cette dimension spirituelle dans la recherche de la paix aide à expliquer pourquoi l´invitation du Saint-Père aux représentants des religions mondiales de venir à Assise en 1986, pour prier et pour jeûner pour la paix, a été accueillie avec un grand enthousiasme. Notre prière et notre espérance est que l´invitation à Assise, le 24 janvier 2002, reçoive un accueil aussi chaleureux et que les croyants du monde trouvent les façons de s´unir spirituellement à cet événement.

Card. Arinze

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ZENIT Staff

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