Année Matteo Ricci : colloque à l’UNESCO, par Mgr Follo

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Un cas de « charité intellectuelle »

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ROME, Mardi 23 février 2010 (ZENIT.org) – Pour Mgr Francesco Follo, le cas du génial jésuite Matteo Ricci, qui est allé à la rencontre de la culture chinoise, il y a plus de quatre cents ans, est un cas de « charité intellectuelle ». Mgr Follo revient sur un récent colloque qui s’est tenu dans cet aréopage moderne des cultures qu’est l’UNESCO.

Zenit – Mgr Francesco Follo, vous êtes Observateur permanent du Saint-Siège à Paris, à l’UNESCO, où un colloque vient d’avoir lieu, le 16 février, sur le thème : « Aux carrefours de l’histoire : le jésuite Matteo Ricci (1552-1610) entre Rome et Pékin ». Pourquoi cette initiative, à l’UNESCO ?

Mgr Francesco Follo – En cette Année internationale du rapprochement des cultures et à l’occasion du quatrième centenaire de la mort du P. Matteo Ricci, SJ, c’était très important et utile non seulement de célébrer un grand savant qui a beaucoup fait pour rapprocher la Chine et l’Occident, mais aussi de montrer un exemple de bonne pratique du dialogue interculturel et interreligieux, lequel, quand il est bien fait, est toujours un dialogue du salut. L’évangélisation est alors promotion humaine, faite dans la charité : c’est ce que j’appellerais un cas de « charité intellectuelle ».

Zenit – Quels ont été les intervenants ?

Mgr Francesco Follo – Les intervenants ont été S.Em. le Card. Stanislas Rylko, Président du Conseil Pontifical des Laïcs, S.Ex. Claudio Giuliodori, Evêque de Macerata – lieu de naissance de Matteo Ricci -, le Prof. Philippe Ratthe, qui a parlé au nom de Mme Irina Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO, et M. Gjon Kolndrekaj, régisseur, qui a présenté son film intitulé: « Le P. Matteo Ricci, un jésuite au royaume du Dragon ». L’événement, organisé par le diocèse de Macerata, la Région des Marches, la Fondation Jean Paul II pour la jeunesse et le Comité de Célébration de Matteo Ricci, a été suivi par l’exposition « Le P. Matteo Ricci (Macerata 1552 – Pékin 1610). Au service du Seigneur du Ciel ». Quant à moi, j’ai eu la lourde tâche de tirer les conclusions.

Zenit – Ce lettré de la Renaissance italienne a été le premier Européen à assimiler la culture chinoise et le précurseur de l’échange des savoirs entre la Chine et l’Europe : quelle est l’actualité de Matteo Ricci aujourd’hui, 400 ans après sa mort ?

Mgr Francesco Follo – Premier entre tous, il interpréta avec intelligence et humilité la voie de l’inculturation. Il apprit et enseigna à reconnaître les potentialités intrinsèques de toute civilisation humaine, et à valoriser ainsi tout élément de bien qui s’y trouve ; sans rien en perdre, mais au contraire, en portant tout à son accomplissement. Cette attitude fut immédiatement appréciée des Chinois eux-mêmes, avec lesquels le missionnaire jésuite entra en profonde communion, au point de devenir, parmi un petit nombre d’ailleurs, une figure d’Occidental digne d’une vénération et d’un respect toujours très élevés.

Ricci ne théorisa pas sa méthode, mais ce qu’il fit constitua une pierre angulaire dans le processus d’inculturation de l’Evangile. Il apprit la langue chinoise, non seulement pour pouvoir la parler, mais principalement pour pouvoir écouter l’univers chinois. C’est là peut-être l’aspect le plus original et le plus innovant : il se mit à l’écoute d’une culture millénaire, en acquérant tous les instruments pour pouvoir le faire. Après être entré en Chine comme religieux occidental, il se rendit compte qu’il fallait passer du fait d’être respecté pour ce qu’il était, au fait de respecter et d’accueillir la culture et le peuple où il se trouvait. Il ne voulait pas seulement se faire écouter, mais se faire accueillir. Sa capacité d’adaptation, son attention à la culture et pour les personnes, en constituaient les ingrédients. Il se laissa instruire par la culture chinoise en y entrant en profondeur, comprenant que le confucianisme était la voie la plus féconde, le sol le plus propice, pour faire germer la semence de l’Evangile. Toutefois, il ne fut pas seulement préoccupé de prêcher, mais d’incarner l’Evangile, en entrant en relation avec le peuple chinois pour que, de cette relation amicale, puisse germer la semence de l’annonce.

Zenit – Pourquoi l’amitié est-elle une méthode de rencontre ?  

Mgr Francesco Follo – Dans l’idéogramme chinois qui indique le mot « amitié », il y a deux mains qui se rencontrent : un homme tend la main droite, l’autre la couvre avec la sienne. Nouer amitié, c’est conjuguer des capacités d’œuvrer dans le monde. On collabore ainsi à l’entreprise commune d’être serviteurs de la Création.

L’idéogramme « ami » est fait de deux signes qui indiquent ressemblance, similarité, et cela signifie que l’ami est moi, et que je suis lui, l’ami.

Dans l’ancienne écriture, l’idéogramme « ami » était composé de deux mains dont on ne peut se passer, et l’idéogramme « compagnon » était composé de deux ailes, car c’est seulement avec elles que l’oiseau peut voler.

Donc l’amitié est la vertu qui permet de bâtir une civilisation de l’amour, de l’entraide, de la rencontre. Les amis ne se contentent pas de se tolérer, ils s’entraident dans un dialogue de vie et de vérité, que l’amour aide à mieux saisir. Saint Augustin écrit que l’on n’entre pas dans la vérité si ce n’est par l’amour: « Non intratur in veritatem, nisi per caritatem ».

Zenit – Quelle a été la réponse du public ?

Mgr Francesco Follo – Les personnes présentes étaient plus de 800. Donc on a dû utiliser la grande « Salle I ». Mais, à part le fait de la quantité du public, je voudrais en souligner la qualité. En effet, on a vu beaucoup d’ambassadeurs, de fonctionnaires de l’UNESCO, d’intellectuels, mais aussi des personnes « simples », catholiques ou pas, qui étaient intéressées par le sujet au point qu’elles sont restées dans la salle pendant trois heures !

Zenit – Quel serait votre souhait pour que l’année Ricci porte du fruit dans l’Eglise mais aussi dans les rapports avec la Chine du XXIe siècle ?

Mgr Francesco Follo – Que le rapprochement en cours continue de plus en plus, par un dialogue serein et constructif, et que l’on arrive à une normalisation des rapports, comme le Pape Benoît XVI l’a souhaité dans sa lettre aux catholiques chinois.

Propos recueillis par Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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