A seize ans à peine, Henri de Lubac veut entrer dans la Compagnie de Jésus

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Entretien avec le P. Chantraine, sj, biographe et éditeur du card. de Lubac

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ROME, Mardi 27 novembre 2007 (ZENIT.org) – « Henri de Lubac avait seize ans ou même moins quand il se décida à entrer dans la Compagnie de Jésus. Son père, Maurice de Lubac, lui demanda d’attendre un an. Il entra à l’âge de 17 ans » : le P. Georges Chantraine, sj, vient de publier aux éditions du Cerf le premier tome de sa biographie du cardinal de Lubac : « Henri de Lubac. t. I. De la naissance à la démobilisation (1896-1919) ». Il en donne la primeur aux lecteurs de Zenit.

Jésuite, ordonné prêtre en 1963, docteur en Philosophie et Lettres (Louvain, 1968) et en Théologie (Institut catholique de Paris, 1978), le P. Georges Chantraine a été professeur de théologie dogmatique et d’histoire de l’Eglise à l’Institut d’Etudes Théologiques (IET), la Faculté jésuite de théologie de Bruxelles de 1968 à 1992. Recteur de la Faculté théologique de Lugano de 1992 à 1995, il est vice-président de l’Association Internationale Cardinal Henri de Lubac. Actuellement, le P. Chantraine rédige la biographie du cardinal Henri de Lubac et co-dirige les « Oeuvres complètes » de celui-ci aux éditions du Cerf.

Zenit – P. Chantraine, vous présentez à Lyon, demain, 28 novembre, le premier volume de votre biographie du cardinal Henri de Lubac. Vous nous indiquiez l’an dernier (cf. Zenit, 25 septembre 2006 ) que pour se familiariser avec la pensée du cardinal de Lubac, on pouvait lire « Paradoxes » et, pour avoir une idée de son oeuvre entière, « Catholicisme ». Qu’est-ce que la biographie apporte comme éclairage ?

P. G. Chantraine – Elle fait connaître la jeunesse de Henri de Lubac, ses dons premiers, sa famille, ses camarades et amis, son noviciat, son engagement militaire, sa vie au front, sa formation d’aspirant. En dehors de quelques dates et d’informations sommaires sur sa famille, cela n’était pas connu.

Zenit – Les premières années de formation ont-elle été décisives ou bien la « vocation » comme prêtre et comme intellectuel s’est-elle fait attendre ?

P. G. Chantraine – Henri de Lubac avait seize ans ou même moins quand il se décida à entrer dans la Compagnie de Jésus. Son père, Maurice de Lubac, lui demanda d’attendre un an. Il entra à l’âge de 17 ans au noviciat situé en Angleterre en raison de l’exil des jésuites, à St Leonard on Sea. Bien que le P. de Lubac reste muet sur sa vie avec Dieu, on peut savoir que c’est Dieu qui l’a choisi, plus qu’il n’a choisi Dieu. Henri de Lubac a perçu la relation immédiate du Créateur avec la créature. Relation très profonde, jamais remise en cause. C’est dans la Compagnie de Jésus qu’il est appelé à servir Dieu, à le louer et à l’adorer. Son père spirituel, le P. Eugène Hains, récita chaque jour le « Veni Creator » pour Henri de Lubac jusqu’à la fin de sa vie. C’est seulement devenu jésuite que ses dons premiers trouvèrent leur ampleur et leur profondeur: Henri de Lubac sera philosophe et théologien.

Zenit – Quels sont les événements décisifs ?P. G. Chantraine – Nous ne savons rien sur le travail intérieur de Dieu qui l’appela dans la Compagnie de Jésus. Nous savons que cet appel s’est fait entendre vers 1912 quand il n’avait pas plus de seize ans. Sa soeur aînée Louise était devenue carmélite en 1912.
On peut parler de trois ou quatre autres événements décisifs. D’abord la décision de son père de se rallier à la République quand le pape Léon XIII le demanda en 1892. Pour cette raison, son père cessa d’être légitimiste et il n’était pas, comme beaucoup de catholiques, maurrassien. Son fils le suivit. Il le suivit aussi dans son sens social. Maurice de Lubac était lié à Albert de Mun et à Hyacinthe de Gaillard-Bancel. Henri se forma aussi en lisant les articles des deux jésuites, les PP. Leroy et Desbuquois, qui venaient de lancer à Reims l’ « « Action populaire ». Le troisième événement est la lecture de « Christus »: il perçut dans ce livre la relation de Dieu et de l’homme dans les religions et dans le catholicisme. Le quatrième événement est l’article d’août 1914 de la revue des « Etudes », lu durant son noviciat: cet article le rendit définitivement allergique à l’intégrisme. C’est au noviciat aussi qu’il fut impressionné par une conférence sur les universitaires parisiens faite par le P. Auguste Valensin. Celui-ci le guida durant ses études de philosophie.

Zenit – Pourquoi distinguer une première étape comme achevée en 1919 ?

P. G. Chantraine –
Parce qu’il a presque achevé alors son noviciat. Commence la seconde étape (1919-1929) de sa formation: philosophie, « régence » dans un collège, celui de Mongré à Villefranche-sur-Saône, théologie et troisième année de noviciat.

Zenit – A quand la suite ?

P. G. Chantraine – Le second tome est prêt pour l’impression et sa parution est prévue pour mai 2008. Il concerne la seconde étape. J’ai commencé à rédiger le quatrième volume (1960-1991) que j’espère terminer en 2010. Le troisième volume (1929-1960) devrait être achevé en 2013, si Dieu me donne les forces physiques et mentales.

Zenit – Quelles autres publications ont vu ou verront le jour en 2007 ?

P. G. Chantraine – J’ai publié dans la « Nouvelle revue théologique » de 2007 une vue panoramique de la vie et l’oeuvre du P. de Lubac. Ont paru « La Prière du P. Teilhard de Chardin » et « Les Carnets du concile » (2 volumes), tous les deux aux Editions du Cerf.

Zenit – L’Eglise se prépare à célébrer le synode sur la Parole de Dieu, convoqué par Benoît XVI. L’héritage de l’œuvre lubacienne n’est-il pas décisif dans ce domaine ?

P. G. Chantraine – Ce n’est pas la seule oeuvre théologique qui est éclairée par la Parole de Dieu. Le P. de Lubac a montré l’importance décisive de la Parole de Dieu en commentant le préambule et le chapitre premier de la constitution dogmatique « Dei Verbum ». Pour lui, comme pour tous les vrais théologiens, la Parole de Dieu illumine de l’intérieur la parole du théologien.

Zenit – Que dire à un lecteur qui ne connaît pas du tout de Lubac pour lui donner le goût de boire à cette source, comme ont fait le concile et le pape Ratzinger, lui aussi présent au concile comme jeune théologien ?


P. G. Chantraine –
Il y a deux portes qui s’ouvrent au lecteur qui n’a jamais lu le P. de Lubac. La première: lire « Mémoire sur l’occasion de mes écrits » (dans les Oeuvres complètes). C’est un récit simple sur les ouvrages écrits par le P. de Lubac et les circonstances dans lesquelles ils furent écrits. La seconde: avoir comme livre de chevet les « Paradoxes » (également publiés dans les Oeuvres complètes): ce sont de brèves réflexions qui mettent en lumière une idée de manière paradoxale. C’est ce qu’il y a de plus personnel chez le P. de Lubac. Mais on peut faire aussi comme le jeune Joseph Ratzinger: lire « Catholicisme » (également publié dans les Oeuvres complètes), sur lequel la revue « Communio » tiendra un colloque le 16 février.

Propos recueillis par Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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