Petite sr Magdeleine @ jesuscaritas.info

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« Le témoignage eucharistique de sr Magdeleine de Jésus », par le p. Léthel ocd

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« Sa bonté, c’était avec tout le monde, et tout le monde l’aimait »

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Le témoignage eucharistique de soeur Magdeleine de Jésus,

Fondatrice de la Fraternité des Petites Soeurs de Jésus

 

François-Marie Léthel ocd

            La Servante de Dieu soeur Magdeleine de Jésus (1898-1989), fondatrice de la Fraternité des Petites Soeurs de Jésus, est en voie de béatification. On peut espérer qu’elle sera bientôt déclarée Vénérable avec la reconnaissance de l’héroïcité de ses vertus.

Elle est une importante figure de sainteté pour l’Eglise de notre temps.  Dans une fidélité créative, elle a recueilli de façon magnifique l’héritage spirituel du bienheureux Charles de Foucauld. Elle indique un important chemin pour la nouvelle évangélisation, sans prosélytisme, mais par attraction, en rayonnant la présence de Jésus et l’Amour de Jésus hors de toute frontière, et surtout là où il semble absent. Deux aspects de son témoignage méritent d’être soulignés, car ils sont de la plus grande actualité.

Le premier concerne la centralité de l’Eucharistie dans la vie de l’Eglise. Soeur Magdeleine s’inscrit dans le grand courant de la spiritualité eucharistique qui n’a cessé de se développer depuis le Moyen-âge, avec la communion quotidienne et l’adoration eucharistique. Sa manière de porter partout et toujours la Présence de Jésus Eucharistie a un caractère prophétique, surtout en ce moment où la pandémie du coronavirus a provoqué dans le Peuple de Dieu une profonde blessure eucharistique, avec le risque de décentrement et de relativisation du grand Sacrement de l’Amour de Jésus, dans le don de son Corps et de son Sang.

Le second aspect concerne la relation pacifique et amicale entre les peuples chrétiens et musulmans, après plus d’un millénaire de conflit. A la suite du Concile Vatican II, notre Pape François s’est engagé résolument sur ce chemin comme en témoigne sa récente Encyclique Fratelli tutti. Ici encore, soeur Magdeleine est un témoin lumineux de la vraie charité dans la vérité, sans aucune forme de relativisme. Elle a pu vivre une vraie amitié avec les musulmans en ne cessant de rayonner parmi eux la grande Réalité qui remplissait sa vie: la Présence de Jésus, la Vérité de Jésus, l’Amour de Jésus.

Dans ce bref article, nous citerons les témoignages recueillis pour sa béatification, depuis sa fondation en Algérie en 1939 jusqu’à sa mort à Rome en 1989.

            On peut citer d’abord un bref texte écrit par frère Roger Schutz, fondateur de la Communauté de Taizé, qui souligne l’importance de l’adoration eucharistique et la présence de la Vierge Marie:

« Béni soit le frère Charles, ce saint témoin du Christ. Bénies soient petite sœur Magdeleine et toutes les petites sœurs de Jésus, qui cherchent, luttent, contemplent, et se tiennent face à l’adorable présence du Christ dans l’Eucharistie. Ici je comprends plus que jamais que nous sommes de la même famille, la famille de ceux qui attendent un événement de Dieu pour l’humanité. La Vierge Marie était déjà de cette famille ».

Le Cardinal Bernard Panafieu qui a bien connu soeur Magdeleine lorsqu’il était archevêque d’Aix en Provence, nous donne une bonne synthèse de sa spiritualité dans la ligne du P. de Foucauld et de Thérèse de Lisieux:

« Ce qui était révolutionnaire à l’époque, c’était cette volonté qui était la sienne de voir la Fraternité partager le sort des plus pauvres. Et originellement, les plus pauvres dans son esprit, c’étaient les musulmans, dans l’optique du Frère Charles . Petit à petit, elle a découvert que les précarités et les pauvretés étaient la spiritualité de Nazareth, c’est le temps de la patience et de l’enfouissement. Ça s’enracinait vraiment dans une spiritualité qui était celle de Frère Charles, la spiritualité de Nazareth .

Et puis je crois qu’elle puisait cette force pour elle-même et pour ses communautés dans l’Eucharistie. Et c’est peut-être le deuxième aspect de la spiritualité de Frère Charles qu’elle a repris, c’est la spiritualité de l’adoration. Puisque toute fraternité qui était créée commençait par installer l’Eucharistie. C’était la première chose qu’on faisait. Importance de la place de l’Eucharistie et de l’adoration eucharistique. Il ne faut pas oublier qu’elle l’emportait dans sa voiture, « l’Étoile filante », dans tous ses voyages – elle a fait des milliers de kilomètres avec cette « bagnole ». Il y avait une petite boîte qu’aucune police, aucune douane, n’a jamais pu découvrir : c’était l’Eucharistie.

Ça c’est très impressionnant. Quand pte sr Magdeleine parlait de cette fameuse Étoile filante, c’était toujours pour parler de l’Eucharistie. Ça paraît un peu naïf dans l’expression, mais on amène l’Eucharistie dans un pays où le Seigneur n’est pas présent. Le Jésus auquel elle croyait c’était bien le Jésus mort et ressuscité, c’est évident. Mais celui qu’il fallait imiter, c’était le petit enfant. D’une certaine manière, elle retrouvait la voie d’enfance de Thérèse de l’Enfant-Jésus. C’était le petit de Nazareth, se faire petit comme l’Enfant-Jésus dans la pauvreté et dans l’anonymat de Nazareth ».

Pour soeur Magdeleine comme pour Thérèse de Lisieux, il y a un lien très profond entre l’Eucharistie et la communion à l’Enfance de Jésus. On peut citer à ce propos la dernière Lettre de Thérèse. A côté d’une image représentant l’Enfant-Jésus dans l’hostie consacrée dans le mains du prêtre, elle a écrit ces simples mots: « Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit, je l’aime, car il n’est qu’Amour et Miséricorde » (LT 266). L’Eucharistie est le sacrement de la petitesse de Dieu en Jésus.

Sur le développement de cette spiritualité, on peut citer le témoignage du P.  René Voillaume qui avait rencontré soeur Magdeleine en 1938 en Algérie et qui deviendra ensuite son directeur spirituel:

« La rencontre de pte sr Magdeleine avec la fraternité d’El-Abiodh, qui représentait une vie contemplative intégrale, contribua au cours des années qui suivirent notre première rencontre et sans que nous l’ayons positivement cherché, à instaurer une forme de vie joignant à l’exemple du frère Charles une vie contemplative centrée sur l’adoration eucharistique et l’imitation de la vie de Jésus à Nazareth, se traduisant par une vie de communauté très simple, centrée sur le travail et l’amitié avec les pauvres.   

C’est en pleine collaboration avec pte sr Magdeleine, que j’ai travaillé avec elle à l’élaboration d’une spiritualité qui trouve son enracinement dans l’Église par notre appartenance à l’école carmélitaine, représentée par sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et dont le frère Charles avait lui-même vécu en s’inspirant de la doctrine de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila. J’ai déjà noté le soin avec lequel pte sr Magdeleine avait rédigé ses Constitutions qui définissent les moyens de rester fidèles à cette vie contemplative dans une vie religieuse insérée dans le monde des pauvres ».

Chez soeur Magdeleine comme chez Thérèse de Lisieux, on remarque la même dynamique de l’expérience de l’Amour de Jésus dont « le propre est de s’abaisser » dans le Mystères de l’Incarnation, de la Rédemption et de l’Eucharistie. Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte-Face suit un itinéraire de suite de Jésus de la crèche à la croix vécu inséparablement dans l’Evangile et l’Eucharistie. Il en va de même pour soeur Magdeleine, même si les modalités de l’expérience sont différentes.

Dans ses lettres au P. Voillaume elle raconte sa profonde expérience mystique de l’Enfant Jésus donné par Marie qui « s’incorpore » en elle (comme dans la communion eucharistique), puis c’est l’expérience intense de la Passion de Jésus comme le plus grand Mystère d’Amour qui enveloppe toute l’humanité.

Très proche de soeur Magdeleine depuis les premières années, Soeur Jeanne de Jésus insiste sur la centralité de l’Eucharistie et de l’Evangile dans sa vie:

« Ce qui m’a toujours frappée chez pte sr Magdeleine, c’est sa référence constante à l’Évangile et combien elle voulait que nous en soyons pétries.  Pour pte sr Magdeleine, l’Eucharistie est vraiment au cœur de la vie des fraternités. Elle n’envisage pas de fonder une fraternité, si petite soit-elle, sans qu’il y ait la présence du Saint-Sacrement. C’est pour cela qu’elle aura à lutter avec persévérance pour obtenir l’autorisation de garder le Saint-Sacrement dans les caravanes et sous les tentes – et aussi dans “l’Etoile Filante” .

Dans son désir que les petites sœurs puissent adorer le Saint-Sacrement exposé elle fit beaucoup de démarches pour obtenir l’autorisation d’un tabernacle à dispositif automatique car à cette époque ni les femmes ni les laïcs n’avaient le droit de toucher au tabernacle et il n’y avait pas de prêtre disponible pour cela. Jusqu’à la fin de sa vie, elle nous a suppliées de fonder dans chaque région une fraternité d’adoration, tellement elle sentait l’importance pour la Fraternité d’un lieu de prière où le Saint-Sacrement serait adoré le plus longtemps possible.

Elle-même, le soir, quand cela lui était possible, elle n’avait que le désir d’aller à la chapelle prier auprès du Saint-Sacrement. Dans la Règle de Vie, pte sr Magdeleine nous dit de trouver à la lumière de la foi Jésus présent dans l’Évangile, dans l’Eucharistie, dans l’Église, et aussi en tout être humain créé à l’image de Dieu ».

Dans le même sens, soeur Carla de Jésus témoigne de la centralité de l’Eucharistie dans la vie de soeur Magdeleine; comme récapitulation de tous les Mystères de Jésus:

« Dans le prolongement de la crèche, elle voyait Nazareth, la Passion, la Croix, la Résurrection, tout le Mystère du Salut. Jésus-Eucharistie était pour petite soeur Magdeleine le symbole suprême de l’Amour de Dieu pour l’humanité. Elle a toujours voulu que dans toutes les Fraternités, même les plus petites, comme la roulotte parmi les gitans, la tente parmi les nomades, il y ait la Présence eucharistique, adorée par les petites soeurs au nom de tous ceux auxquels elles consacraient leur vie. »

Concernant ce grand Amour de soeur Magdeleine pour Jésus-Eucharistie, le témoignage de Soeur Marie-Catherine de Jésus est particulièrement significatif, au moment du premier voyage dans les pays communistes. Avant de partir, elle rencontre Mgr de Provenchères, archevêque d’Aix-en-Provence, qui est son supérieur ecclésiastique:

« Nous étions rue de la Pélisserie, dans l’immeuble classé monument historique, avec son escalier à vis fort peu commode et très fatigant. Nous habitions au 2ème étage. C’était un soir. Nous guettions l’arrivée de “l’Etoile filante” partie d’Aix-en-Provence. Avant son départ pour les Pays de l’Est, pte sr Magdeleine avait rencontré Mgr de Provenchères, elle pensait que cela pouvait être la dernière fois. Je descends rapidement à sa rencontre dans le fameux escalier tournant. Je vois encore son visage tandis qu’elle montait péniblement.

Elle arborait un sourire à la fois rayonnant et mystérieux. A la main, elle tenait ce qu’elle nommait “la maison mère”. C’était un grand foulard rouge qui venait du Japon, noué aux quatre coins, il contenait son inépuisable courrier. En le désignant, elle me dit à mi-voix : “Il est là ! Cherche vite un endroit discret où Le mettre !” J’ai compris. Mgr de Provenchères lui avait remis une réserve d’hosties consacrées, son viatique pour la route. Actuellement, cela semble très naturel. A cette époque-là, avec les frontières difficiles à franchir et les fouilles probables, c’était de la part de Mgr de Provenchères, la preuve de son immense confiance dans l’Esprit Saint qui guidait pte sr Magdeleine.

Je revois avec quel respect et quel amour elle a déposé “son trésor” dans le petit meuble vite recouvert d’un joli tissu et sur lequel je mettais chaque jour quelques fleurs. Bien des fois, au cours d’une conversation, quand elle recevait une visite ou lorsqu’elle écrivait son courrier, j’ai surpris les yeux de pte sr Magdeleine posés sur cet endroit. Elle vivait avec, et sous le regard de son Bien-Aimé frère et Seigneur Jésus. Elle avait une très grande pudeur et s’exprimait peu à ce sujet, mais tout son être laissait deviner cette intimité exceptionnelle »

Cette familiarité amoureuse avec Jésus-Eucharistie est une constante dans la vie de soeur Magdeleine. Elle le portera toujours avec elle, dans « L’Etoile Filante » pendant ses voyages dans les pays de l’Est. Elle obtiendra la permission de sa Présence dans la roulotte parmi les gitans, comme en témoigne soeur Marie-Josèphe de Jésus:

« Lors de la fondation chez les gitans, en principe nous ne devions pas avoir le Saint-Sacrement dans la roulotte, mais cependant Pte sr Magdeleine nous avait demandé de préparer le tabernacle pour recevoir la Sainte Réserve. Quand Mgr de Provenchères est venu célébrer la première messe, il venait de rencontrer le Pape Pie XII peu de temps auparavant et celui-ci avait donné la permission de garder le Saint-Sacrement ».

Enfin, dans les derniers mois de sa vie, elle aura la Présence de Jésus-Eucharistie dans sa chambre, selon le témoignage de soeur Annette de Jésus:

« Dans cette dernière étape de sa vie, la Présence eucharistique dans sa chambre, à partir d’octobre 1988, lui fut une joie et un réconfort très grands. Quand elle voulait adorer le Saint Sacrement chaque jour, elle faisait mettre un signe sur sa porte avec cette inscription : “Ne pas frapper sauf pour un coup de téléphone de l’extérieur ou une urgence”.

Enfin, pour soeur Magdeleine comme pour Charles de Foucauld, les musulmans occupent une place privilégiée, ces « frères de l’Islam » parmi lesquels a commencé son expérience en Algérie. Les témoignages montrent combien elle les a aimés et a été aimée par eux en retour. Trois musulmans ont accepté de témoigner pour sa béatification, dont deux anonymes pour des raisons de sécurité.

L’un d’entre eux a été un des tous premiers amis de soeur Magdeleine en Algérie, une amitié qui a duré toute la vie. C’est un pieux musulman qui a fait le pèlerinage à La Mecque, et qui est capable de témoigner de la foi et de la sainteté de soeur Magdeleine:

« Pte sr Magdeleine était une femme de foi, bien sûr. Elle croyait en Dieu.  Oui, pte sr Magdeleine vivait en pensant que la vie n’est qu’un passage et qu’il faut bien s’aimer durant la vie. Jamais elle n’était découragée. Bien sûr, pte sr Magdeleine cherchait à faire la Volonté de Dieu. Et elle désirait offrir sa vie à Dieu, par amour. Oui, elle parlait de Jésus, Aïssa. Noël était une grande fête pour elle, et aussi Pâques. Pour Noël, elle faisait la fête à Sidi-Boujnan. (…) Bien sûr, elle priait Lalla Meriem [Marie] et son fils Aïssa. Pte sr Magdeleine était bonne, très bonne vraiment. C’est une sainte. On doit l’appeler “sainte Petite Sœur Magdeleine”. Sa bonté, c’était avec tout le monde, et tout le monde l’aimait ».

 

 

 

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François-Marie Léthel

Le pape Benoît XVI a adressé une lettre au Père François-Marie Léthel, o.c.d., secrétaire de l’Académie pontificale de théologie et professeur à la faculté pontificale de théologie « Teresianum », qui a prêché la retraite de carême au Vatican de 2011, sur le thème : « La lumière du Christ au cœur de l’Eglise – Jean-Paul II et la théologie des saints ». Il est aussi depuis 2004, consulteur de la Congrégation pour les causes des saints. https://fr.zenit.org/articles/lettre-de-benoit-xvi-au-pere-francois-marie-lethel/

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